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Éthique et destinée du Confucianisme

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arton1106.jpgDans la société chinoise en décomposition et en proie aux conflits armés entre princes rivaux, Confucius, qui cherchait le secret de la société idéale, croyait lui aussi aux splendeurs mythiques de l’Antiquité chinoise. Respectueux des traditions, de la légitimité du pouvoir, et de la hiérarchie sociale, il pensait que la morale était la base de la politique, et c’est à partir de ce concept qu’il a élaboré son système de pensée.

Pour Confucius, le souverain l’«étoile Polaire» autour de laquelle tournent les autres astres gouverne grâce à un décret, un mandat qu’il a reçu du Ciel. Mais le prince est tenu de se comporter comme un homme de qualité, un sage (junzi), en montrant sans cesse l’exemple, car c’est par sa conduite d’homme vertueux qu’il mènera à terme la transformation bénéfique des «hommes de peu» (xiaoren). Ainsi, son mandat céleste l’oblige à devenir un éducateur.

Toutefois, pour bien former les individus, il est nécessaire d’être éduqué soi-même. Or, pour Confucius, c’est par l’étude et la pratique du bon gouvernement que l’on se forme à l’image du junzi. en définitive, gouverner par la vertu ne peut qu’apporter la vertu: «Si un homme sait se gouverner lui-même, quelle difficulté aura-t-il à gouverner l’État? Mais celui qui ne sait pas se gouverner lui-même, comment pourra-t-il gouverner les autres? Au seigneur Ji Kang lui demandant s’il fallait punir les individus, Confucius aurait répondu: «Pour gouverner le peuple, avez-vous besoin de la peine de mort? Soyez vous-même vertueux et votre peuple sera vertueux.

Ainsi le sens du devoir et l’exemplarité sont-ils des notions primordiales pour Confucius. Mais un prince, aussi puissant et cultivé soit-il, n’est pas forcément un junzi, car les seuls à cultiver la vraie vertu sont les sages (sheng), dont l’Antiquité a donné les modèles. Chacun peut toutefois s’essayer à la sagesse et devenir un homme de bien en cultivant les vertus cardinales: l’altruisme, l’humanité (ren) et le respect d’autrui (yi). Il convient aussi de respecter les rites et les conventions sociales (li). C’est par de telles qualités – bienveillance, équité, respect, droiture, piété filiale – que l’on peut enfin accéder à la vertu (de) et atteindre la Voie de la nature (dao).

Fondant ses principes de gouvernement sur sa théorie de la nature humaine, Confucius est ainsi un théoricien de l’éthique sociale: il propose une morale appliquée à la science politique qui se confond avec la science de la nature.

À la différence de Confucius, qui enseigna une bonne partie de son existence et tenta vainement de mettre en pratique sa société idéale, ses disciples accédèrent à de hautes charges administratives.

Les idées de maître Kong, en particulier sa conception selon laquelle l’Univers, de par son essence, est un univers moral, furent reprises plus d’un siècle plus tard par le philosopne Mengzi, dit Mencius (vers 371 à 289), qui donna à la pensée confucéenne une dimension mystique. Alors que selon lui la nature morale de l’homme procède de principes métaphysiques, Xunzi (vers 289-235) – un autre penseur confucianiste qui n’adhéra pas à la description positive de la nature de l’homme par Mencius – affirmera que l’éthique est une notion utilitariste répondant à une nécessité pratique et appelée à perfectionner la nature humaine.

La philosophie officielle

Le développement du confucianisme sera ralenti par l’avènement de Qin Shi Huangdi, le souverain qui instaura l’Empire par l’unification des royaumes et principautés chinois (221 av. J.-C.): la doctrine de l’État se fonde alors sur l’école des légistes, centralisatrice et autocratique. Mais sous la dynastie des Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.) le confucianisme devient la philosophie officielle de l’État, malgré ses divergences considérables avec le taoïsme et le bouddhisme. Les grands classiques confucianistes sont à l’honneur et la religion impériale se trouve étroitement associée aux préceptes de Confucius. L’empereur, qui rend un culte officiel au Ciel et à la Terre, promulgue le calendrier luni-solaire (donc mobile) et ouvre les travaux agricoles en traçant solennellement le premier sillon: il devient de la sorte le premier prêtre de l’État. Se conformant ainsi aux prescriptions rituelles et mettant sa vie en harmonie avec l’Univers, il accomplit les rites et les devoirs à l’égard du peuple qu’il dirige. Il recrute des fonctionnaires lettrés, à travers un système d’examens fondé sur l’analyse des classiques.

