Accueil Espace Bouddhiste Art Sacré Les trésors du Bhoutan sortent de leurs coffres

Les trésors du Bhoutan sortent de leurs coffres

91
1

15.10.2009

EXPOSITION — Le Musée Guimet présente pour la première fois une centaine d’objets sacrés originaires du royaume himalayen.

Bodhisattva assis, fin des Wei de l'Est- début des Qi du Nord, grès avec des traces de polychromie.
Bodhisattva assis, fin des Wei de l’Est- début des Qi du Nord, grès avec des traces de polychromie.

On peut s’amuser à les compter : ce Bodhisattva grimaçant a onze têtes et mille bras. Ce n’est pas la plus fantasmagorique des divinités qui hantent actuellement le Musée Guimet. Sculptures et peintures, toutes viennent du Bhoutan, petit royaume himalayen très préservé, qui se dévoile pour la première fois à l’étranger à travers plus de cent pièces sacrées.

« Pendant cinq ans, nous avons visité les trente-cinq monastères bouddhiques de ce pays qui n’a jamais été colonisé », explique l’initiateur de cette manifestation Stephen Little, directeur de l’Académie des arts d’Honolulu. Toutes ces pièces, qu’elles soient anciennes – les plus vieilles datent du VIIe siècle -, sont toujours des objets de culte. D’ailleurs, deux moines les accompagnent pour les purifier régulièrement durant le temps de leur séjour à l’étranger. Au quatrième étage, dans la rotonde du musée, ils composent un mandala, merveille mi-figurative mi-abstraite, cercle complexe et éphémère de sable coloré. Après Paris, l’exposition, qui a déjà fait halte aux États-Unis, ira à Cologne puis à Zurich, pour un retour prévu au Bhoutan à la fin de l’été.

Ce royaume, récemment doté d’une Constitution et dont le roi promeut une politique de développement du BNB, « Bonheur national brut », est le seul pays au monde où le tantrisme est religion officielle. Cette forme ésotérique du bouddhisme, né en Inde au Ve siècle, s’exprime dans un art très coloré et d’une formidable richesse de détails. Les divinités semblent innombrables au profane et il faut être un spécialiste pour discerner les particularismes locaux d’avec ceux du Tibet voisin.

Un grand raffinement

Au demeurant, le Bhoutan, dont les monastères perchés à plus de 4 000 mètres d’altitude ne sont parfois accessibles qu’après plusieurs heures de marche, a pu préserver plus longtemps son âge d’or. Une période née au XVIIe et qui ne se serait terminée qu’à la fin du XIXe. Les toiles appelées thangkas, peintes durant ces siècles, se révèlent notamment d’un grand raffinement. D’habitude, elles ne sortent de leurs coffres que lors des grandes célébrations. Au Musée Guimet, le visiteur qui peut les détailler de près, est donc vraiment privilégié. Il contemplera les seize arhats, êtres illuminés cultivant la vacuité de l’âme et du monde. Il sera également fasciné par ces guerriers auréolés de flammes et vêtus d’une peau de tigre, ces panthéons de chamans à têtes d’animaux ou ces déesses couronnées d’un diadème et tenant dans leurs mains un vase de longue vie ou un plat de riz.

Toutes ces images racontent l’origine du monde, la séparation du bien et du mal, et ont une fonction d’exorcisme. Quant aux sculptures, moins spectaculaires, ce sont des bouddhas en bronze doré, assis sur leur socle de pétales de lotus, parfois avec une déesse sur les genoux, en posture d’union intime. Certains tiennent un foudre-diamant ou une clochette.

On remarque encore des coffres d’offrandes ou des trompes longues, chefs-d’œuvre d’orfèvrerie aux mille entrelacs dorés. Pour fixer le cadre de ces trésors, des photographies de Matthieu Ricard, le fils du philosophe Jean-François Revel devenu moine et principal ambassadeur du bouddhisme en Occident, complètent la présentation. Enfin, des films montrent le cham, ces danses aériennes où le religieux multiplie les vrilles rituelles. Le présent serait-il toujours aussi pur ? « En 1999, le Bhoutan a vu débarquer son premier poste de télévision et aujourd’hui les Bhoutanais sont fans de la série Desperate Housewives », déplore ­Stephen Little.


Éric Biétry-Rivierre

Source : www.lefigaro.fr->

Previous articleLettre du Pape Jean-Paul II aux Artistes – 1999
Next articleKarmapa Trinley Thayé Dorjé en Dordogne

Commentaires sont fermés