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La méditation — S’attacher à un serpent – la vertu

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La méditation

S’attacher à un serpent – la vertu

par Vénérable Ajahn Chah

LA MÉDITATION

Venerable_Ajahn_Chah.jpgLa méditation n’est pas séparée du reste de la vie. Toutes les situations offrent l’opportunité de pratiquer, d’accroître la sagesse et la compassion. Achaan Chah enseigne que le vrai effort pour nous consiste à être attentifs en toutes circonstances sans fuir le monde, mais en apprenant à agir sans s’attacher.

En outre, il insiste sur le fait que la base d’une vie spirituelle est la vertu. Bien que la vertu soit négligée dans notre société moderne, elle doit être comprise et honorée comme partie fondamentale de la méditation. Être vertueux signifie se garder de nuire aux autres êtres en pensée, en parole et en acte. Ce respect et cette attention nous mettent dans une relation harmonieuse avec toute entité vivante proche de nous. Nous ne pouvons apaiser notre mental et ouvrir notre coeur que lorsque nos paroles et actions viennent de la bienveillance. La non nuisance est le moyen permettant de diriger toutes les situations de la vie vers la pratique.

Afin d’établir notre vie sur la voie moyenne, Achaan Chah recommande la modération et confiance en soi. Vivre les excès ne favorise pas le développement de la sagesse. Procéder à la base, c’est-à-dire, modérer sa nourriture, son temps de sommeil et sa parole, contribue à réaliser l’équilibre de sa vie intérieure, et développe la capacité de confiance en soi. N’imitez pas les pratiques des autres, ne vous comparez pas à ceux-ci. Voilà l’avertissement d’Achaan Chah. Il est certes ardu de surveiller votre mental, n’ajoutez donc pas à votre fardeau la peine de juger les autres. Apprenez à user de la méditation tous les jours, et vous développerez certes la sagesse en vous. L’effort juste ne consiste pas à faire advenir une chose particulière. Mais c’est l’effort d’être conscient de chaque moment; l’effort de vaincre la paresse et la souillure, et de transformer en méditation chacune de nos activités quotidiennes.

S’ATTACHER A UN SERPENT

“Notre pratique ici consiste à ne s’attacher à rien” dit Achaan Chah à un nouveau moine. Celui-ci protesta en ces termes: “mais n’est-il pas nécessaire parfois de saisir des choses ,” et Achaan de répondre: “avec les mains, oui. Mais lorsque le cœur s’attache à ce qui est source de douleur, c’est comme si on était mordu par un serpent. Et quand on s’attache é ce qui est plaisant par désir, on ne fait que de saisir la queue du serpent. Peu après, la morsure nous atteint quand le serpent tourne la tête vers nous. “

“Faites du non-attachement et de la vigilance les gardiens de votre vie, tels que le sont les parents. En effet, ce que vous aimez et ce que vous n’aimez pas viendra vous solliciter tels des enfants: “maman, je n’aime pas ceci. Je veux davantage de cela, Papa”. Souriez en disant: “certainement, mon petit”. “Mais je veux un vrai éléphant”. “Certainement petit”. “Je veux un bonbon. Pouvons nous faire une promenade en avion ,” Ce n’est pas un problème, si vous les laissez venir et partir sans attachement.

Quand quelque choses arrive en contact avec les cinq sens, de bonnes ou mauvaises choses surgissent, et aussitôt l’illusion apparaît. Cependant, en ayant de l’attention, la sagesse apparaît aussi dans cette même expérience.

N’ayez pas peur des lieux où de nombreux stimulus entrent en contact avec les sens, au cas où vous vous y retrouveriez. Être illuminé ne veut pas dire être sourd ou aveugle. Si vous répétez un mantra toutes les secondes au point de perdre votre vigilance, vous vous exposez à être heurtés par une voiture. Soyez juste, vigilants et ne faites pas le sot. Quand les autres disent d’une chose qu’elle est jolie, dites en vous-mêmes: “elle ne l’est pas”. S’ils disent au sujet d’une chose: “elle est délicieuse”, dites en vous-mêmes: “elle ne l’est pas”. Ne soyez pas proie à l’attachement au monde ou à un jugement partisan. Laissez tout aller.

Certains ont peur de la générosité. Ils sentent qu’une attitude généreuse les rendraient exploités ou opprimés, et les empêcherait de prendre soin d’eux-mêmes. Mais en développant la générosité, nous n’opprimons que notre cupidité et notre attachement, et nous permettons à notre véritable nature de s’exprimer, de devenir plus éclairée et libre

LA VERTU

Dans la pratique il y a deux niveaux. Le premier est la fondation c’est à dire le développement des préceptes, de la vertu ou la moralité dans le but de contribuer au bonheur, au confort et à l’harmonie entre les gens. Le second niveau (plus intense) où on ne s’occupe pas de son confort personnel, est la pratique du Bouddha Dhamma, menée uniquement par la vigilance et la libération du cœur. Cette libération est la source de la sagesse, de la compassion et de la véritable source de l’enseignent du Bouddha. Comprendre ces deux niveaux constitue la base d’une pratique authentique.

