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Oubliée des Taïwanais, Lukang fait le Bonheur des Touristes

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Coupé du reste du pays pendant près d’un siècle, ce petit port pourrait devenir l’un des lieux les plus en vue de l’île grâce à ses temples parfaitement conservés

travelswithsandy.wordpress.com
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Les lanternes virevoltent encore, mais avec nonchalance. Le bois laqué des portes s’écaille en silence. Mais les petites maisons du « Quartier du marché » de Lukang tiennent bon. Il le faut, pour ces vestiges parmi les derniers encore debout de l’architecture urbaine de la dynastie Qing (1644-1912).

Un patrimoine préservé grâce à l’entêtement des habitants de Lukang. Il y a près d’un siècle en effet, ils ont refusé que leur ville soit traversée par une voie de chemin de fer, stoppant net l’essor industriel de ce petit port. Si ce choix s’est révélé fatal pour le développement économique de la cité, il lui permet aujourd’hui de devenir l’un des endroits touristiques les plus prisés de Taïwan.

Cet isolement a fait échapper la ville aux constructions des années 1970, souvent anarchiques et malheureuses esthétiquement. Résultat : après avoir été le port le plus important de l’île au XVIIIe siècle, Lukang est devenue une bourgade de seconde zone. Engourdie mais conservée. Oubliée mais intacte.

Syncrétisme religieux entre taoïsme et bouddhisme

Voilà qui explique que l’on y trouve les plus anciens temples du pays. Construit au XVIIe siècle par les immigrants chinois en remerciement à Matsu (divinité taoïste protectrice des marins), le temple de Tienhou impressionne par ses toits incurvés délicatement encastrés les uns aux autres. Mais aussi par sa ribambelle de dragons multicolores osant menacer le ciel et par ses cours intérieures insoupçonnées.

Mais c’est, plus encore, l’atmosphère du lieu qui déroute. On vient ici pour se retrouver entre amis ou pour vivre une expérience mystique solitaire. Pour couvrir d’offrandes les divinités du lieu ou dans l’espoir d’y trouver une élévation métaphysique. En fonction, on remercie, on implore, on pleure, on se recueille devant la statue de Matsu ou devant les bouddhas qui l’entourent. Le tout dans une improbable cacophonie mystique.

Comment expliquer un tel syncrétisme religieux entre taoïsme et bouddhisme ? « C’est l’une des spécificités de Taïwan que de réunir en un même lieu de culte les représentants des deux religions, explique Lily Chuang. Il faut revenir à l’histoire de notre île pour le comprendre. » Durant l’occupation japonaise (1895-1945), la politique d’intégration s’est étendue au domaine religieux : il y avait obligation pour tous les Taïwanais de pratiquer le bouddhisme, la religion officielle nippone.

Fidèles et amoureux d’histoire de l’art

Les insulaires se sont pliés à cette obligation, tout en continuant de prier en secret leurs divinités taoïstes logées au fond des temples. « Lorsque les Japonais ont quitté le pays à la fin de la Seconde Guerre mondiale, notre peuple, qui était resté en majorité taoïste, a inversé la disposition des statues imposée par les Japonais, en mettant en avant le culte taoïste, tout en conservant les statues bouddhistes », raconte la guide.

Autre lieu de culte, autre monde. À quelques centaines de mètres, au temple de Lungshan, le calme est absolu. On entendrait presque la fumée s’envoler des bâtons d’encens déposés au pied de la bodhisattva, Kuan Yin. Très rare temple du pays à avoir toujours été, depuis sa fondation au XVIIe siècle, exclusivement bouddhiste, le site n’accueille que de rares visiteurs.

On compte parmi eux tous ceux désireux de se tenir à l’écart du brouhaha du temple de Tienhou. «L’épure de son architecture restée très proche de celle de la Chine continentale, lui vaut d’être surnommée la Cité interdite de Taïwan », explique Lily Chuang.

Aux côtés de quelques fidèles bouddhistes, les amoureux d’histoire de l’art viennent se recueillir devant les peintures murales de Guo Sin Lin.Sous d’épaisses couches d’encens, on peut encore deviner son trait raffiné. Certains étudiants décalquent toujours dans le plus parfait silence les calligraphies des bas-reliefs en granit vieux de trois siècles.

Vers un boom du tourisme?

Dotée de tels joyaux, la petite ville de Lukang pourrait à l’avenir faire face à un afflux massif de touristes. D’ores et déjà, les commerces du centre changent de main.

Les artisans spécialisés dans le mobilier – depuis le XVIIIe siècle pour certains d’entre eux – sont progressivement remplacés par les boutiques touristiques. Certains persistent à travailler de manière ancestrale, quelles que soient les injonctions du marché. C’est le cas de l’octogénaire Wu Dun-hu, spécialisé dans la fabrication de lanternes artisanales.

Il n’est pas rare que les visiteurs lui proposent d’acheter les lampes qu’il destine aux temples, dont la calligraphie est particulièrement délicate. « C’est hors de question », assène le vendeur, préférant perdre un client que bafouer ses principes. Le culte du touriste roi n’est pas encore d’actualité à Lukang.


Marie BOETON

Source : www.la-croix.com




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