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Urgyen Sangharakshita – Biographie

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QUI EST URGYEN SANGHARAKSHITA ?


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Ce qui suit est une courte biographie de Sangharakshita, le fondateur des Amis de l’Ordre Bouddhiste Occidental ou AOBO, en anglais Friends of the Western Buddhist Order or FWBO, considérant sa signification en tant qu’« interprète » du bouddhisme pour le monde moderne.

BIOGRAPHIE :

Les origines de Sangharakshita offrent peu d’indices quant à la façon dont il est devenu ce qu’il est aujourd’hui. Dennis Lingwood, tel était son premier nom, est né le 26 août 1925 dans le sud de Londres, de parents de classe ouvrière. Bien que ses parents aient eux-mêmes eu peu d’éducation, c’étaient des personnes droites et sensibles, offrant une maison heureuse et affectueuse au jeune Dennis et à sa sœur. Il fut très tôt évident qu’il était exceptionnellement intelligent, mais la vie continua normalement pour lui jusqu’à ce qu’il ait huit ans. On lui diagnostiqua alors un problème cardiaque sérieux qui nécessita, pour que ses jours ne soient pas mis en danger, qu’il reste complètement immobile et au calme. Pendant deux ans il fut confiné au lit, voyant seulement ses parents et le médecin de famille. Ce qui aurait pu être un désastre accablant fut, pour un esprit si vivant, une occasion singulière. Guidé par une sensibilité étonnamment mûre, le garçon de huit ans se mit à lire : principalement les classiques de la littérature anglaise, et les 61 volumes de l’encyclopédie pour enfants de Harmsworth, qu’il lut et, pour plusieurs d’entre eux, relut plusieurs fois. Ainsi il fut introduit à la littérature, à la philosophie, à la religion, et à l’art.

Deux ans plus tard, le diagnostic original étant contredit par un médecin pionnier, Dennis put quitter son lit et fut bientôt autorisé à retourner à l’école. Cependant, il affirme lui-même qu’il n’a rien appris d’utile dans son enseignement conventionnel, en particulier car ce dernier fut encore interrompu par la Seconde Guerre Mondiale. Il a acquis ses considérables connaissances presque exclusivement par ses propres efforts. À partir du moment où il a été confiné au lit, il a lu chaque semaine plusieurs livres de grande valeur, absorbant le contenu de chacun d’eux avec un vif discernement et une excellente mémoire. De cette époque date aussi son amour de l’art : en effet, ses premières capacités étaient si grandes que l’on imagina qu’il deviendrait peintre. Mais la peinture l’a mené à un nouvel et plus grand amour. À l’âge de douze ans, à la lecture du « Paradis perdu » de John Milton, il se découvrit une passion pour la poésie et commença lui-même à écrire des vers, ce qu’il continua à faire toute sa vie.

Avec le début de la guerre et la menace des raids aériens, la plupart des enfants vivant à Londres furent évacués de la ville. En 1940, avec la deuxième vague d’évacuations, Dennis partit pour le Devon, où il continua son auto-éducation, passant de nombreuses heures dans les bibliothèques municipales. Dès qu’il put persuader ses parents, il quitta l’école et prit un travail de bureau chez un négociant en charbon. Durant cette période il tomba par hasard sur « Isis dévoilée » de Madame Blavatsky, une œuvre fondatrice du mouvement de la théosophie. Lire ce livre le convainquit qu’il « n’était pas chrétien et ne l’avait jamais été ». Il revint à Londres en 1941, et pendant les deux années qui suivirent vécut avec ses parents et travailla comme commis pour le Conseil de Londres. Ce fut une période pleine de turbulences, où il tomba amoureux, commença à avoir des expériences psychiques et mystiques, et écrivit beaucoup de poèmes, ainsi qu’un roman jamais publié et aujourd’hui perdu.

