Fatigué d’une négligence quotidienne de la vie spirituelle au profit de ses études d’économie, Taisen Deshimaru s’initie au zen. Il n’a alors que vingt ans et déjà, la dualité est obsédante : peut-on confronter matérialisme du quotidien et spiritualité divine ? Sa rencontre avec Kodo Sakawi, l’un des Maîtres japonais les plus influents du XX ème siècle, sera déterminante pour celui qui devint l’un de ses plus fervents disciples à partir de 1930. Le premier enseignement qu’il reçut fut de ne pas abandonner sa vie sociale pour se consacrer entièrement au zazen, comme il l’aurait voulu. Il ne faudrait pas tomber dans l’état de « léthargie paresseuse » lui dira le Maître zen. Dans cette logique de liens aux hommes, il devra attendre, avant de se faire ordonner moine. «Je veillerai à faire de toi un grand moine » lui glissera cependant Kodo Sawaki.
« Aime toute l’humanité sans distinction de race et de croyance ». La guerre américano-nippone sépare pour un temps le disciple de son Maître, qui prédit une défaite cuisante de Tokyo. C’est précisément dans ce contexte de violences et de haines, poussées au paroxysme que Taisen Deshimaru trouvera les conditions justement adaptées à la pratique de l’idéal boddhisattva.
Revenu au Japon, il se fait homme d’affaires tout en continuant de pratiquer le zazen avec son Maître retrouvé. De matérialités économiques en méditations zen, il recouvre alors pour un temps cette dualité contardictoire, contractée au temps de sa jeunesse.
1965 : A l’aube de sa mort, le Maître Sodo Sawaki, confie à son disciple une mission qui inscrira son action dans la continuité : enfin ordonné moine, il devra transmettre et exporter le Bodhidharma sur une terre neuve, l’Occident.
En 1967 il est invité à Paris. C’est un signe. Il se dénoue de ses attaches nippones, et s’envole pour l’Occident pour y diffuser les préceptes de son Maître. Il s’y plaira à mener une vie simple, multipliant les actions transmissives au cours du temps : De par ses conférences et autres massages shiatsu, il cherche à inciter les hommes à la pratique du zen. Mais il a d’abord fallu revoir les idées communément répandues chez certains intellectuels.
Une fois l’enseignement effectivement mis en marche, il s’appliquera à la construction de 100 dojos à travers l’Europe (lieux de cultes) ainsi qu’à l’ordination de moines et de bodhisattvas. On s’applique, partout, à respecter le principe de base : il faut aider l’homme d’aujourd’hui, déséquilibré par une civilisation lacérée d’égoïsmes et de violences. Et c’est par la pratique efficace du zen, le zazen, qu’il parviendra à une compréhension plus poussée de lui-même et de la vie.
Taisen Deshimaru est notamment à l’origine de la création du plus grand dojo jamais construit en Occident : La Gendronnière. Près de Blois (Val de Loire) en pleine nature, située au coeur d’un parc verdoyant, c’est un lieu idéal pour pratiquer le zazen. Celui que l’on appelle le « boddhisattva des temps modernes » y éduquera ses proches disciples. Il fondera également «l’AZI » : Association zen internationale en 1970 pour diffuser la pratique de l’enseignement zen. Présidée aujourd’hui par un comité de 24 personnes, elle compte bon nombre des plus anciens de ses disciples. De par son enthousiasme toujours d’attaque et l’ampleur de ses créations, il reçoit le titre de « kaikyosokan ». Il est ainsi reconnu (et ce par tous les principaux temples du zen soto au Japon) en responsable officiel de l’enseignement zen pour toute l’Europe.
« Please continue zazen ».
Touché par la maladie, il épellera ses dernières volontés en prônant la continuité de son action.
Magali Lacroze pour www.buddhachannel.tv