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Marie-Madeleine Davy

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VOICI QUELQUES EXTRAITS DU LIVRE « LE DESERT INTERIEUR »
Marie-Madeleine Davy – Editions Albin Michel – Paris 1985

Pour vous donner envie d’acheter ce livre…

Les ermites extérieurs doivent abandonner leur famille, leur patrie, leur demeure. Les ermites intérieurs sont aussi affrontés à une séparation. Ils s’évadent de l’omnitude, de la conscience commune, des formes sclérosées, des antihumanismes et parfois de certaines formulations religieuses aliénantes.

Quitter famille, amis, lieu de naissance, métier s’effectue en une seule fois, même si le voyageur se tourne vers son passé en le retenant encore dans sa mémoire et dans son cœur. Rompre avec ses habitudes, les divers enseignements qui ont pétri depuis le berceau, se sont mélangés à la chair et au sang ; avoir éprouvé la chaleur grégaire – dilatante pour les faibles – et qui risque de donner bonne conscience, tout cela ne peut se distancer que dans la mesure où loin d’en être comblé on vivait sa faim, cherchant désespérément une porte de sortie donnant accès sur un ailleurs.

La recherche tâtonnante, douloureuse, que nul enseignement donné du dehors n’informait, avait heureusement à sa disposition des lectures : celles des Ecritures sacrées. Encore fallait-il en comprendre le sens. Les Maîtres – appartenant à l’Orient et à l’Occident – répondaient à un besoin d’exotisme pour les uns et de prise en charge pour les autres. Les relations n’étaient pas sans danger.

Les jeunes générations ignorent combien il a fallu à leurs aînés de courage, d’audace, de souffrances, pour briser les liens avec leur famille, leur milieu social ambiant, les habitudes de penser d’une époque dans laquelle ils s’inséraient. Quel combat sur tous les fronts ! La crainte de se tromper en se séparant d’autrui, le poids des malédictions dont les  » repus  » dits  » spirituels  » ne se privent jamais ; les vociférations des meutes cherchant à faire rentrer au bercail l’animal sauvage devenu incapable de supporter une bergerie anesthésiante.

Actuellement les jeunes possèdent à leur disposition des ouvrages se référant à l’intériorité, à la vie du dedans dont témoignent maints auteurs. Les écoles de méditations se multiplient, l’enseignement généralisé du yoga et du zen favorise la vraie recherche. Bien entendu les mélanges foisonnent et nombreux sont les imposteurs. Peu importe. Il y a choix et non pas défrichement comme hier. Et ceux qui appartiennent aux précédentes générations savent combien il leur a fallu de persévérance et de force pour continuer leur démarche au milieu de ce qui leur apparaissait ombres, ruines, abêtissements sordides, propositions édulcorées. Il leur fut nécessaire de se dévêtir des oripeaux qui collaient à leur peau et qui durant longtemps leur servirent de vêtements. Devant eux, une voie : le vide, le renoncement, la vacuité. Le rejet n’était pas nécessaire ; il s’opérait naturellement.

Le christianisme étant institutionnalisé depuis des siècles, il importait non pas de le quitter mais de le redécouvrir dans sa profondeur, en abandonnant ses caricatures qui l’ensevelissaient en le défigurant.

La mort de Dieu avait été annoncée à grand fracas. Comme on pouvait s’y attendre, elle fut suivie par la mort de l’homme. Qu’allions-nous faire sans Dieu et sans homme, sinon attendre la mort du monde et laisser paisiblement enterrer les morts sans avoir le goût de se recueillir sur leurs tombes.

… Aujourd’hui le salut de l’homme est en jeu, c’est à dire sa santé, son équilibre, sa mesure et sa démesure, son harmonie. Il est impossible d’envisager l’homme coupé de sa profondeur d’origine divine. Comment accepter que la condition humaine ne réponde pas à sa vocation essentielle ? Privé du divin, l’homme est mutilé. Pourrait-on sans folie consentir à l’abolition d’une des ailes d’un oiseau ou à son ankylose ? Incapable de voler, il lui faudrait alors vivre dans une cage et demeurer prisonnier. Tel l’oiseau, l’homme est fait pour la souveraine liberté. Il la conquiert par un au-delà de tout esclavage ; celui de ses sens extérieurs, de son enracinement dans le terrestre. C’est à ce prix qu’il dépasse les familles charnelles, les patries transitoires, tout ce qui appartient au passage et ne saurait faire éclore le mystère dans sa propre splendeur.

