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Népal — Le changement climatique a bon dos

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08.12.2009

icone_mont.bmpLe gouvernement népalais utilise le réchauffement de la planète pour expliquer nombre de dysfonctionnements. Un bon prétexte qui masque en réalité la mauvaise gestion politique du pays, estime le Nepali Times.

La retransmission en direct sur NDTV du Conseil des ministres du 4 décembre à Kala Patthar, sur les pentes de l’Everest, a tenu beaucoup de téléspectateurs népalais en haleine. Quel soulagement qu’aucun ministre ne se soit évanoui devant les caméras. Le vice-Premier ministre Sujata Koirala était bien un peu livide à un moment donné, mais elle a repris des couleurs une fois sa bouteille d’oxygène ajustée. Son supérieur, le Premier ministre Madhav Nepa, s’est réchauffé au fur et à mesure et a même commencé à s’amuser un peu vers la fin de cette réunion au sommet, à 5 000 mètres d’altitude. L’exercice tout entier s’inspire du Conseil des ministres des Maldives qui, lui, s’est tenu sous l’eau le 17 octobre 2009. Comme ce dernier, il est destiné à attirer l’attention de la communauté internationale sur l’impact du réchauffement climatique sur la fonte des neiges de l’Himalaya et sur l’élevation du niveau de la mer. C’est un coup de pub ingénieux. Cet évènement a permis de sensibiliser l’opinion népalaise sur la question et et de souligner la fragilité du Népal face au réchauffement de la planète. Mais le risque est maintenant que nos dirigeants se mettent à mettre tous nos maux sur le dos du changement climatique en ne voyant comme seuls coupables que les pays riches.

D’ores et déjà, on nous dit que le déficit alimentaire dans l’ouest du Népal est dû au réchauffement climatique. Allons donc. Le district du Trans-Karnali [l’un des plus pauvres du pays] en souffre depuis des temps immémoriaux à cause de la négligence et de l’apathie des régimes qui se sont succédé à Katmandou. C’est l’indifférence du gouvernement qui est responsable de la fragilité de l’agriculture, qui dépend encore à 80 % de l’eau de pluie, ce qui rend le secteur si vulnérable aux caprices météorologiques. L’augmentation des émissions de gaz carbonique a peut-être exacerbé le phénomène, mais on ne peut pas le tenir responsable de l’absence de progrès en matière d’irrigation. Au train où vont les choses, le gouvernement invoquera la même excuse pour justifier l’échec des négociations sur le partage du pouvoir avec les maoïstes.

Lors du Conseil des ministres sur les pentes de l’Everest, nous avons entendu des ministres dire : « Regardez le Sagarmatha [sommet le plus haut de l’Himalaya, sur le Mont Everest], il est si noir, on ne voit pas la neige ». En réalité, ils n’y connaissent pas grand chose. S’il est vrai que les glaciers reculent, la face sud-ouest du Chomolungma sur le Mont Everest n’a jamais été enneigée, car la faiblesse des précipitations et son exposition aux courants d’air rapides [les Jet-stream] ne le permettent pas. Et le nom même de “Kala Patthar” [qui veut dire “pierre noire”], le lieu où s’est tenu le Conseil des ministres, vient du fait que la sombre saillie rocheuse de Pumori [montagne de l’Himalaya située à 9 km de l’Everest] est presque totalement dénuée de neige. Il faut donc veiller à ne pas laisser nos dirigeants se servir du changement climatique pour excuser leur inaction en matière de développement et face à des difficultés qui ont existé avant même que les scientifiques n’aient pris connaissance du réchauffement de la planète. L’absence d’indemnisation de la part des Occidentaux en direction des pays touchés par le changement ne doit pas servir à justifier l’inertie du gouvernement et l’absence de volonté politique pour favoriser l’irrigation, la sylviculture, la sécurité alimentaire et la conversion de l’économie aux énergies renouvelables.

Pour le Népal, le changement climatique ne constitue pas une question écologique, mais économique. Nous devons nous orienter vers une économie basée sur l’hydro-électricité et non plus sur les combustibles fossiles. Et ce, non pas tant pour sauver la planète que pour sortir notre économie d’une lourde et grandissante dépendance à l’égard des importations de pétrole indien. Le grand paradoxe est que le Népal, qui pourrait être en mesure d’exporter de l’hydro-électricité vers l’Inde, est obligé d’importer du combustible fossile de son voisin indien.


Kunda Dixit

Source : www.courrierinternational.com (www.nepalitimes.com)

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