En 1942, dans son écumage insatiable des librairies de Londres, il acheta un exemplaire de deux œuvres importantes du bouddhisme Mahayana : « le Vajracchedika Prajñaparamita Sûtra », ou « Sûtra du diamant », et « le Sûtra de l’estrade » de Hui-neng. Ces deux textes eurent un impact décisif, le convainquant qu’il était bouddhiste, et qu’il « l’avait toujours été ». Il devint membre de la Société bouddhiste de Londres, contribuant à sa revue, « The Middle Way », et assistant à ses réunions. Il y rencontra Christmas Humphreys et la plupart des personnes importantes du bouddhisme anglais de l’époque. Le jour de la pleine lune de mai 1944 vit son entrée formelle dans le bouddhisme, à l’occasion des célébrations de Vésak par la Société bouddhiste – les célébrations de l’anniversaire de la naissance, de l’éveil, et du parinirvana du Bouddha. À cette occasion, il récita pour la première fois les refuges et les préceptes, à la suite de U Thittila, un bhikkhu birman.

Le voyage en Orient.

Á cette époque, il avait été enrôlé dans l’armée, dans le corps des transmissions. En août 1944, il fut envoyé avec son unité à Delhi, en Inde. Il pouvait à peine croire sa bonne fortune, parce qu’il était arrivé au pays du Bouddha, pays qu’il n’avait jamais espéré voir. Cependant, comme il y avait là très peu de bouddhisme à rencontrer, il s’arrangea pour être muté à Colombo, à Sri Lanka. Bien qu’étant cette fois-ci dans un « pays bouddhiste », il n’eut aucun véritable contact avec des bouddhistes. C’est chez les swamis hindous de la mission de Ramakrishna qu’il trouva une véritable compagnie spirituelle. En fait, fortement encouragé par les swamis, il se découvrit un urgent désir de renoncer au monde et de devenir moine. Il fût ensuite muté à Calcutta, où il continua à être en contact avec la mission, sans jamais perdre sa fidélité de base au bouddhisme. En 1946, une dernière mutation l’emmena à Singapour, où il entra en contact avec des bouddhistes et commença la pratique de la méditation. Lorsqu’il entendit dire que son unité allait être démobilisée en Angleterre, il rendit son équipement et quitta le camp, devenant ainsi un déserteur.

De retour à Calcutta il travailla brièvement avec la mission de Ramakrishna, puis avec la Maha Bodhi Society, la principale organisation bouddhiste en Inde. Ces deux expériences le convainquirent de la corruption des organisations religieuses et renforcèrent sa détermination à renoncer au monde. En août 1947, à l’âge de vingt-deux ans, il prit une des mesures les plus importantes de sa vie. Avec un jeune ami indien, il brûla ses papiers d’identité, donna tout ce qu’il avait et, habillé d’une robe safran, il « alla de l’avant », devenant un ascète errant, comme le Bouddha l’avait fait avant lui. Il changea même de nom, prenant celui d’Anagarika Dharmapriya. Les deux amis passèrent deux ans principalement en Inde du Sud. Par moments ils s’arrêtaient quelque part, pour méditer et étudier. À d’autres moments ils erraient, vivant d’aumônes pour leur nourriture et leur abri. Ils visitèrent également les ashrams de divers maîtres hindous, parmi lesquels Anandamayi, Swami Ramdas, et Ramana Maharshi. Alors qu’il était dans une grotte près de l’ashram de Ramana Maharshi, celui qui n’était pas encore Sangharakshita eut une vision marquante du Bouddha Amitabha ; il considéra cela comme une confirmation qu’il était maintenant temps pour lui de chercher l’ordination en tant que moine bouddhiste.

Il ne lui fut cependant pas facile d’être ordonné. La première demande que firent les deux amis fut rejetée sans cérémonie par les moines du monastère de la Maha Bodhi Society à Sarnath. Les deux amis approchèrent ensuite le bhikkhu (moine entièrement ordonné) birman, U Chandramani, qui à cette époque était le moine le plus ancien en Inde, et purent, avec une certaine difficulté, le persuader de leur donner l’ordination de samanera, ou novice. C’est à cette cérémonie, en mai 1949, qu’il reçut le nom de Sangharakshita, « Protecteur de (ou protégé par) la communauté spirituelle ». Son ordination complète en tant que bhikkhu eut lieu à Sarnath en novembre de l’année suivante, avec comme upadhyaya ou précepteur un autre bhikkhu birman, U Kawinda, et comme acarya ou maître le Vénérable Jagdish Kashyap. Après leurs ordinations de samaneras, Sangharakshita et son ami, mendiant tout au long du chemin, se rendirent brièvement au Népal pour enseigner aux disciples d’U Chandramani. Sangharakshita passa ensuite sept mois avec le Vénérable Jagdish Kashyap, un des plus importants moines bouddhistes indiens du vingtième siècle, pour étudier le pâli, l’Abhidhamma, et la logique. Cette période idyllique se termina quand il se rendit avec son professeur en pèlerinage dans les lieux bouddhiques de l’État de Bihar, puis en Himalaya. Là, dans la petite ville de Kalimpong, aux frontières de l’Inde, du Népal, du Bhoutan, du Sikkim et du Tibet, le Vénérable Kashyap l’invita à demeurer et à travailler pour le bien du bouddhisme. Sangharakshita voulant réaliser les souhaits de son maître, Kalimpong devint sa résidence principale et le resta pendant les quatorze ans qui suivirent.