Vertu et moralité sont la mère et le père du Dhamma qui grandit en nous et ils nous apportent nourriture et conseil. La vertu est le fondement d’un monde harmonieux, dans lequel les gens ne vivront non pas tel des animaux, mais en véritables êtres humains.

Développer la vertu est au cœur de notre pratique ; c’est très simple : suivez les préceptes qui y mènent. Ne tuez pas, ne volez pas, ne mentez pas, ne commettez pas d’adultère et ne prenez pas d’intoxicants qui dissipent votre attention. Cultivez la compassion et le respect de toute vie. Prenez garde de vos biens, de vos possessions, de vos actions et de vos paroles. Faites usage de la vertu qui rend votre vie simple et pure. Prenez la vertu comme base de tout ce que vous faites et votre mental deviendra bienveillant, clair et serein. La méditation croît sans entrave sur un terrain pareil.

Le Bouddha a dit: “évitez le mal, faites le bien et purifiez votre cœur”. Notre pratique, donc, consiste à se débarrasser de ce qui est sans valeur, et conserver ce qui est important. Avez-vous encore quelque chose de mauvais ou de maladroit dans votre cœur Certainement. Donc, faites-en une maison propre.

Étant une véritable pratique, ce rejet du mal accompagné de la culture du bien, est merveilleux, mais quand même limité. Nous devons dépasser la dualité ” bon/mauvais “. Finalement, il y a une libération qui inclut tout ainsi qu’une absence de désir desquels amour et sagesse se déversent naturellement.

L’effort correct et la vertu n’est pas une question d’actions extérieures, mais plutôt d’une attention intérieure constante et d’une retenue. En effet, si la charité est faite avec une bonne intention, elle procure du bonheur pour soi et pour les autres. Mais la vertu doit être la racine de cette charité pour que celle-ci soit pure.

Lorsque ceux qui ne comprennent pas le Dhamma font des chose peu convenables, ils regardent à droite et à gauche pour être surs que personne ne les voit. Que c’est stupide! Le Bouddha, le Dhamma et notre Kamma nous surveillent à tout moment. Pensez-vous que le Bouddha ne puisse pas voir aussi loin , Nous ne pouvons jamais dissimuler quelque chose.
Prenez soin de notre vertu, tel un jardinier qui prend soin des arbres. Ne vous attachez pas à des adjectifs comme grand, petit, important ou non important. Ceux qui cherchent le moyen le plus “rapide” disent: “oubliez la concentration, et allez tout droit vers l’introspection; oubliez la vertu, et commencez par la concentration”. Ainsi avons-nous maints alibis pour camoufler notre attachement.

Nous devrions commencer sur-le- champs, sans attendre et sans faire de détours. Lorsque les deux premiers pas qui sont la vertu et la vue correcte sont réalisés, le troisième pas qui déracine la souillure, a lieu naturellement, sans délibération. Lorsque la lumière brille, les ténèbres s’évanouissent sans retard; nous ne nous demandons pas où les ténèbres sont parties. Nous savons qu’il y a de la lumière. Il y a trois niveaux pour suivre les préceptes. Le premier consiste à les considérer comme règles données par nos maîtres, servant à nous développer. Le second surgit lorsque nous nous engageons pleinement à les pratiquer. Ceux qui se trouvent au niveau supérieur cependant, les Nobles, n’ont même pas besoin de penser aux préceptes, à ce qui est correct ou incorrect (pour avoir une vertu pure). Elle provient de la sagesse qui a vu les Quatre Nobles Vérités, et qui fait agir en conséquence.

La spirale de la vertu, de la concentration et de la sagesse

Bouddha a enseigné la libération de la souffrance, les causes de la souffrance et une voie pratique réalisant cette libération. Dans ma pratique, je connais cette voie simple dont la bonté s’exprime au départ en la vertu, au milieu en la concentration et à la fin en la sagesse. Si vous considérez minutieusement ces trois-lé, vous verrez qu’elles se rejoignent en un.