Sous les Sui (586-618) et les Tang (618-907) – l’âge d’or du taoïsme puis du bouddhisme – un culte officiel est voué à Confucius, des temples sont édifiés en son nom et le «mandarinat» se perfectionne avec un système de notation qui juge les fonctionnaires d’après «quatre qualités» fondamentales et une échelle de «vingt-sept perfections». Toutefois c’est surtout avec la dynastie Song (960-1279) que la doctrine de maître Kong connaît un souffle nouveau, grâce notamment au courant le plus important de cette époque: le «néoconfucianisme» de Zhu Xi.

Gouverneur de province, Zhu Xi (1130-1200) étudia les principes philosophiques de l’Univers, en particulier le li et le qi, deux notions qui s’apparentent respectivement à la «forme» et à la «matière» forgées par les philosophes grecs. Pour le penseur chinois, dont les idées resteront en vogue jusqu’au XXe siècle, la fin ultime de l’homme est de s’ouvrir au Bien suprême (un concept proche de celui de Platon), par l’étude des classiques ainsi que par l’observation de la société et de la nature.

Les philosophes, en particulier Wang Shouren (1472-1529), dit Wang Yangming, approfondiront encore ce néo-confucianisme pénétré de notions taoïstes et bouddhiques, souvent dans une perspective critique, avec Gu Yanwu (1613-1682), Huang Zongxi (1610-1695) ou Dai Zhen (1724-1777).

Vers 1850, le confucianisme se renforcera, en réaction à l’occidentalisation et aux tentatives de christianisation de la société chinoise. Mais, avec l’avènement de la République (1911), les jeunes intellectuels rejettent Confucius, qu’ils jugent féodal et réactionnaire; l’État restera cependant proche de la tradition confucianiste. En effet, si Mao Zedong s’attache à éliminer le confucianisme («J’ai haï Confucius dès l’âge de huit ans», écrira-t-il) au même titre que toutes les croyances et idéologies étrangères au marxisme, les grands axes du système communiste – obéissance absolue aux maîtres à penser, stricte hiérarchisation de la société, subordination du bien privé au bien public – ne sont nullement opposés aux conceptions confucianistes, et la pensée de Confucius fut, officiellement du moins, au cœur du dernier affrontement entre Mao et Lin Biao. S’il n’a plus cours aujourd’hui en tant que doctrine philosophique et religieuse dans une Chine qui cherche sa voie politique et spirituelle, le confucianisme n’en a pas moins laissé des traces profondes dans les mentalités et les attitudes sociales.

Le confucianisme hors de Chine

Véhiculé par la civilisation chinoise, le confucianisme s’est transposé dans les pays voisins – Corée, Japon, Viêt-nam – qui se sont imprégnés de sa culture. En Europe, le confucianisme a été découvert au XVIIe siècle, grâce aux missionnaires jésuites. À la fois comme philosophie morale et système de gouvernement, il a suscité un grand intérêt auprès des philosophes occidentaux. Alors que Voltaire et Leibniz l’idéalisent, Diderot ou Montesquieu se montrent réservés en raison de son étroit traditionalisme. Mais, en règle générale, l’Occident voit en Confucius l’inventeur d’un humanisme. Au Japon, qui officialise le confucianisme au XVIIe siècle, diverses écoles adaptent la doctrine: celle de Yamaga Soko retient notamment la stricte hiérarchisation de la société et fait adopter le bushidô, code d’honneur de la caste guerrière. L’école de Dazai Shundai, au XVIIIe siècle, orientera le confucianisme vers des problèmes économiques, abandonnant son aspect religieux.


Source: One Little Angel




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