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Musée Guimet — Découvrir la culture dvâravatî, propre à convertir les coeurs les plus endurcis

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09.02.2009

Voilà plusieurs années que les deux commissaires de l’exposition du Musée Guimet, Pierre Baptiste et Thierry Zéphyr, sont partis sur les traces de Dvâravatî. Pas facile. Car il s’agit d’une culture ou d’un royaume gommés par l’histoire faute de traces écrites, que mentionnent de rares sources chinoises, et qui n’a guère émergé comme entité spécifique que depuis les années 1960.

Photo : www.terreentiere.com
Photo : www.terreentiere.com
Le royaume occupait le cœur de l’actuelle Thaïlande, frôlant entre le VIe et le XIe siècle la Birmanie, le Laos et le Cambodge. On ne lui connaît ni princes, ni guerres, ni conquêtes, mais sans doute un esprit commerçant et pacifique. On le suppose fait d’un rassemblement de villes dans le bassin du fleuve Chao Phraya et de ses affluents, villes qu’unissaient un urbanisme, une sculpture et une architecture – un point fort du catalogue est d’entrer dans l’étude détaillée de ces cités naissantes.

Des cités, il reste assez de traces pour agacer les dieux de l’archéologie. De l’architecture, on connaît quelques fragments juste assez cohérents pour permettre de parler d’unité. De la sculpture, décors pour l’essentiel effacés, et de la statuaire, il reste en revanche assez pour raconter une religion bouddhiste gardant de forts accents hindous et des souvenirs d’animisme.

Les traces et les œuvres de Dvâravatî sont dispersées à travers les musées de Thaïlande et dans quelques temples, où quelques fragments de décor ont préservé toute leur force religieuse.

L’exposition du Musée Guimet est exceptionnelle. Son premier intérêt consiste à faire l’inventaire de ces œuvres dispersées, une sorte d’archéologie de l’archéologie, de plongée magique dans la stupeur des musées. Élément passionnant : sans trop d’effort, le visiteur se transforme à son tour en explorateur d’un monde oublié.

Ce jeu en vaut la chandelle. L’ensemble, très fragile, car la plupart des pièces sont en terre sculptée ou moulée, ne circulera plus, ou pas avant longtemps, sinon dans son pays d’origine – l’exposition apportant une foison d’informations sur l’origine de la Thaïlande.

C’est dire aussi qu’il n’a pas été simple d’obtenir ces prêts, certains étant abîmés ou fragilisés par d’anciennes et périlleuses restaurations. Les institutions de Thaïlande ont cependant été généreuses, laissant partir 145 pièces, complétées par une vingtaine d’œuvres appartenant à Guimet. En échange, Guimet rendra aux musées thaïs plusieurs éléments restaurés selon des normes désormais considérées comme sûres.

Visiter l’exposition « Dvâravatî », c’est se rendre « aux sources du bouddhisme en Thaïlande », sous-titre de l’exposition. C’est dire si le visiteur peut aussi se noyer dans l’érudition complexe attachée à l’histoire religieuse de l’Asie du Sud-Est et de l’Inde. Mais l’énigme à peine déchiffrée de ces visages est en soi un plaisir, tant ils ruissellent de paix, de grave simplicité, d’émotion contenue, soutenue.

DEUX MAINS POUR CONVAINCRE

Une minuscule pièce de monnaie donne le départ de l’aventure, placée parmi d’autres éléments importés d’Inde ou de Birmanie. On y décèle un veau, une vache et, dans une écriture venue d’ailleurs, la mention de l’œuvre méritoire d’un seigneur de Srî Dvâravatî. Voici qui suffit à nous faire un pays, un prince et une morale.

La religion suit, omniprésente, sans trace d’objet profane. Elle passe par l’omniprésence de Bouddha, version « petit véhicule » pour les familiers du saint homme, et une série de grandes « roues de la loi », très marquées par leurs modèles indiens. Les stèles laissent imaginer les rituels, les danses, un raffinement déjà acquis.

Le Bouddha de Dvâravatî a ceci de particulier qu’il se sert des deux mains lorsqu’il s’agit de convaincre son auditoire, tandis que ses parents asiatiques se servent d’une de leurs mains pour tenir leur robe.

Si rien n’interdit de passer quelques heures en compagnie des autres chefs-d’œuvre exposés, une pièce, une seule, absolue splendeur de sagesse juvénile, venue du Musée national de Bangkok, fait de cette exposition un trésor : c’est un Bouddha debout du VIIIe siècle, venu du temple Wat Na Phra Men d’Ayutthaya, ancienne capitale au confluent du Chao Phraya et de son affluent Pa Sak. Digne et généreux, propre à convertir jusqu’aux coeurs les plus endurcis.

« Dvâravatî. Aux sources du bouddhisme en Thaïlande ».
– Musée Guimet, 6, place d’Iéna, Paris 16e.
– Tél. : 01-56-52-53-00.
– Tous les jours, de 10 heures à 18 heures ; fermé le mardi.
– Du 11 février au 25 mai. – Prolongation jusqu’au 22 juin

Catalogue : 312 p., 54 €.


Par Frédéric Edelmann
Source : www.lemonde.fr

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