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Imminence des changements climatiques : et si les religions prêchaient aussi l’écologie ?

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15.05.2009

«Trois choses influent sur l´esprit des hommes: le climat, le gouvernement et la religion.»

Voltaire

arbre54.jpgEn ces temps de crise environnementale où différents rapports d´experts, incluant chimistes, biologistes, climatologues, météorologues, océanologues, glaciologues, expliquent les raisons mécaniques du réchauffement global, où économistes et politiciens tentent de pallier tant bien que mal cette problématique, qu´est-ce que les religions ont à dire à l´écologique ? Conçoivent-elles la Terre comme un objet profane ?[[Bernard Anton, Plaidoyer pour la Terre et les Vivants]]

Les religions se présentent aujourd´hui comme de précieux alliés devant contribuer à un urgent « réenchantement du monde ». Un monde bien abimé si l´on croit les scientifiques du groupement des Nations unies sur le Climat (Giec). Dans leur dernier rapport, ils « nous promettent » que d´ici la fin de ce siècle, c´est-à-dire à l´échelle de nos petits-enfants et arrière-petits-enfants, les températures augmenteront de 1,8°C à 4°C et que le niveau des mers s´élèvera de 28cm à 43cm.

Les choses sont ainsi résumées : le climat à Paris sera celui actuel de Bordeaux. Celui d´Alger sera celui de Ghardaïa . « Autant dire que la question du réchauffement climatique n´est plus une simple question annexe mais une question vitale pour nos descendants. Notre seule chance raisonnable d´éviter un réchauffement important est d´abandonner rapidement les combustibles fossiles. Nous ne devons pas oublier qu´un réchauffement de plus de 2 degrés nous entraînerait bien au-delà des variations naturelles de températures que notre planète a subies depuis que l´homme existe. »[[Une réduction de 50% des émissions d’ici 2050 est nécessaire face aux changements climatiques]]

Dans l’Ancien et le Nouveau Testament l´être humain est considéré comme gardien et non dominateur

Une éthique environnementale prescrit, chaque sept ans, une année sabbatique autant pour le sol que pour les êtres humains et les animaux. Ces derniers, créés et bénis par Dieu, selon le récit de la Genèse, méritent le respect. « Le juste prend soin de la vie de ses bêtes » stipule le livre des Proverbes (12, 10). Jésus était vert. Il a vécu en contact permanent avec les éléments de la nature. Il s´en est servi pour alimenter ses paraboles.[1]

La religion juive a institué plusieurs fêtes liturgiques en lien avec la préservation de la nature comme la  » Tou Bichbat  » (Nouvel An des arbres) durant laquelle un arbre est planté en action de grâce pour la beauté de la nature et le cadeau de la vie. La nature y est considérée comme un interlocuteur qui renvoie l´être humain à Dieu. Le Talmud fait de chacun d´entre-nous des  » partenaires de Dieu  » dans la création. Judaïsme est une religion qui place l´écologie, c´est-à-dire le souci permanent de la nature, au centre de ses préoccupations. Il n´y a qu´à voir nos fêtes basées sur les saisons et le respect de celles-ci. Alors face à l´urgence donnons une autre actualité à la fameuse sentence d´Hillel:  » Si ce n´est maintenant, quand ?  » A nous d´agir, et vite, pour que la terre que nous confierons à nos enfants démente les prédictions des scientifiques.[[Gabriel Farhi Le Judaïsme est écolo…  » 4 fevrier 2007]]

La fameuse phrase de la Genèse 1,28 traduite dans la Bible Segond par : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et assujettissez-la; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre », est pour les exégèses à interpréter différemment. Cette phrase a souvent créé la controverse et certains explique cette fuite en avant et ce gaspillage d’énergie par une interpétation au premier degré de ce texte.

En clair l’empreinte écologique de plus en plus importante de l’homme est calculée en excluant la part qui reveint à celle des animaux et de tout ce qui vit sur terre. Cependant on sait que La Torah interdit également les mélanges d´espèces, les modifications génétiques, autant animales que végétales ; elle exige la mise en jachère de la terre, tous les sept ans, notamment pour rappeler que seul l´Eternel est propriétaire de la terre, et aussi pour prévenir les risques de l´agriculture intensive.[[Lithia L´écologie dans la Torah et les traditions monothéistes . 01-01-2007]]

L´hindouisme respecte toutes les créatures végétales et animales. Selon les Védas, la vie devient douce pour celui qui vit en accord avec la loi du cosmos. L´écart de cette loi (Dharma) entraîne un désordre universel. Un proverbe hindou stipule:  » La Terre est notre Mère, nous sommes tous ses enfants.  » Les Sikhs s´abstiennent de viande par respect pour Atman (le souffle divin) qui réside dans la vie animale, d´où leur forte tendance au végétarisme.[1]

Le bouddhisme est essentiellement écologique et prône une attitude absolument respectueuse de toutes les formes de vie : arbres, animaux, êtres vivants. Il se situe aux antipodes de ceux qui font de l´être humain un possesseur et un exploiteur de la Terre. Selon la théorie de l´interdépendance, les conséquences de l´agir humain se répercutent sur ceux qui l´entourent et sur l´ensemble de l´environnement. Le dalaï-lama stipule:  » Fondamentalement, chaque individu est responsable du bien-être de l´humanité et de la Terre parce que la Terre est notre seule demeure.  »

La spiritualité baha´ie, qui se veut la réunion de toutes les religions, enseigne à son tour l´interdépendance entre l´être humain et son environnement. L´un ne peut être séparé de l´autre. L´un influence, détermine,  » façonne  » l´autre.

