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D’anciennes civilisations ressucitées par ordinateur

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A la fin des années 1990, l’archéologue Sam Paley, de l’université de l’Etat de New York à Buffalo, étudiait la salle du trône du palais de Nimrud, antique capitale de l’Assyrie, aujourd’hui située en Irak. Le site datait du ixe siècle avant notre ère.

A l’époque, la salle était ornée de peintures et de bas-reliefs qui avaient pour but d’impressionner les visiteurs, mais il ne restait de ces œuvres que des fragments éparpillés dans une soixantaine de musées de par le monde. Puis, durant une conférence, Paley assista à une présentation de Donald Sanders, l’un des pionniers de l’utilisation en archéologie des graphismes en 3D sur ordinateur.

Les deux hommes passèrent des années à se procurer des photographies des divers musées et à reconstituer une maquette virtuelle en trois dimensions.
Enfin, ils furent en mesure de tester certaines de leurs hypothèses sur l’agencement de la salle du trône.

Remonter le temps à l’aide de simulations informatiques

La salle du trône du palais de Nimrud est un exemple typique de l’essor de l’archéologie virtuelle : les archéologues ont recours à l’informatique pour recréer des environnements du passé, qu’il s’agisse d’objets, d’édifices, de paysages peuplés de personnages humains ou même d’antiques champs de bataille.

La discipline se développe et, dans de nombreux pays, il est désormais courant qu’une équipe archéologique comprenne un spécialiste du virtuel. Cela tient entre autres au fait que le coût des équipements, comme les scanners 3D, ne cesse de diminuer. Le secteur profite également de l’évolution de l’industrie du divertissement : la technologie est la même que celle utilisée pour les jeux vidéo et les effets spéciaux au cinéma.

Les spécialistes du virtuel peuvent désormais s’attaquer à quelques-unes des énigmes les plus épineuses de l’archéologie.

Ainsi, on cherche depuis longtemps à comprendre pourquoi les Anasazis, un peuple antique amér­indien, ont abandonné la région des Four Corners [les “quatre coins”, ainsi appelés parce que les frontières de quatre Etats – l’Arizona, l’Utah, le Nouveau-Mexique et le Colorado – s’y touchent], dans le sud-ouest des Etats-Unis, il y a environ sept siècles.

Depuis des décennies, les archéologues et les historiens ont envisagé diverses hypothèses, dont des guerres et des changements climatiques. Les scientifiques du programme de recherche Village Ecodynamics Project (VEP), sous la férule de Tim Kohler, de l’université de l’Etat de Washington, et de Ziad Kobti, de l’université de Windsor, au Canada, ont abordé la question sous un angle différent.

Ils ont recréé virtuellement le monde de l’époque, des paysages au climat en passant par le comportement humain. Ils comptaient répondre à plusieurs questions, dont celle du cycle démographique des Anasazis, qui alterna phases de croissance et de déclin entre 920 et 1280, époque à laquelle ils finirent par quitter la région.

En se fondant sur des données archéologiques telles que l’évolution du nombre de foyers, sur des données ethnographiques comportementales, comme le partage de la nourriture, ainsi que sur les cernes de croissance des arbres et sur des prélèvements du sol pour la climatologie, les scientifiques ont méticuleusement reconstitué une partie de l’environnement des Anasazis – une région de 1 827 km2 dans le sud-ouest du Colorado.

Une fois ce paysage recréé, ils y ont placé 200 foyers et les ont laissés réagir à divers scénarios : ils pouvaient choisir quelle quantité de maïs cultiver, combien d’animaux chasser, etc.

Les simulations de ce genre “nous donnent l’occasion d’observer l’interaction entre les humains et leur environnement” d’une façon que ne permet pas l’archéologie classique, commente Mark Varien, archéologue membre du projet VEP. L’équipe est ainsi parvenue à une découverte importante : les Anasazis se seraient mis à pratiquer une chasse trop intensive des cervidés à partir de l’an 900 de notre ère.

La simulation suggère également que c’est à peu près au même moment que cet ancien peuple aurait commencé à domestiquer des dindes – ce que confirme l’archéologie –, peut-être parce que les cervidés se faisaient justement plus rares. Enfin, le projet a abouti à une autre conclusion : la région aurait connu une déforestation extensive, ce qui n’apparaissait pas clairement dans les fouilles archéologiques.

“Sans la simulation, nous n’aurions pas pu calculer l’impact d’une population qui ramassait du bois tous les jours”, précise Kohler. Cette dégradation de l’environnement ainsi que de nombreux conflits au sein de la population peuvent expliquer l’exode des Anasazis.

Non seulement les archéologues du virtuel sont en mesure de recréer d’anciens édifices et des cultures ­disparues, mais ils peuvent aussi remonter le temps pour vérifier leurs hypothèses. Les Incas, qui bâtirent un vaste empire aux xve et xvie siècles dans l’ouest de l’Amérique du Sud, érigeaient de grandes colonnes de pierre, comme les deux que l’on trouve dans l’île du Soleil, située sur le lac Titicaca, en Bolivie.

Beaucoup d’archéologues pensent qu’elles avaient pour rôle d’indiquer la position du soleil sur l’horizon pendant les solstices. Cependant, d’autres spécialistes estiment que ces tours servaient plutôt de sépultures.

L’hypothèse des solstices ne peut être testée dans la pratique qu’au coucher du soleil un jour de solstice, et les vestiges des tours sont très abîmés, ce qui rend toute vérification difficile. Bernard Frischer et son collègue Chris Johanson, de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), ont donc développé un modèle en trois dimensions de la topographie de l’île du Soleil.

Puis, en s’appuyant sur des données astronomiques, ils ont reconstitué la position du soleil à son coucher tel qu’elle avait dû être en l’an 1500 aux alentours du solstice d’hiver.

Leur modèle a confirmé l’hypothèse des solstices. “Une fois que nous avons établi notre modèle, nous pouvons expérimenter de nombreuses façons, dit-il. Nous pouvons littéralement nous amuser à voyager dans le temps.”

Source : courrierinternational.com

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