Examinons ces trois facteurs unis. Comment pratique-t-on la vertu ? Certes, en développant la vertu, on doit commencer par la sagesse. Traditionnellement, quant à observer les préceptes, nous disons qu’il faut d’abord tenir à la vertu. Cependant pour compléter la vertu, il doit y avoir la sagesse requise pour comprendre tout ce que la vertu implique. Pour commencer vous devriez examiner votre corps et votre parole en investissant le processus de cause et d’effet. Si vous observez le corps et la parole afin de savoir de quelle façon ils provoquent le mal, vous commencerez à comprendre, contrôler et purifier la cause et l’effet. Si vous connaissez les caractéristiques de ce qui est habile et de ce qui est non habile en matière de comportements physiques et verbaux, vous en viendrez à cette pratique qui consiste à rejeter ce qui est malsain et à cultiver ce qui est bon. Quand vous rejetez les erreurs et que vous vous mettez sur le droit chemin, le mental devient ferme, inébranlable et concentré. Cette concentration entrave l’instabilité et le doute quant au corps et à la parole. Une fois l’esprit stable vous serez en mesure d’observer les formes et les sons à chaque fois qu’ils se présentent et de les appréhender. De la sorte, votre mental, étant à l’abri de l’errance, comprendra la nature de toute expérience dans sa réalité. Lorsque cette connaissance est continue, la sagesse apparaît.
En effet, vertu, concentration et sagesse sont à prendre comme une seule chose. Lorsqu’elles sont mûres elle deviennent synonymes : c’est cela la noble Voie. Une fois qu’apparaissent cupidité, haine et illusion, seule cette noble Voie peut les détruire.

Vertu, concentration et sagesse se développent en se renforçant les unes les autres comme une spirale tournante se rapportant aux vues, aux sons, aux odeurs, aux goûts, aux touchés et aux objets mentaux. Tout ce qui apparaît la Voie le contrôle ; si elle est puissante, elle détruit les souillures que sont la cupidité, la haine et l’ignorance. Si la Voie est faible, les souillures mentales l’emporteront et étoufferont notre esprit. Celui-ci ne pourra comprendre en leur réalité : la vue, le son etc.. quand ils apparaissent, suite à quoi nous serons détruits par eux.

Sur ce chemin, la Voie et les souillures se côtoient. Celui qui établit le Dhamma doit les observer à tout moment comme s’il s’agissait de deux personnes qui s’affrontent. Lorsque c’est la Voie qui contrôle, elle renforce vigilance et contemplation. Si vous êtes en mesure de demeurer vigilants, la souillure est sans doute vaincue dés qu’elle resurgit avec sa nuisance. Si votre effort sur la Voie est inébranlable, elle continue en s’entraînant : attachement, illusion et chagrin. La souffrance apparaît au moment où vertu, concentration et sagesse déclinent.

La souffrance surgit donc quand est banni ce qui peut l’éteindre. Seules la vertu, la concentration et la sagesse peuvent faire apparaître la Voie de nouveau. Quand celles-ci sont développées, la Voie commence à se frayer un chemin détruisant la cause de l’apparition de la souffrance à chaque moment et en toutes situations. La lutte continue jusqu’à la victoire de l’un ou de l’autre. Je recommande la persévérance dans la pratique.

La pratique débute sur le champ car la souffrance, la Voie et la libération sont immédiates. Les enseignements ne présentent à l’esprit que des termes comme vertu et sagesse. Mais ces deux éléments ainsi que la Voie s’affronte avec les souillures tout au long de celle-ci. Cependant, la mise à l’ œuvre de la pratique est une tâche ardue, vous devriez donc être persévérants, patients et soutenir un effort continu. Voilà comment le véritable discernement est réalisé.
Vertu, concentration et sagesse constituent réunies la Voie. Mais celle-ci n’est pas encore le véritable enseignement, elle n’est pas ce que le maître cherche, mais est simplement le moyen qui mène au but. Par exemple, supposons que vous ayez fait le voyage de Bangkok à Wat Ba Pong et que le chemin fût indispensable afin d’atteindre un monastère. Le but est donc le monastère et non le chemin. De même nous disons que vertu, concentration et sagesse se trouvent en dehors de la vérité que nous suggère Bouddha (nibbana) mais qu’elles y mène. Quand vous développez ces trois facteurs, le résultat en est le plus merveilleux au sein duquel aucun son ni aucune vision ne viendront perturber le mental. Il n’y a rien d’autre à faire. C’est pourquoi Bouddha dit qu’il faut lâcher ce à quoi vous tenez, sans anxiété. A ce moment lé, vous connaîtrez cette paix au point de ne plus avoir besoin de croire à autre chose. Finalement, vous parviendrez à expérimenter le Dhamma des Bienheureux.

Ne tentez pas de mesurer votre développement aussitôt, mais pratiquez. Autrement, chaque fois que vous trouverez votre mental calme, vous allez vous demander : y suis-je arrivé ? Dés que vous pensez cela tout vos efforts sont perdus. Il n’y a pas de signes attestant votre progrès – ainsi comme on dit : là voici le chemin de Wat Ba Pong. là écartez tout désir et toute ambition et contrôlez votre mental.




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