Dès son arrivée à Kalimpong à l’âge de vingt-cinq ans, Sangharakshita a œuvré très activement pour la renaissance du bouddhisme dans les régions frontalières, où vivaient un grand nombre de personnes qui n’étaient bouddhistes que culturellement. Trouvant les groupes bouddhistes existants trop sectaires, il commença une nouvelle organisation, l’Association Bouddhiste des Jeunes Hommes. L’association offrait non seulement un enseignement et une pratique du bouddhisme, mais également des activités culturelles et sociales, y compris des cours pour aider les jeunes hommes à passer leurs examens importants. Elle commença rapidement à jouer un rôle apprécié dans la vie de la ville, étant estimée tant par les jeunes que les moins jeunes, et tant par les bouddhistes que les non bouddhistes. Trois ans plus tard, elle s’affilia à la Maha Bodhi Society, ce qui lui permit d’obtenir de petites subventions. Sangharakshita fit cependant toujours attention à s’assurer de ne perdre aucune autonomie.

Pendant ses sept premières années à Kalimpong, Sangharakshita vécut et travailla dans des logements loués ou prêtés. En dépit de la petite subvention de la Maha Bodhi Society pour les activités de l’association, il n’avait lui-même aucun revenu régulier. Il vivait entièrement des donations de sympathisants, et de petits revenus liés d’une part à des articles et des poèmes écrits pour divers journaux, et d’autre part aux leçons d’anglais qu’il donnait – bien qu’il ait donné nombre d’entre elles gratuitement. Il y eut des périodes où il n’avait absolument pas d’argent – bien qu’il ait dit que ceci ne l’avait jamais inquiété. En 1957, grâce à la générosité du roi du Sikkim et d’un ami bouddhiste anglais, il put acheter son propre vihara.

Quelques mois après son arrivée à Kalimpong, il commença la publication de Stepping Stones, une revue bimestrielle de bouddhisme himalayen. Celle-ci attira rapidement une liste impressionnante de contributeurs, parmi lesquels Lama Govinda, Dr Herbert Guenther, Dr Edward Conze, et le Prince Pierre de Grèce. Bien que la revue ait dû cesser de paraître par manque de fonds, elle réussit, durant les deux années de son existence, à toucher un large lectorat, faisant connaître le jeune bhikkhu anglais à nombre de personnes du monde bouddhiste d’expression anglaise, et en particulier à quelques maîtres et savants importants.

Au cours des années qu’il passa à Kalimpong, Sangharakshita parvint à unir la communauté bouddhiste d’une manière tout à fait sans précédent. Il organisa la célébration commune, par tous les groupes bouddhistes locaux, de plusieurs fêtes bouddhiques importantes. Il organisa même une commémoration commune, par tous les bouddhistes tibétains de la ville, de l’anniversaire de Tsongkapa – une prouesse qui lui valut les félicitations personnelles du Dalai Lama.

Ses activités ne se limitèrent pas à la ville : il donna des conférences et tint des réunions dans toute la région. Lors de ses visites régulières au Sikkim, à la demande personnelle de la famille royale et du représentant du gouvernement indien, il fit ce qu’il put pour redonner de la vitalité à un bouddhisme en déclin dans le royaume, élaborant un cycle d’études pour les moines du monastère royal. Sa place de « leader » des bouddhistes de la région devint telle que lorsque circulèrent des rumeurs d’invasion des régions frontalières par les Chinois, le gouvernement indien lui demanda spécifiquement de rester à Kalimpong pour l’aider à décourager la fuite en masse des habitants bouddhistes.