Même les athées, dignement représentés par James Lovelock (médecin et ex-conseiller à la Nasa) qui a relancé la théorie de la Terre-Gaïa, estiment que notre planète est un organisme vivant qui s´autorégule. En ce troisième millénaire, entamé avec une sombre crise écologique à l´horizon, serions-nous prêts à réviser notre être-au-monde et notre relation avec la nature de laquelle nous dépendons?[1]

« La religion musulmane considère la création comme un chef-d´oeuvre de beauté à respecter et à préserver. Le Coran enseigne que l´être humain en qui est insufflé l´esprit de Dieu (32,9) est le  » lieutenant de Dieu sur la Terre  » (2,30), son  » vicaire « , le  » prolongateur de sa création « , le  » locataire de la Terre  » (7,10). La Terre ne lui a été que concédée. Pour Dalil Boubekeur, l´Islam prône que dans chacune de ses actions l´homme se souvienne de Dieu. Aujourd´hui il semble avoir oublié ce principe dans son rapport à l´Environnement naturel. »[5]
Coran 78-6:  » N´avons-nous pas fait pour vous de la Terre un berceau, de la Nuit un vêtement, fait descendre une eau abondante pour faire croître des grains des plantes et des vergers luxuriants?  »
Coran 80-25:  » C´est nous qui versons une eau abondante et faisons pousser les céréales, des vignobles et des légumes, des oliviers, des palmiers, des jardins touffus, des fruits et des herbages afin que vous en jouissiez vous et vos animaux… »Cette Nature belle et fragile est confiée à la sauvegarde de l´homme dont la survie dépend étroitement de l´Environnement minéral, animal ou végétal. De ce point de vue, l´Islam est une source inépuisable de sagesse et de réflexion qui, en méditant sur l´œuvre de Dieu, puise des raisons de croire et d´espérer.
Coran III-190:  » En vérité dans la création des cieux et de la terre, dans l´alternance des nuits et du jour il y a des signes pour ceux qui sont doués d´intelligence!  » Et:  » Contemplez l´œuvre de Dieu et glorifiez-le! »[5] « La vie de l´homme est déterminée par toutes les lois de la Nature. Dieu manifeste Sa Volonté par ces lois. En cela l´Environnement est sacré tout comme la vie est sacrée dans ses expressions animées ou inanimées car elles obéissent toutes aux mêmes règles immuables.
Coran 78-6:  » N´avons-nous pas fait de la terre un berceau? « Coran (LXXVIII,6; XX,53) Respecter l´état de Nature c´est donc respecter l´ordre divin qui a agencé l´homme et son environnement de manière parfaite et mesurée. Il n´est pas sans risques ni périls de modifier le rapport de l´homme à son environnement car c´est de l´équilibre de cette interdépendance que l´humanité s´est perpétuée durant des millénaires, et qu´il importe de ne pas compromettre les chances de l´avenir de l´espèce humaine ».[5] La Nature obéit à des lois. L´homme qui la gère et la domine par sa raison a-t-il tous les Droits ?
Coran VII-45: « Ne faites pas nuisance à la terre alors qu´elle a été mise en ordre par Dieu. »

Devant les viols répétés de ce que l´on pourrait appeler les « Droits de la Nature » et de l´écologie le célèbre commandant L. Cousteau s´est inquiété de la survie de l´homme: « Sommes-nous en train d´assister au commencement de notre inéluctable génocide depuis le XXe siècle industriel? », interrogeait-t-il. [[D.Boubekeur L´Islam et l´environnement Conférence G8 Trieste Italie 2 mars 2001 6.Hélène Crié-Wiesner Aux E U, les religieux se convertissent à l´écologie Rue 89]]

Aux Etats-Unis même, des associations chrétiennes mènent campagne pour que le Congrès protège les plus pauvres face au réchauffement climatique. Religieux et militaires écrit Hélène Crié-Wiesner, les Américains viennent de sceller une union sacrée pour lutter contre les changements climatiques.  » A mesure que monte le niveau des mers et que les rivières s´assèchent, les créatures divines appellent au secours. Refuser d´entendre cet appel aurait de graves conséquences.  » Le changement climatique aura un impact terrible sur les pauvres. Il affectera notre sécurité nationale, notre prospérité économique, et l´avenir de nos enfants. Cependant, même si la partie semble mal engagée, la rédemption est toujours possible. » Cette campagne a été lancée pour s´assurer que le gouvernement protègera « en priorité les plus vulnérables de la société, chez nous et à l´étranger ».
Aux Etats-Unis, où l´affirmation des valeurs religieuses n´est ni plus de droite que de gauche, le député démocrate de Virginie Tom Perriello affirme : « S´occuper des questions climatiques n´est pas seulement important pour la sécurité nationale et la politique économique. C´est un devoir moral que de prendre soin de la création divine, et de veiller aux besoins de ceux qui contribuent le moins à ces changements climatiques. »[6]

