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vénérable Shinjin — Zen : Esprit ou écoles?

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Boddhidharma
Boddhidharma
Quand vous consultez des ouvrages de psychologie, de macrobiotique. d’écologie et même d’astrologie ou de tarologie, ne vous étonnez pas si vous rencontrez grand nombre d’anedoctes typiquement Zen ou reflétant l’esprit Zen. Mais qu’est-ce donc que cet esprit du Zen? Pour cela il faut faire un léger retour historique.

Bouddhiste, le Zen l’est certainement foncièrement d’une manière sous-jacente, rien qu’à la présence d’une statuette du Bouddha Sakyamuni/Shaka-Nyorai ou Amithaba/Amida, ou d’un des nombreux boddhisattvas/bosatsu tel Manjousri/Monju,(sagesse)Avalokitesvara/Kwannon (compassion), Maitreya/ Mirakou (le bouddha à venir) prônant dans tout zen-dojo qui se respecte. C’est parce que le Zen se trouve être l’héritier le plus oriental du bouddhisme de la tradition Mahayaniste/ Daijo Kai (Grand Véhicule englobant Chine, Tibet, Corée et Japon) dont Nagarjuna/ Ryûju fut un des éléments majeurs de l’école Mâdhyamika/Chûdô, la Voie du Milieu. (Les termes japonais sont à droite des termes sanscrits).

Le vocable de Zen provient, initialement du sanscrit, Dhyana, l’attitude de méditation concentrative qu’observait le Bouddha sous son arbre, ce qui fait dire à nombre de doux-illuminés que Bouddha, lui-même, s’adonnait au zazen, alors que le vocable japonais lui est bien postérieur!

Du Dhyâna sanscrit, on passe au Tch’anna (lumière intérieure) chinois dont les précurseurs furent Tao-An (312-385), Houei-Iuan (334-416) qui ne manquent pas de rapprocher l’enseignement du Bouddha de celui du Taoïsme de Lao-Tseu, et dont le fondateur et premier patriarche fut Bodhidarma (470-543)/Bodaï-Darouma en japonais, considéré comme le 28ème successeur de l’enseignement que dispensa Shakyamuni àMahakaçyapa (un des premiers et des plus importants disciples).

Donc, il entreprend voyages terrestres et maritimes pour se rendre finalement en Chine, débarquant lui aussi à Canton? en 527 afin d’y enseigner le Lankavatara Sûtra (Sutrâ de l’avatar de Lanka ou Ceylan) d’Asanga (philosophe du 5è ap.J.C?) et surtout le Ganda-Vyûha Sûtra(quête de la boddhi-citta ou illumination). C’est lui qui aurait fondé le célèbre monastère de Shao-lin sur le Mont Song où il passera quelques neuf années à contempler le mur, s’étant retiré du monde, de ses kabbales et de ses fastes. Les plus célèbres de ses enseigne- ments sont contenus dans le plus que fameux Ta Cheng Pi kouan « Contemplation du mur dans le Mahâyana », se résument en trois points:

– ne pas se fonder sur les textes (ne vous laissez pas bouleverser par le sûtra, mais bouleversez plutôt le Sûtra vous-mêmes).

– révéler directement à chaque personne son esprit original.

– contempler sa propre nature pour s’identifier au Bouddha.

Passons directement au sixième patriarche Houei-Neng/Eno (638-713) qui fonda son enseignement à partir des Vajracheddika et Lankavatarasutras en particulier. Après sa mort, le Tch’an se subdivisa en plusieurs écoles dont celles Rinzaï (Lin-Tsi), Soto (Sosan et Tosan), Obaku (Houang-Po), Unmon (Yunmen-Wenyan), Hôgen (Fa-Yen) furent le plus renommées. Les trois premières subsistent actuellement engendrant certains clivages.

N’oublions pas que le Zen fut introduit de Chine au Japon par deux grands maîtres Esai/Yosai et Dôgen vers les années 1200.

Ce que l’on a trop souvent tendance à oublier, c’est que le Zen est issu de la doctrine Tien-Taï/Tendai (plus intellectualiste) qui s’oppose de nos jours encore à la doctrine Shingon (plus tantrique par son ésotérisme), toutes deux basées sur les fondements même du Mahayana.Les sermons zen fourmillent de citations et de commentaires des grands sûtras comme le Samadharma-Pundarîka Sûtra (sûtra du Lotus de la Bonne Loi, contenant entre autres le Kwannon Gyo dédié à Avalokistesvara), le Lankâvatâra, Mahaparinirvâna (sûtra de l’extinction suprême),l’Avatamsaka (sûtra de l’ornementation fleurie contenant le Gandha-Vyuha-sûtra de l’Illumination et le Dasambhumika Sûtra-sûtra des dix étapes), le Vajracchedika (sûtra du Diamant), le Vimalakirti-sûtra,… sans oublier le sûtra le plus important, le Maha Prajna Paramita/Maka Hannya Haramita Shingyo sûtra de l’essence de la Sagesse Suprême et du bouddhisme en lui-même.