Son association avec la Maha Bodhi Society commença en 1952 quand il fut invité par son secrétaire général, Devapriya Valisinha, à écrire une biographie du grand fondateur de la société, Anagarika Dharmapala. En faisant ce travail, il en vint à avoir une grande admiration pour Dharmapala, et une grande sympathie pour Valisinha, son successeur dévoué bien qu’un peu moins capable. Il porta cependant de sérieuses critiques quant à l’organisation de la société : son comité exécutif était dominé par des hindous de caste, l’un d’eux étant ouvertement hostile au bouddhisme. Sangharakshita fit donc attention à ne jamais se compromettre : il ne devint pas membre de la société. Il fut néanmoins pendant de nombreuses années le principal rédacteur de son magazine, « The Maha Bodhi », et il donna souvent des conférences dans les locaux de la société, à Calcutta et ailleurs.

L’aide aux opprimés.

Bien que Kalimpong ait été sa résidence principale de 1950 à 1964, il eut une sphère d’activité beaucoup plus large. Presque tous les ans il quittait les contreforts himalayens, donnant des conférences dans nombre de régions de l’Inde. Très bon orateur, il était très demandé par les antennes de la Maha Bodhi Society, ainsi que par diverses organisations non bouddhistes. Il en vint à connaître une grande variété de personnes : des moines bouddhistes de nationalités et d’écoles différentes, des disciples occidentaux venus en Himalaya pour étudier la culture et la religion tibétaines, des théosophes, des missionnaires chrétiens, des hommes politiques, et même l’acteur Raj Kapoor, le « Clark Gable » de l’Inde. Une de ses rencontres les plus significatives fut celle de Dr Bhimrao Ambedkar. Cet homme remarquable était l’un des principaux hommes politiques indiens de l’époque : c’est lui qui avait dirigé la commission de rédaction de la constitution de l’Inde, au moment de l’indépendance. Lui-même né intouchable, il était devenu le principal leader des intouchables dans leur lutte pour la justice sociale. Après une réflexion longue et approfondie, Dr Ambedkar avait fini par conclure que la seule issue hors de l’oppression du système des castes hindou était de quitter l’hindouisme, et il décida de devenir bouddhiste. À l’origine de la conversion de millions de personnes, sa propre conversion fut l’un des événements les plus significatifs pour le bouddhisme au XXème siècle. Sangharakshita put le conseiller sur la signification réelle de la conversion, et sur la façon de l’entreprendre. À l’invitation de Dr Ambedkar, il commença à enseigner aux disciples de ce dernier la signification de la religion qu’ils étaient sur le point d’embrasser.

Sangharakshita ne put pas assister à la cérémonie à Nagpur durant laquelle, en octobre 1956, Dr Ambedkar se convertit au bouddhisme, immédiatement suivi par près de 400.000 de ses disciples. Mais quand il arriva à Nagpur six semaines plus tard, il apprit que le grand leader était mort quelques heures auparavant : Sangharakshita était arrivé exactement au moment où sa présence était la plus nécessaire. Au cours des jours critiques qui suivirent, il œuvra inlassablement pour rassembler les foules d’intouchables en deuil, gagnant ainsi une place particulière dans leur affection. Presque tous les ans qui suivirent, jusqu’à son départ d’Inde, il passa plusieurs mois à voyager et à rendre visite aux nouveaux bouddhistes de l’Inde occidentale, leur enseignant les principes de leur religion. Il conduisit personnellement les cérémonies de conversion de plus de 200.000 personnes.

Bien qu’il ait été très actif, à Kalimpong et ailleurs, Sangharakshita ne négligeait jamais sa pratique spirituelle. Il méditait au moins tous les matins et tous les soirs, et continuait à étudier et à réfléchir sur le Dharma. Tous les ans il observerait la « retraite des pluies » traditionnelle, demeurant pendant trois mois dans l’enceinte de son vihara et se consacrant entièrement à la méditation, à l’étude, et à l’écriture. Être près de la frontière avec le Tibet lui donna l’occasion d’étudier le bouddhisme tibétain de première main. Nombre des principaux lamas s’échappaient de leur pays récemment envahi par la Chine, et Kalimpong était souvent leur premier point d’arrêt. En 1956, il reçut une initiation de Chetrul Sangye Dorje, un lama grandement respecté, bien que très peu conventionnel. Il reçut par la suite des initiations et des enseignements de Jamyang Khyentse Rimpoche, de Dilgo Khyentse Rimpoche, de Dudjom Rimpoche et de Khachu Rimpoche, tous issus de la tradition Nyingmapa, et de Dhardo Rimpoche, un Gelugpa dont les « incarnations » précédentes étaient toutes Nyingmapa. De Dhardo Rimpoche, qui devint un ami proche, il reçut en octobre 1962 l’ordination de bodhisattva. Ainsi, il reçut les ordinations et les initiations dans chacun des trois yanas du bouddhisme.

