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Nous devons apprendre à mourir

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Kusen donné par la Maître zen Federico Daïnin lors du zazen du 2 mars 2014 au dojo de La Montagne Sans sommet

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Si vous ne comprenez pas zazen si vous ne vous abandonnez pas à votre propre présence telle qu’elle est, d’inspiration en inspiration, alors ce monde sera fragmenté et la vie un combat. Zazen c’est résoudre la grande affaire de la vie et de la mort. Mais qu’est ce qui peut répondre à la vie, si ce n’est la vie même ? Qu’est-ce qui pourrait répondre à la mort, si ce n’est la mort elle-même ? Comprenez. Vie et mort ne sont pas le début et la fin de votre existence. La vie et la mort ne sont que le pas avant et le pas arrière de votre chemin comme l’enseigne le Sandokaï.

N’oubliez pas de vous asseoir en zazen avec amour. Avec compassion. Avec patience. Laissez tout tomber. Lâchez tout. Devenez juste la présence qui répond à la présence. La vie qui répond à la vie. Soyez présents à vous même avec amour. Observez le brouhaha intérieur qui s’apaise. Et demeurez généreux dans la présence sans rien attendre. Ouvrez la main de l’esprit. Lâchez tout. Ne bougez pas. Lorsque le corps est naturellement immobile, sans contrainte et sans forcer quoi que ce soit, l’esprit peut s’ouvrir au « Tout » et ainsi se libérer.

Installez-vous harmonieusement. Sans raideur. Relâchés, dans la posture correcte. Votre base est large bien enracinée. Et votre corps s’élève droit sans crispation. A chaque corps correspond sa propre droiture, sa propre posture. A force de pratiquer zazen, cette posture éduque notre existence. Avec le temps , tel la posture, nous nous enracinons vraiment dans la vie. Vraiment. Tout en apprenant à demeurer droits, tendant vers le ciel, ouverts à tout ce qui peut advenir, à 360° autour de nous bien ici, sur cette terre.

keizan01.gifN’essayez pas de vous asseoir en zazen. Laissez zazen vous asseoir. Suivez le souffle. Prenez conscience de l’inspiration. L’air qui entre dans vos narines, traverse la trachée, emprunte les bronches, remplis les poumons, et votre corps se dilate. Puis naturellement, suivez l’air qui quitte vos poumons, traverse les bronches, la trachée et ressors par les narines, revenant là où vous l’aviez puisé. Et votre corps se vide. Inspirez. Et expirez profondément juste en dessous du nombril au bas de l’abdomen. Suivez le souffle. Il n’y a aucune autre vérité que ce souffle qui rempli et vide votre corps. Si vous comprenez cela, alors toute les choses, tous les phénomènes, toutes les expériences ne deviennent qu’une seule chose. Dans l’ici.

Si vous ne comprenez pas zazen si vous ne vous abandonnez pas à votre propre présence telle qu’elle est, d’inspiration en inspiration, alors ce monde sera fragmenté et la vie un combat. Zazen c’est résoudre la grande affaire de la vie et de la mort. Mais qu’est ce qui peut répondre à la vie, si ce n’est la vie même ? Qu’est-ce qui pourrait répondre à la mort, si ce n’est la mort elle-même ? Comprenez. Vie et mort ne sont pas le début et la fin de votre existence. La vie et la mort ne sont que le pas avant et le pas arrière de votre chemin comme l’enseigne le Sandokaï.

Nous devons apprendre à mourir. Non pas de la mort ultime, mais à la mort qui nous attend au tournant de chaque instant, et à chaque instant, renaître. Comme ce souffle qui vient, qui nous donne la vie, puis qui s’en va, pour qu’un nouveau souffle vienne, donne la vie, et s’en aille. Pour qu’un souffle encore nous traverse, nous donne la vie, et s’en aille encore. Inspirez. Et expirez. Acceptez la vie qui se donne gratuitement. Et acceptez aussi de la perdre à chaque instant. Ouvrez vos mains. Car sur une main ouverte tout peut se poser, et tout peut repartir. Car dans une main ouverte tout peut-être reçu, et tout peut-être donné. C’est ça le sens de résoudre la grande affaire de la vie et de la mort. C’est le sens de zazen. Et vous goûterez à une infinie liberté. Une liberté qui imprègne déjà la moindre cellule de votre existence ; mais trop timidement encore. Et à chaque instant de votre existence, si vous demeurez comme une main ouverte, acceptant la vie et la mort, devenant juste présence, alors chaque instant qui s’égraine, vous ferra tressaillir de grande joie, une joie intime. La joie de l’enthousiasme.