Comment provoquer l’animation de la dimension intérieure, découvrir le  » royaume du dedans  » qui coïncide avec  » la beauté de la fille du roi  » ? Hier la réponse aurait été simple. Il suffisait de prendre une des voies traditionnelles et de se maintenir dans son sillage. Mais l’homme a évolué. Son exigence est devenue plus subtile. Il s’éprouve dans la nécessité de communier à l’universel, de rencontrer ses frères et de partager un amour identique, une semblable connaissance. Incapable de supporter les divisions, les comparaisons, les divergences, il tend vers l’union incluant les différences sans être séparé par leur présence.

Un seul banquet existe auquel tous les hommes sont conviés, indépendamment de leur origine et de leurs options. Une Déité unique préside à ce festin, son amour éternel s’étend indistinctement sur tous ceux qui s’orientent vers elle avec foi et confiance. Les uns veulent la nommer et comprendre qui elle est ; d’autre, plus sages, préférant au savoir l’expérience, ne tentent jamais de balbutier son nom.

Il n’existe aucune voie commune, rassemblant tous les hommes de bonne volonté, en dehors de l’intériorité. Tel est le chemin le plus court conduisant inexorablement vers son but. Le choisir et le suivre exige d’en subir l’attrait, de pouvoir s’y maintenir contre vents et marées, de se tenir à l’écoute du dedans, sourd aux appels du dehors. Il y aura toujours des donneurs de recettes pour crier  » casse-cou  » aux audacieux ; des sirènes pour distraire les  » aventuriers de l’esprit « . Peu importe ! L’homme séduit par le dedans poursuit inexorablement sa route en sachant que le passage par la solitude, voire l’isolement, précède la communion. Qu’il devra cheminer seul avant de rencontrer ses frères, se libérer des fausses notions dont il a été parfois imbibé et pétri pendant son adolescence et sa jeunesse. Il lui faut devenir un homme neuf, choisissant une nouveauté de vie.

Cette nouveauté de vie ne survient qu’après un ultime détachement de tout ce qui encombre et qu’on a pu durant longtemps supposer nécessaire. Dans ce mouvement essentiellement dynamique, aucune tradition n’est récusée, aucune religion écartée. Traditions et religions sont épurées des divers revêtements imputables à l’Histoire. Elles deviennent d’autant plus vivantes, qu’elles sont enfin dégagées du fatras qui les encombrait et rebutait les hommes épris d’Absolu et d’authenticité. Privées de leur gangue, elles libèrent enfin leurs parcelles d’or.

De même l’homme est appelé à se débarrasser de son plomb, de sa finitude, de son pseudo-savoir, de ses fausses croyances, des superstitions auxquelles il a prêté foi. Tout doit être revu, purifié. Il lui faut pénétrer dans le creuset alchimique d’où surgira le grand oeuvre : l’apparition de l’étincelle divine.

Mystérieux, ce creuset symbolise moins un lieu qu’un état. Il inaugure un passage du dehors au dedans, du chaos à l’ordonnance, de l’esclavage à la liberté. Terrain de formation, sur lequel chacun se doit de tracer lui-même sa piste, il ne peut être abordé que par ceux qui consentent au dénuement, à la nudité, au vide, au détachement suprême à l’égard de soi-même. Seul l’homme privé de tout bagage dans ses mains, de tout savoir et souvenir dans sa tête, de toute possession intellectuelle en passera le seuil. Ne pourra s’y mouvoir que celui qui préfère l’essence à l’existence, la contemplation à l’action, l’éternité au temps, l’absolu au relatif, le sens intérieur à la littéralité, le silence à la parole ou à l’écriture. N’y sera indigène, que l’amoureux de la lumière ou de la ténèbre obscure par excès de clarté ; l’amant du feu qui consume et consomme les scories ; l’imitateur du papillon qui, tremblant de joie, se jette soudain dans la flamme brûlante.

EXTRAITS DU LIVRE « LE DESERT INTERIEUR »

Marie-Madeleine Davy – Editions Albin Michel – Paris 1985


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CONSEILS DE LECTURE PAR BUDDHACHANNEL

Beaucoup de méditants dans le Zen ou d’autres formes d’assise silencieuse peuvent s’enrichir au contact de cette grande dame. Pour les méditants que vous êtes peut-être, nous vous conseillons de commencer par:
– le désert intérieur – Editions Albin Michel
– La montagne et sa symbolique, Albin Michel, Collection  » Spiritualité vivante « .
– L’homme intérieur et ses métamorphoses. Edition de l’Epi, 1974
– Ecrits d’Henri Le Saux. Albin Michel, 1991.


POUR ALLER PLUS LOIN

Découvrez l’excellent site : présence de Marie-Magdeleine Davy


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