26.10.2010
Cette Indienne attire les foules à chacun de ses passages. Reportage à l’occasion de sa venue en France.
Un marathon de câlins. A première vue, la tournée en France de la « gourou » indienne Amma ressemble à cela. Dans le Hall Saint Martin de Cergy-Pontoise, en région parisienne, 6000 personnes étaient attendues chaque jour les 24, 25 et 26 octobre. Au programme de ces trois jours: méditation, cuisine indienne et six heures d’attente pour recevoir le darshan, cette « rencontre avec le divin » selon la tradition indienne qu’Amma transmet, elle, par une étreinte. Quelques secondes suffisent à « la sainte » pour communiquer sa sagesse en murmurant quelques mots dans sa langue maternelle, le malayalam. D’après l’équipe qui l’entoure, Amma aurait ainsi serré dans ses bras 29 millions de personnes.
Chacun reçoit à sa manière ce bref moment. Pour Alexandre, 41 ans, scientifique, « on n’a pas forcément de réaction forte sur le coup mais ça laisse une marque ensuite. » Quelques-uns pleurent, d’autres restent sonnés quelques instants. Certains irréductibles se distinguent en restant insensibles.
Diversité du public
Pour ceux qui manqueraient de patience ou de temps, plusieurs grands écrans ont été disposés dans les différentes salles du Hall Saint Martin, où les fidèles, qui se sont déchaussés à leur arrivée, peuvent se restaurer ou acheter divers objets. Toute la journée, les images d’Amma qui enlace ses adeptes, entourée de ses conseillers les swami, sont diffusées en instantané. En fond sonore, une musique indienne apaisante.
Difficile de dresser un portrait type des admirateurs de cette femme aux formes généreuses reconnue aussi bien dans son pays que dans les organisations internationales comme l’ONU. A côté des familles indiennes, des couples baba-cool et des accrocs à la méditation sont assis des hommes et des femmes de tous âges, au style vestimentaire discret, sans signe distinctif particulier. Certains avouent un cheminement spirituel à la croisée des chemins entre bouddhisme, catholicisme et hindouisme.
Amma a ses groupies, qui la suivent depuis des années. Comme Kirsti, une psychothérapeute finlandaise d’une cinquantaine d’années, vêtue d’une longue blouse blanche: « Je suis venue spécialement d’Helsinki trois jours pour revoir Amma », lance-t-elle, très enthousiaste.
Comme sur les lieux de pèlerinage, on remarque une forte proportion de personnes handicapées.
« Tous les adeptes d’Amma sont différents », soutient Matthieu Labonne, bénévole à l’ONG « Embracing the world » de la gourou du Kerala. Lui-même, chercheur au CNRS spécialiste du bilan carbone, n’a rien d’un illuminé.
N’empêche, tous ont en commun une admiration sans borne pour cette femme de 57 ans, originaire du sud-ouest de l’Inde, dont la légende raconte que « petite déjà elle prenait de la nourriture chez elle pour la distribuer aux plus pauvres ».
Chacun y va de son anecdote sur « sa rencontre » avec Amma. Pour Michel Tailhardat, président de la section française de l’ONG Embracing the world, « que l’on soit croyant ou non, cette femme incarne des valeurs universelles d’éthique, de morale et d’aide à autrui. »
Parmi les visiteurs, nombreux sont ceux qui avouent pourtant ne pas informer leurs amis français de cet aspect de leur vie spirituelle. Un peu gênés par l’aspect très dévot de ce type de manifestion, beaucoup ont d’ailleurs refusé d’être photographiés. A l’inverse, les adeptes d’Amma d’origine indienne sont beaucoup plus à l’aise. Chitra, la compagne d’Alexandre cité plus haut, l’explique ainsi: « J’ai grandi dans la culture indienne. Là-bas, les sages font partie de la vie, le mot gourou n’est pas suspect. »
Une ONG reposant sur des bénévoles
Au-delà de la dimension mystique, la visite en France d’Amma nécessite une organisation considérable. Aux manettes du « Tour Amma »* qui la conduit chaque année dans plusieurs pays d’Europe, un staff de 200 personnes. Pendant un mois et demi, ces bénévoles suivent en bus leur maître spirituel et apportent leur aide aux différentes étapes.
Certains s’occupent de préparer des plats indiens, d’autres de tenir les stands qui vendent des objets divers (livres d’Amma ou poupées à son effigie, tissus indiens, statuettes…) ou de découper les fleurs qui seront vendues aux visiteurs. Le produit des ventes est intégralement reversé à l’ONG. L’an dernier, 100.000 euros de chiffre d’affaires ont ainsi été générés par le Tour Amma.
S’appuyer sur un vaste réseau de bénévoles est une pratique courante au sein des ONG. Pour Embracing the world, c’est un mode de fonctionnement. « Toute l’association est fondée sur le bénévolat de compétences », nous confie une « bénévole » du service de presse.
En Inde, Embracing the world vient en aide aux plus démunis en leur fournissant un logement ou un travail. « Dans les familles pauvres, Amma choisit une personne, lui offre une formation, au métier de couturière par exemple, et lui fournit une machine à coudre », raconte Michel Tailhardat. L’ONG exporte aussi son savoir-faire en Occident, lors de la catastrophe de Katrina par exemple. Pour une ONG créée dans un pays en développement, ce n’est pas si fréquent.
A en croire les membres de l’équipe, Amma en personne est derrière chacune des décisions. Réalité ou simple outil de communication? Quoi qu’il en soit, l’action de l’ONG est tellement associée à l’image de sa fondatrice qu’on peut s’interroger sur sa pérennité le jour où cette dernière disparaîtra.
Solène Cordier
Source : www.youphil.com
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