Durant tout son séjour en Inde il continua à écrire. Bien qu’en 1949 il ait brûlé la majeure partie de ses poèmes, il continua à écrire des vers ; certains de ses poèmes furent publiés par divers journaux, y compris par un magazine à grande diffusion, « l’Illustrated Weekly of India ». L’année 1954 vit la publication d’un volume de ses poèmes, « Les messagers du Tibet et autres poèmes ». Outre nombre d’articles et d’éditoriaux pour Stepping Stones, pour The Maha Bodhi, et pour d’autres périodiques, il écrivit : « Une flamme dans la nuit : biographie d’Anagarika Dharmapala », et son œuvre principale : « A Survey of Buddhism », tous deux publiés alors qu’il était encore en Inde. Deux autres œuvres écrites à cette époque : « Les Trois Joyaux », une introduction au bouddhisme, qui commença son existence comme contribution à une encyclopédie, et : « Le legs éternel », une présentation de la littérature bouddhique canonique, ne furent publiées que quelques années plus tard.

Le voyage de retour.

Pendant ses années passées en Inde, Sangharakshita avait suivi, par affinité, les fortunes du mouvement bouddhiste en Occident, en particulier en correspondant avec quelques-uns de ses amis bouddhistes anglais. En 1964, il fut invité à passer six mois à Londres pour aider à recréer une harmonie dans un monde bouddhiste britannique déjà sectaire. Réalisant que, pour de nombreuses raisons, il ne pouvait guère faire plus pour le bouddhisme en Inde, il décida de voir quelles opportunités l’attendaient en Occident et accepta l’invitation. Il insuffla rapidement un nouvel esprit dans l’atmosphère trop sérieuse du bouddhisme anglais, s’élançant avec vigueur dans des cycles de cours, de conférences et de réunions. Il était clairement très apprécié, et le nombre de gens venant aux réunions qu’il animait commença à croître. Il était évident que le bouddhisme avait un grand potentiel en Occident. Les six mois devinrent dix-huit, et il décida finalement de retourner en Inde pour dire adieu à ses amis, et de revenir ensuite vivre à Londres de manière permanente.

Lors des dix-huit mois passés à Londres il était devenu titulaire du vihara bouddhiste de Hampstead, et c’est au vihara qu’il avait l’intention de revenir. Cependant, son approche non sectaire et son refus de se conformer à des attentes limitées quant à ce qu’un moine bouddhiste devait et ne devait pas faire retournèrent certains des administrateurs du vihara contre lui. Alors qu’il faisait son voyage d’adieu en l’Inde, il reçut une lettre lui notifiant qu’on ne lui permettrait pas de reprendre son ancien poste. En dépit des protestations de la plupart de ceux qui venaient au vihara, les membres du bureau avaient, à une faible majorité, voté pour l’exclure. À la lecture de la lettre, Sangharakshita se sentit soulagé. Il était libre de recommencer, hors de la confusion et des désaccords du monde bouddhiste britannique de l’époque. Avec la bénédiction de ses maîtres et amis indiens, il revint en Angleterre. Quelques jours après son arrivée, en avril 1967, il fonda les Amis de l’Ordre Bouddhiste Occidental, avec un petit groupe de ses disciples du vihara. Un an plus tard, il ordonna treize premières personnes, hommes et femmes, dans l’Ordre Bouddhiste Occidental.

