Devant la feuille de papier posée bien à plat sur la table, le peintre est face lui même.
L’artiste vient de préparer son encre. Calmement, le lettré a frotté rgulièrement le bâtonnet en le faisant tourner de droite à gauche sur la surface de la pierre encre en ajoutant de temps en temps un peu d’eau prise dans le creux de la pierre jusqu’à obtenir un liquide suffisamment dense, mais pas trop.
Il choisit ensuite son pinceau en imaginant déjà les traits, les courbes, les caractères, personnages, paysages, plantes ou animaux qu’il va tracer et faire vivre sur le papier. C’est le moment de vérité. Le dos droit, face à la feuille, les mains posées sur la table, il respire lentement avec le ventre et se concentre, en méditation, puis il pose sa main gauche sur le bord de la feuille pour la caler. Il saisit son pinceau sans serrer comme s’il tenait un objet fragile, le trempe dans la coupe d’eau claire posée à côté de la pierre, l’essore doucement sur le bord puis imbibe la pointe dans l’encre et attend un instant pour que le pinceau l’absorbe en dégradé jusqu’à la base.
Le coude droit, légèrement levé, le poignet au dessus de la feuille, il ne faut plus hésiter mais ne pas se précipiter. Le trait jaillit d’un coup, de bas en haut ou de gauche droite, unique et sans ajout possible. D’autres suivent, en dosant à chaque fois l’encre, selon l’effet souhaité. En quelques secondes, le Vide a accueilli le pinceau dans lequel le peintre s’est simplement effacé, humblement, sans désir.
Pierre Suchet