A propos quelle significa- tion véritable a le vocable Zen? Les idéogrammes ont plus de signification que les simples mots de notre langue. ZEN se décompose en deux idéogrammes dont le premier (celui de gauche) Shin (synonyme de kami) symbolisant une figuration du ciel et ce qui en provient et de ses divinités (soleil, lunes, étoiles) signifie « les enseignements venus d’en Haut ». TAN, le second (celui de droite) exprime la notion d’espace simple à l’image des deux mètres carrés de son Tatami, alloués à chaque moine dans le temple et constituant le cadre de son Unité de vie. Donc, Zen est l’endroit le plus simple où l’on peut recevoir les enseignements venus d’en Haut, le lieu où l’on se retrouve relié simplement au Cosmique, c’est à dire dans son intérieur. En ajoutant à Zen le préfixe Za (assise), il n’y qu’un pas pour s’asseoir et écouter intérieure-. ment la voix/e cosmique, ce que toute personne qui fait simplement zazen-shikantaza devrait arriver à réaliser.

Il est hors de question, ici, de s’attarder sur la prééminence de zazen avec ou sans kôan. Par contre, il convient de souligner l’importance de l’état Hishiryo ou l’état de non-pensée permettant aux émotions de disparaître puisque sans sources.

Le paramètre majeur du Zen, commun à toutes les écoles, est le renoncement au Moi (Mugo), l’abandon du soi et des ses attachements; un peu comme on enlèverait un vêtement, comme on se débarrasserait d’une vieille habitude (gedatsu). Ayant donc abandonné son ego avec les attentes et attachements inhérents à la volition de parvenir à ses fins, on peut pratiquer Zen selon Mûshotoku ou esprit de non profit. Là encore, la notion de non-profit, comme celle de non-pensée est difficile à saisir pour l’occidental. La meilleure traduction de (prononcer mou) ou -Non est celle de « dépourvu d’exigence, d’intentionnalité » dans un cas ou « sans résultat, sans récompense escompté ». On ne fait pas cela pour ou par, mais on le fait simplement essentiellement, fondamentalement. »Quand vous marchez, marchez; quand vous vous asseyez, soyez assis; quand vous mangez, mangez, mais avant tout cessez l’agitation de votre mental! » affirmait vigoureusement Unmon.

Zen réside dans l’acceptation de ce qui est, dans l’Ici et Maintenant, dans la mouvance perpétuelle de l’impermanence, dans l’adaptation à l’inattendu, rendu attentif qu’on devient à soi et aux autres dans la sérénité et la tolérance. Ce qui implique que Zen réside aussi dans le Lâcher Prise, lâcher prise des projections et des exigences de notre mental, des sourdes réminiscences du passé, des hypothétiques conjectures futuristes; lâcher prise afin d’être pleinement dans le moment présent. Lâcher prise pour cesser l’agitation insidieuse du mental, obviant la sérénité que l’on doit appliquer dans l’Ici et Maintenant pour le vivre pleinement et surtout consciemment. Il ne sert à rien comme, dans la pratique du Vipassana, de faire zazen, si l’on reprend derechef ses mauvais habitudes l’instant d’après.

A l’image du Tao, le Zen est notre esprit de chaque jour, à chaque instant, ici-même, celui qui a pour essence de nous permettre de vivre au mieux selon le Dharma (les enseignements) dans notre vie courante. Marcher est Zen, s’asseoir est Zen, travailler, manger, digérer, … est Zen. . »Parlant ou silencieux, en mouvement ou immobile, il (l’esprit) est imperturbable, équanime ». En fait, Zen demande de vivre à fond l’instant présent en toute sérénité, en toute stabilité. Le maître Thich Nhat Hanh l’a formulé ainsi dans un livre: Zen, « La sérénité de l’instant » pour être et agir essentiellement, justement centré dans l’Ici et Maintenant, sans but et sans profit, en lâchant prise des appels incessants du petit-moi, au-delà de la posture figée, au delà du rituel prégnant et/ou inadapté à notre civilisation occidentale. Voilà ce qu’est ou devrait être la pratique du véritable esprit « méditatif » Zen dans la vie courante.

Esprit qui ne devrait en aucun cas tenir compte de l’affiliation à telle ou telle école, ce qui est la négation même du Zen. Petite hypothèse: que serait-il arrivé, lors de la diffusion du Zen en Occident, si Taishen Deshimaru avait été un maître obaku ou rinzaï, continuant ainsi l’ œuvre de pionnier, en la matière, entreprise par Durckheim et Jung? Le Zen Soto serait presqu’ignoré ou inconnu. Alors plutôt que de prendre « refuge » dans telle ou telle « obédience », de s’y référer mordicus en parjurant l’esprit initial du Zen, contentez-vous d’être simplement et essentiellement Zen en cessant l’agitation de votre mental.


vénérable Shinjin

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