Le reste de la vie de Sangharakshita est lié si étroitement au développement de l’AOBO / FWBO qu’il est difficile de le décrire en un simple récit. En quelques mots, il s’est complètement consacré à ce mouvement qui, dans l’ensemble, s’est développé très régulièrement et solidement. Les quelque cinq premières années ont été intensément créatives. Sangharakshita avait, si l’on peut dire, fait son apprentissage au sein du monde bouddhiste traditionnel : il avait profondément réfléchi au Dharma et l’avait intensément pratiqué. Il était maintenant seul et devait faire vivre le bouddhisme dans un environnement entièrement nouveau, en se basant seulement sur les principes fondamentaux. Étape après étape, Sangharakshita forma son nouveau mouvement bouddhiste.

Chaque semaine il y avait trois ou quatre cours. Au début, les activités eurent lieu au centre de Londres, dans la cave louée d’un magasin, puis dans des pièces empruntées à un restaurant macrobiotique et à un centre « new-age », et finalement dans un quartier du nord de Londres, dans une usine désaffectée et vouée à la reconstruction. Non seulement Sangharakshita animait-il toutes classes : il effectuait lui-même une grande partie du travail d’organisation, formant progressivement ses disciples à la gestion d’un mouvement bouddhiste. Il donna plusieurs séries importantes de conférences dans lesquelles il présenta les enseignements fondamentaux du bouddhisme, s’inspirant de toutes les écoles et de toutes les traditions. Il animait deux fois par an des retraites, et tout au long de l’année des séminaires ou des ateliers d’un jour ou d’un week-end. Une grande partie de son temps se passait dans des rencontres personnelles avec les nombreuses personnes qui souhaitaient le voir. Il n’était en effet pas seulement un maître et un enseignant pour ses disciples : il était aussi un ami.

En 1973, il sembla que le nouveau mouvement bouddhiste était suffisamment fermement établi pour que son fondateur se retire de la gestion quotidienne. C’était non seulement possible : c’était souhaitable. Les membres de l’Ordre avaient besoin d’avoir l’occasion de prendre plus de responsabilités, et Sangharakshita devait œuvrer de manière nouvelle. Le mouvement avait deux centres à Londres et deux en Nouvelle-Zélande, sans compter des groupes importants à Glasgow et à Brighton, et de plus petits ailleurs. Sangharakshita était à la tête d’un mouvement grandissant et ne pouvait rester impliqué dans un seul centre. Il alla vivre tout d’abord dans un petit chalet près de la mer en Cornouailles, puis dans plusieurs maisons dans les comtés du Norfolk et du Suffolk. Il y rédigea la première partie de ses mémoires, publiées en deux livres : « Learning to Walk » et : « The Thousand-petalled Lotus », et écrivit plusieurs articles.

Bien qu’il n’ait plus été impliqué dans l’organisation quotidienne de l’AOBO / FWBO, il regardait de près tout ce qui s’y passait, en particulier les initiatives nouvelles. Tandis que le mouvement grandissait et s’approfondissait, Sangharakshita alla toujours plus loin dans son enseignement, faisant à chaque étape ressortir les principes qui étaient à la base de l’évolution du mouvement. Il continua, au cours des quinze années qui suivirent, à donner d’importants cycles de conférences, et conduisit des séminaires destinés à des petits groupes de ses disciples et portant sur de divers textes bouddhiques, présentations contemporaines du Dharma, et travaux d’autres origines.

Tous les ans il rendait visite à plusieurs centres et groupes, en Grande-Bretagne et à l’étranger, rencontrant des personnes, donnant des conférences, et parlant avec des membres de l’Ordre. Londres était toujours le centre principal et il s’y rendait fréquemment, en particulier après l’ouverture en 1979 du grand Centre Bouddhiste de Londres, où il avait un petit appartement. En 1977, il avait installé sa résidence principale dans une maison de la campagne du Norfolk, qui devint le centre de retraite pour hommes de Padmaloka. Là, il forma autour de lui une petite communauté, dont certains membres travaillaient comme ses secrétaires, formant l’équipe de gestion de l’Ordre Bouddhiste Occidental. Vers la fin des années 70 le mouvement comportait environ quinze centres, et des communautés et des entreprises rattachées à plusieurs d’entre eux. L’AOBO n’offrait plus seulement des enseignements et des pratiques, mais un mode de vie nouveau et radical, se développant sous les conseils personnels du fondateur.

