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La Prise de Refuge, premier « effort » des Bouddhistes

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Cette cérémonie est le moment où les nouveaux adeptes décident de suivre l’enseignement du Bouddha et d’entrer dans la communauté des disciples

5454-2.jpgVenus assister à l’enseignement de Lama Tempa, en visite pour quelques jours dans leur communauté, des dizaines de bouddhistes ont laissé leurs chaussures sur le perron du temple de tradition tibétaine Kagyu-Dzong, situé dans le bois de Vincennes, dans le 12e arrondissement de Paris.

À l’intérieur, la place manque. La salle de méditation, au premier étage du modeste édifice, est trop petite pour accueillir tous les fidèles et certains doivent se contenter de s’asseoir sur les marches de l’escalier.

Il est 15 heures, les derniers retardataires arrivent. Parmi eux, une jeune fille se fraye un passage pour être au plus près du lama, assis au fond de la salle. Elle rejoint trois autres personnes qui ont, comme elle, choisi de « prendre refuge » aujourd’hui.

Une étape essentielle, parfois comparée au baptême chrétien

Dans leur vie spirituelle bouddhiste, c’est une étape essentielle, parfois comparée au baptême chrétien parce qu’elle marque une entrée, un point de départ pour les adeptes. Mais la comparaison s’arrête là.

La prise de refuge, c’est avant tout un « engagement dans la pratique », le moment où le bouddhiste décide de suivre l’enseignement (dharma) de l’Éveillé, le Bouddha, et d’entrer dans la communauté des disciples (sangha).

Ces trois dimensions de l’engagement sont appelées les « trois joyaux » et sont les fondements de la pratique du bouddhisme.

Même si la trame de la cérémonie reste similaire, la prise de refuge peut prendre des formes très différentes selon les écoles bouddhiques. Kagyu Dzong est un temple de tradition tibétaine Kagyupa et Shangpa Kagyu. Ainsi, le lama s’exprime en tibétain et toutes ses paroles sont reprises en français par un traducteur.

Il demande d’abord « quelles sont les personnes qui prennent refuge », puis leur annonce qu’elles sont « extrêmement fortunées » (chanceuses) de prendre refuge en présence des trois joyaux.

Suit une courte cérémonie, d’une vingtaine de minutes, pendant laquelle les quatre fidèles qui l’ont souhaité répètent des formules rituelles en lien avec le Bouddha, le dharma et le sangha puis des préceptes qui impliquent des abandons (ne plus nuire aux autres, ne plus prendre refuge dans les « mauvais amis », etc.) et des pratiques (récitations de prières notamment). Après trois dernières prosternations en direction du lama, une formule est répétée avec toute la communauté.

Enfin, le lama claque des doigts en proclamant « Telle est la méthode », ce à quoi les quatre fidèles répondent – en tibétain – « C’est excellent », avant de passer un à un devant le maître qui leur coupe une mèche de cheveux en disant : « Vous avez reçu ces vœux de refuge. » Au cours de cette cérémonie, l’enseignant donne aussi un nom au fidèle, qui correspond le plus souvent à une qualité à développer.

« La prise de refuge, c’est le choix d’une protection »

À la sortie du temple, après la prise de refuge et les deux heures d’enseignement, Dominique- Emmanuelle, la cinquantaine, affiche un visage calme et serein. Elle fait partie des quatre fidèles qui ont choisi de s’engager ainsi devant le lama Tempa.

« Je suis heureuse car, pour moi, ça représente quelque chose d’essentiel, insiste-t-elle. Je décide de me mettre sur la voie, de sortir du “samsara” (le cycle sans fin des réincarnations, NDLR). La prise de refuge, c’est le choix d’une protection pour se garantir une bonne route. C’est une aide face aux vents contraires. »

C’est la deuxième fois que Dominique-Emmanuelle prend refuge : « La première fois, il y a deux ans, cela correspondait à une recherche personnelle, raconte-t-elle : c’était la mise en alliance avec une famille spirituelle. Cette fois-ci, j’ai ressenti le besoin de confirmer mon engagement, car ma réflexion a atteint un autre stade de maturité. »

Cette cérémonie est une démarche personnelle, pour laquelle le fidèle doit être pleinement conscient. « La notion d’effort est centrale dans le bouddhisme, explique Michel-Henri Dufour, président de l’association bouddhique Vivekârâma, de tradition theravâda, et intervenant à l’Université bouddhique européenne.

La prise de refuge peut être vue comme le premier effort, le témoignage de la volonté de suivre une voie difficile. C’est pourquoi cela ne s’adresse pas à des enfants trop jeunes. »

L’accent est mis sur la liberté du fidèle

Comme souvent dans le bouddhisme, l’accent est mis sur la liberté du fidèle. La prise de refuge peut être pratiquée seul ou au sein de la communauté, et ne nécessite pas forcément une longue préparation : chacun peut choisir spontanément de participer à cette cérémonie.

« Ce qu’il est important de comprendre, souligne Michel-Henri Dufour, c’est qu’elle comporte deux aspects, l’un extérieur et l’autre intérieur, qui se déclinent pour chacun des trois joyaux auxquels on fait référence. Ainsi, pour le Bouddha : il y a le personnage historique (aspect extérieur) et l’esprit d’éveil qui n’est pas soumis au temps (aspect intérieur). De même, pour le “dharma”, il y a l’enseignement fondé sur les livres et les personnes, qui peut disparaître, et la loi, la norme, qui est immuable. Pour le sangha, enfin, il y a les disciples en tant qu’êtres vivants et la conduite droite et la vertu qui demeurent. »

Il est impossible de savoir combien de personnes prennent refuge chaque année en France.

« Contrairement aux baptêmes chrétiens, aucun registre n’est tenu », précise Michel-Henri Dufour, rappelant que « les statistiques ne sont, de toute façon, pas dans la mentalité asiatique ».


Par Pierre-Louis LENSEL

Source : www.la-croix.com




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