Le maître soufi Djalal al-Dîn Rûmi face à la création. Le soufisme, est habitué à traiter la création, l´univers et la nature non seulement comme un ensemble extérieur à l´être humain, mais aussi comme partie du monde intérieur de chacun. En ceci, il est très proche de mouvements mystiques très anciens de l´hindouisme et plus tardivement de principes bouddhiques. En tout cas, l´Homme parfait de l´idéal soufi est comme Ibn Arabi l´avait décrit : il réunit en lui la forme de Dieu et la forme de l´univers. Lui seul révèle l´essence divine avec tous ses noms et attributs. Il est le miroir par lequel Dieu est révélé à lui-même et, par là, la cause finale de la création. Dans ses Odes mystiques (Dîvan-E Shams-E Tabrîzi) Djalal al-Dîn Rûmi laisse sans cesse tourbillonner les mots, les allusions à la nature, aux étoiles, comme en témoignent quelques extraits :
Ode 462: « Je suis un droit cyprès, c´est là le signe de ma droiture; il n´est pas de meilleure image de la droiture que la taille du cyprès. L´agilité, la beauté, le rayonnement sont les témoins de la lune ; l´éclat des étoiles, c´est la preuve et le témoin du ciel. O roses et roseraies ! » Ghazali écrit : « D´abord tu fus minéral, ensuite végétal, puis tu devins animal: comment serait-ce caché à tes yeux ? Après cela tu devins homme, doué de connaissance, de raison et de foi. Vois comme est devenu un tout ce corps, qui est une partie de ce monde de poussière ! Quand tu auras voyagé à partir de ta condition d´homme, sans nul doute, tu deviendras un ange. Quand tu en auras fini avec la terre, ta demeure sera le ciel. Dépasse le niveau de l´ange : pénètre dans cet océan, afin que ta goutte d´eau devienne une mer plus vaste que cent mers d´Omân. Renonce à cette notion de Fils, dis, de toute ton âme: « Dieu est Un. » »[4]

Khalil Gibran, poète libanais nous sensibilise de la même manière dans La voix du Maître: « Et j´ai entendu le ruisseau se lamenter comme une veuve pleurant son enfant mort, et j´ai demandé: Pourquoi pleures-tu, mon pur ruisseau? Et le ruisseau répondit : Parce que je suis contraint d´aller à la ville où l´Homme me méprise et me préfère des boissons plus fortes et fait de moi le réceptacle de ses déchets, souille ma pureté et change ma qualité en ordure. Et j´ai entendu les oiseaux se plaindre, et j´ai demandé: Pourquoi pleurez-vous, mes beaux oiseaux? Et l´un d´eux s´approcha, se percha au bout d´une branche et dit : Les enfants d´Adam viendront bientôt dans ce champ avec leurs armes mortelles et nous ferons la guerre, comme si nous étions leurs ennemis. Nous nous disons adieu, car nous ne savons pas lequel d´entre nous échappera à la rage de l´Homme. La Mort nous suit partout où nous allons. Je me suis demandé: Pourquoi l´Homme détruit-il ce que la Nature a construit? » [4]

« Hans Küng et son  » Parlement des religions  » (Chicago 1995) proclamaient le désarroi des hommes de religion en ces termes:  » Le monde est à l´agonie, une agonie générale et dramatique: la planète se détruit petit à petit, son écosystème est en péril; l´anarchie, la violence menacent nos sociétés. Nous devons respecter la communauté entière des êtres vivants: celle des humains, des animaux, et des plantes, et nous préoccuper de la sauvegarde de la planète, de son atmosphère du sol et de l´eau ». (Fin de citation).

L´écologie sous sa forme actuelle place la qualité de la vie au coeur de la préservation de l´avenir par le respect de l´environnement ; il apparaît donc vital qu´une éthique de respect de notre environnement doit être installée et respectée. Il s´agit avant tout, de repenser les choix et les valeurs qui ne conduisent qu´au chaos. Quand l´homme spiritualisant ses rapports au monde et à son environnement traitera avec plus d´amour et de responsabilité une Nature éminemment fragile en ses équilibres, il apprendra d´abord à l´aimer réellement afin d´en user avec sagesse et raison, car, si l´environnement revêt un sens pour l´homme, l´existence de l´homme devra également revêtir tout son sens pour cet Environnement. »[5]

Plus que jamais et comme l´écrit Jean Giono,- l´illustre écrivain du Chant du Monde, c´est le rapport de l´Homme au monde qui ne fonctionne plus et tout çà est à réinventer et à réenchanter. L´intelligence a failli, il faut retourner en-deçà. C´est peut-être un nouveau sacerdoce qui permettra aux religions et sagesses de sauver l´homme de ses tentations néfastes pour la nature avant de sauver son âme.


Par Chems eddine Chitour[[Professeur École Polytechnique Alger École d’IngénieursToulouse]]

Source : www.notre-planete.info

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