En 1977, un des principaux disciples anglais de Sangharakshita entra en contact avec certains de ses disciples en Inde et, avec leur aide, commença à y établir l’AOBO. Ce dernier y est connu sous le nom de Trailokya Bauddha Mahasangha Sahayak Gana (TBMSG), ou « Communauté des Aides de l’Ordre Bouddhiste des Trois Mondes », les trois mondes étant une allusion aux trois mondes de la cosmologie bouddhique et aux premier, second, et troisième mondes de la politique moderne. Il fut vite clair que Sangharakshita n’avait pas été oublié et que les principes de son nouveau mouvement bouddhiste étaient aussi applicables en Inde qu’en Occident. Très rapidement, des milliers de personnes s’impliquèrent dans le mouvement. Sangharakshita lui-même se rendit en Inde deux ans plus tard, et conduisit les premières ordinations d’Indiens dans l’Ordre. Il est allé périodiquement en Inde depuis lors, et s’est intéressé de près aux activités qui s’y déroulent, et qui se développent bien plus rapidement que n’importe où ailleurs dans le monde. Sur ses vifs conseils, ses disciples en Occident ont commencé à réunir des fonds destinés à des projets sociaux en Inde, en particulier parmi les nouveaux bouddhistes. Ces disciples ont créé ce qui est maintenant devenu une importante association de récolte de fonds, le Karuna Trust.

À cette époque, Sangharakshita avait une charge de travail extrêmement lourde. Se tenir simplement au courant ce qui se passait et maintenir le contact avec tous ceux qu’il avait ordonnés occupait une grande part de son temps. Grâce à une forte discipline personnelle, il continua son travail littéraire tout en visitant des centres, en donnant des entretiens individuels, en donnant des conférences et animant des séminaires, et en traitant les nombreuses questions et nombreux problèmes surgissant dans toutes les parties du mouvement. Il institua en 1981, dans un ancien monastère catholique en Italie, une retraite annuelle de trois mois pour les hommes qui s’approchaient de l’ordination, animant lui-même nombre des activités et supervisant l’étude. Pendant les huit années qui suivirent, ces retraites, bien que toujours exigeantes, furent pour lui une occasion de prendre du recul par rapport aux tâches quotidiennes d’un mouvement qui ne cessait de croître. Tous les ans, il alla également passer un certain temps dans les retraites d’ordination des femmes.

Heureusement, ses disciples aînés mûrissaient. En 1985 et 1986 il délégua à des équipes de membres de l’Ordre, hommes et femmes, le fait de conférer les ordinations en Inde, et en 1989 il transmit la responsabilité des ordinations en Occident. Il y avait alors parmi les membres de l’Ordre quelques enseignants et maîtres qualifiés, et bien imprégnés des principes que Sangharakshita avait éclairés tout au long des vingt années qui venaient de s’écouler. Il décida qu’il lui fallait se focaliser sur son travail littéraire, laissant autant que possible à d’autres le soin de diriger le mouvement. En 1989, il s’installa dans son appartement au Centre Bouddhiste de Londres, vivant paradoxalement en retraite dans la ville, et gardant plusieurs responsabilités importantes. Outre son écriture et ses responsabilités organisationnelles, Sangharakshita restait en contact avec ses nombreux disciples, rencontrant chaque jour plusieurs d’entre eux et correspondant avec d’autres. De temps à autres il visitait des centres de l’AOBO, montrant un intérêt particulier pour les nouveaux lieux où le mouvement se développe.

Le mouvement aujourd’hui a grandi à tel point que la grande majorité de ceux qui y sont engagés ont peu ou n’ont pas de contact personnel avec son fondateur. Il n’y a pas de « culte de la personnalité » dans l’AOBO, mais Sangharakshita est très apprécié et son influence s’étend à chaque aspect du mouvement. Mais il a toujours eu fortement conscience du fait que ses disciples devaient apprendre à continuer le travail sans lui. Il s’est engagé dès le début dans un processus conscient de retrait, afin que d’autres puissent prendre les responsabilités qu’il laisse derrière lui. À l’occasion de la célébration de ses soixante-dix ans, il a transmis ses dernières responsabilités à ses disciples les plus anciens. Sangharakshita vit actuellement à Birmingham, en Angleterre, où il se focalise sur le contact personnel avec des gens, et sur son travail d’écriture.


Source : © Centre Bouddhiste de l’Ile de France ->

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