Pendant le mois de mars nous allons méditer sur un texte fondamental du bouddhisme zen Le Sandokai. Vous pouvez le lire, le ruminer, le contempler. Il est publié sur notre site depuis aujourd’hui. C’est un texte profond écrit par le maître Sekito Kisen.
San-Do-Kai sont trois caractères japonais. San, signifie ici tout ce que nous sommes dans notre diversité, nos différences, nos originalités, l’ensemble de nos forces et de nos faiblesses, notre unicité, notre fragilité aussi. Do, ici signifie la grande harmonie universelle, l’harmonie qui est contenue dans toute chose. Et Kai, c’est la relation entre San et Do, entre nos diversités, nos différences et l’harmonie de l’univers. Le Sandokai est alors un sutra qui nous enseigne à méditer et à contempler que notre nature est à la fois profondément unique et absolument reliée au reste de l’univers. Sandokai.

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L’esprit du grand Sage de l’Inde c’est transmis fidèlement d’est en ouest.

Les hommes souvent discriminent, ils créent l’acuité ou l’ignorance.

Mais dans la voie véritable, il n’y a ni vérité du nord ni vérité du sud.

La source véritable est pure sans tâche aucune.

Et ses racines coulent dans l’obscurité.

Saisir quoique ce soit est illusoire.

Mais s’attacher à une vérité n’est pas l’illumination non plus.

Nos cinq sens sont à la fois interdépendants les uns des autres et absolument indépendants.

Observez le monde. Tout a sa forme.

Tout possède sa propre nature. Nos goûts diffèrent.

Nous sommes animés tantôt par des sentiments de bien aller, tantôt de sentiments de mal aller.

Mais dans l’obscurité de la nuit nul ne peut distinguer le supérieur de l’inférieur.

Le feu est chaud, le vent souffle, l’eau mouille et la terre est solide.

Tous les êtres naissent de la même racine.

Tels les branches et le feuillage naissent du tronc de l’arbre.

Mais la racine comme les branches et les feuilles reviendront à leur nature originelle.

Dans la lumière il y a l’obscurité, mais ne voyez pas l’obscurité comme seule obscurité.

Dans l’obscurité il y a la lumière, mais ne voyez pas la lumière comme seule lumière.

Obscurité et lumière sont l’un pour l’autre comme le pied avant et le pied arrière dans la marche.

Tout revient à la source comme l’enfant retourne vers sa maman.

Ne vous attachez pas à vos propres vérités.

Si vous ne pratiquez pas dans votre vie quotidienne la vision juste, comment pourrez vous reconnaître la Voie véritable ?

La source n’est ni éloignée, ni lointaine, si vous vous attachez à l’idée de bien et de mal, alors les montagnes et les grands fleuves nous séparerons de la vie.

Vous tous qui cherchez la vérité, je vous en prie,

ne laissez pas le temps s’enfuir vainement.

C’est un texte très riche, très profond. Nous aurons le temps de le méditer durant ces dimanches de mois de mars et d’avril jusqu’à la sesshin de printemps fin Avril où nous chanterons le Sandokai plusieurs fois par jour.

Ce que je peux vous dire ce soir pour clore la première méditation sur ce texte, c’est que la pratique de la méditation n’est rien d’autre que la pratique de la réalité de l’existence.
Assis ici en zazen, recueillis, vous pouvez trouver toutes les choses de l’univers à l’intérieur de vous même. Juste tel quel. On a beau dire telle personne est mon ami, la montagne est là-bas ou voici la lune dans le ciel, mais votre ami n’est pas seulement votre ami, la montagne n’est pas seulement la montagne, et la lune n’est pas seulement la lune. Si vous pensez moi je suis ici et la montagne là-bas, alors vous avez séparé le monde en deux. C’est la vision superficielle de l’existence. Mais le Bouddha nous a enseigné à aller plus loin. Nous pouvons trouver la montagne, la lune et nos amis juste ici à l’intérieur de nous mêmes.

C’est notre grand Soi, le Soi universel. Pratiquer zazen c’est redevenir un être total, pas séparé du reste du monde. Méditer c’est comprendre que nous sommes tous reliés, et que la beauté de la lune, la grandeur de la montagne et l’amour de nos amis, ne sont pas à l’extérieur de nous, mais ils viennent de nous-mêmes, ils existent en chaque cellule de ce que nous sommes.

C’est la première méditation sur le Sandokai avec laquelle nous pouvons nous quitter ce soir. Pensez à tous ces êtres que vous aimez et qui vous aiment, tous ces paysages qui vous ont surpris et touché, ces expériences qui vous ont émerveillé. Tout ceci n’est pas séparé de vous. Mais la souffrance aussi. L’épreuve, et la déception. Cette personne qui ne vous aime pas. Tout ceci n’est pas séparé de vous.

Qu’est ce que cela signifie ? Inspirez et expirez. Le monde et vous, êtes-vous pareil ou différent ? Ceci est la grande question du Sandokai. Inspirez et expirez.


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