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Le tao cherche sa voie au Grand Palais, Paris

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Si, dans l’Occident chrétien, les voies du Seigneur sont réputées impénétrables, penchons-nous alors sur la voie, le tao (ou dao dans sa transcription contemporaine), telle que la Chine en a forgé le concept.

L’exposition présentée au Grand Palais par le Musée national des arts asiatiques Guimet manifeste l’heureuse intention de nous aider à nous y retrouver, à travers les dix mille chemins qui s’y croisent.

Catherine Delacour en est la commissaire, avec l’aide de Jacques Giès, et leur tâche n’a pas été facile, les richesses du Musée Guimet, les prêts de musées d’Amérique, d’Angleterre ou de Taïwan n’ayant pas suffi à compenser, semble-t-il, l’absence d’enthousiasme de la République populaire, d’où sont originaires, cela dit, tous les trésors desdits musées.

Comme toujours en matière de religion ou de philosophie, le tao n’a pas été créé en un jour : il a été précédé pendant plusieurs siècles par la constitution d’un ensemble considérable de dogmes, de croyances, d’observations astronomiques aux conséquences astrologiques, d’intérêts, de pouvoirs, de conflits. Au VIIIe siècle avant Jésus-Christ apparaît ainsi le Yijing, ou Livre des mutations, manuel de divination et de cosmologie qui sera de grand profit lorsqu’il s’agira de constituer les doctrines du confucianisme et du taoïsme.

TRADUCTIONS PÉRILLEUSES

Puisque l’exposition s’en charge, on ne va pas ici « raconter le film », juste évoquer quelques repères. Le Dao De Jing ou Livre de la voie et de la vertu est un petit recueil de textes, au nombre de quatre-vingt-un, attribués à Lao-tseu (ou Laozi), « le vieux maître », un homme à l’existence incertaine qui aurait vécu sous les rois de Zhou dans la période troublée des « Printemps et des Automnes », pour mourir, dit-on, en 531.

Fort inquiet de l’état des choses de ce monde, il serait parti vers l’ouest, monté sur un buffle noir. Arrivé au col de Hien Kou, un garde-frontière du nom de Yin Xi aurait négocié son passage contre ce testament philosophique, qui s’appellera Dao De Jing quans il aura été réellement écrit, six siècles plus tard.

Dans le même état d’esprit propice aux légendes, Confucius (nom latinisé de Kong zi) qui, c’est plus probable, aurait vécu à la même époque, allant de cour en cour dispenser ses conseils aux monarques, vint à rencontrer Lao-tseu. L’épisode est moins qu’incertain, mais sa réalité se trouve confirmée par quelques bribes d’échange pas très aimables pour Kong zi.

Reste ce petit livre au texte un peu flottant, et aux traductions périlleuses. Ce sont des aphorismes, des conseils, des sentences, tous écrits suivant une forme poétique qui laissent chacun libre de l’interpréter. Quand Ma Kou et Marc de Smedt (Albin Michel, 1984) en traduisent la première ligne, ils entendent : « La vérité que l’on veut exprimer n’est pas la vérité absolue. Le nom qu’on lui donne n’est pas le nom immuable. »

Pour Claude Larre (Desclée de Brouwer, 1977) : « La voie qu’on peut énoncer n’est déjà plus la Voie et les noms qu’on peut nommer ne sont déjà plus le Nom. » Nuance ou confusion ? En tout cas, c’est plus joli et plus court en chinois.

DIEUX ET DÉMONS

A ces 81 textes vont s’ajouter, outre le grain de sel de quelques penseurs de haut vol comme Tchouang-tseu (ou Zhuangzi), un monde de dieux et de démons et tous les rituels qui caractérisent l’essence d’une religion. Si le taoïsme a ingéré quelques traces de bouddhisme, le bouddhisme va garder ses réalités propres, tout en ingérant, dans une de ses formes, assez de taoïsme pour donner le bouddhisme chan, mieux connu sous le terme zen au Japon.

Cela nous fait deux religions. On leur adjoint le confucianisme, dont les temples et les rituels prédomineront en Chine, mais qui, dépourvu de dieu, sinon de respect pour le ciel, ne se connaît qu’un seul maître : l’empereur.

Quelques très belles peintures, des sculptures, des bronzes, donnent sa véritable vertu à l’exposition. Mais s’il est souhaitable d’en suivre les textes, on reste perplexe devant le caractère hétéroclite de trop d’objets dont la valeur de témoignages butinés au hasard des dynasties est affaiblie par un maigre intérêt esthétique.

La muséographie rappelle une salle des ventes, peu propice au recueillement. Au moins le public se précipite-t-il sur la librairie, comme pour se consoler.

« La voie du tao, un autre chemin de l’être », Galeries nationales du Grand Palais, 3, avenue du Général-Eisenhower, Paris 8e. M°Champs-Elysées-Clemenceau.
Tél. : 01-44-13-17-17. Du mercredi au lundi, de 10 heures à 20 heures ; nocturne le mercredi jusqu’à 22 heures. Fermé le 1er mai. Jusqu’au 5 juillet. De 8 € à 11 €.

Auteur : Frederic Edelmann

Source : http://www.lemonde.fr

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