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Le Mandala, source de transformation psychologique — par Luc Marianni

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Le mandala est une représentation symbolique des énergies et du fonctionnement de l’univers en interaction avec notre fonctionnement psychique.

Jung a contacté les mandalas à une période difficile de sa vie, s’en est servi comme source de guérison et les a utilisés dans sa pratique professionnelle en psychanalyse. Si, depuis cette époque, les mandalas réalisés par les moines bouddhistes (une pratique vieille de plus de 2000 ans) fascinent de plus en plus aujourd’hui le monde occidental par la beauté, la minutie des dessins et la patience qu’ils requièrent pour leur réalisation (nous citerons les mandalas de sable de Kalachakra réalisés à Paris à la Villette en 1995 ou à La Défense en 2001 qui ont attiré des milliers de personnes), ils restent un grand mystère quant à leur utilité. Sans compter que le seul statut qui pourrait justifier leur présence, à savoir celui d’œuvre d’art, ne tient pas la route et pour cause : le mandala a une durée de vie éphémère et est même souvent détruit une fois achevé. Alors ?

UNE ŒUVRE SUBTILE ET COMPLÈTE

Le mandala n’est donc pas un objet d’art destiné à hanter les couloirs du Louvre. C’est une représentation symbolique des énergies et du fonctionnement de l’univers en interaction avec notre fonctionnement psychique.

Si, dans un contexte occidental (si loin de la tranquillité et de l’atmosphère des hauts plateaux de l’Himalaya), le mandala est regardé avec admiration comme une curiosité culturelle d’un temps révolu, dans un cadre oriental, en Inde ou au Tibet par exemple, il est considéré comme une discipline majeure et sert de support à la méditation, à la connaissance de soi, au développement spirituel et à la ‘relation’.

Mandala, terme sanskrit, signifie « cercle, disque avec une idée d’achèvement ». Si nous prenons le mot tibétain équivalent, dKil-khor, nous rajoutons en plus la notion de centre et de circonférence/périphérie avec une idée de complétude et d’interdépendance entre le centre et la périphérie. Le système solaire est donc un mandala tout comme le corps humain ou le fonctionnement de l’esprit et du psychisme. Et quel est le point de liaison entre ces trois systèmes apparemment si éloignés et différents ? Les 5 éléments, dénominateur commun et naturel de toutes les époques et traditions. Ils sont inclus dans la composition des mandalas et en assurent la cohésion/unité à un niveau grossier et subtil. Et c’est par cette porte d’entrée essentielle, simple et évidente, que nous allons pouvoir nous en servir puisque les 5 éléments assurent dans la pratique des mandalas, cette triple action de nous relier à nous-mêmes, à l’environnement et aux autres.

LE MANDALA : un ami qui nous…

Le but du mandala est de nous guider vers l’unité de nous-mêmes, que ce soit dans la vie comme à l’instant de notre mort. Qu’il soit réalisé en 2 ou 3 dimensions sur un support matériel, qu’il soit extérieur, intérieur ou secret, sa fonction est la même : nous aider à dépasser la dualité, la souffrance, nous rappeler à chaque instant que tout est impermanent, interdépendant, composé, transitoire et surtout nous relier au centre de nous-mêmes, source d’équilibre et de guérison.

Giuseppe Tucci, dans son livre « la théorie et la pratique du mandala » (Editions Fayard) définit le mandala comme : « Une carte du cosmos représentant l’univers en totalité en ce qui concerne ses structures essentielles, en tant que processus d’émanation et de réabsorption. Cependant, le mandala n’est pas seulement un cosmogramme, mais en même temps un psycho-cosmogramme (…). Ainsi l’utilisation du mandala permet de retrouver l’unité d’une conscience non divisée et de restaurer en soi-même le principe idéal des choses ».

Mais la première ouverture, dans l’utilisation thérapeutique des mandalas, vient de C.G. Jung : « Des représentations de dessins/mandalas peuvent avoir sur leurs auteurs des actions thérapeutiques importantes, le fait a été constaté empiriquement et il est pareillement facile à comprendre, ces dessins constituant des tentatives souvent très audacieuses pour embrasser du regard et rassembler des éléments contraires apparemment inconciliables et des divisions apparemment insurmontables. Un simple effet dans la direction indiquée produit déjà un effet salutaire, mais il est vrai seulement dans le cas où cet essai est spontané » (Psychologie et Orientalisme, P 106 et 107, Albin Michel).

Sur les bases de ces 2 écrits inspirés, cette connaissance ancienne peut être adaptée à la mentalité occidentale dans un travail de psycho- et auto-thérapie. Nous pouvons, sans rentrer dans des rituels/ pratiques/ initiations/ méditations/ visualisations complexes et tout en conservant l’essence des mandalas, travailler à un niveau psychologique par le simple fait du geste spontané exprimé dans un dessin en utilisant les 5 éléments (le geste spontané traduisant le ressenti profond, non court-circuité par l’aspect du mental conceptuel).

MAIS COMMENT FAIRE POUR… ?

La réponse est simple : en le faisant ! Comment s’acquiert le geste spontané ? Il s’acquiert par des pratiques de méditations préparatoires de détente physique/mentale et de sensations corporelles, et aussi par la répétition de ces méditations créant ainsi les conditions d’un véritable contact entre nos racines énergétiques profondes et nous-mêmes.

Puis nous incluons les 5 éléments qui deviennent le support et l’outil à l’intérieur de la méditation. Ils s’utilisent dans la même pratique selon nos besoins du moment : soit indépendamment, soit par 2, soit par 4 ou 5 de manière successive (en respectant l’ordre du plus grossier au plus subtil : terre, eau, feu, air). Par exemple, si nous choisissons l’élément Eau, nous allons tendre vers plus d’harmonie aussi bien dans notre corps que dans notre vie et aussi vers plus de souplesse et d’adaptabilité dans les relations que nous établissons avec les autres. Pour ce faire, nous sentons au niveau physique les liquides du corps comme le sang…et nous restons dans la sensation de liquidité. Nous pouvons aussi pratiquer à un niveau énergétique c’est-à-dire se mettre en contact avec une énergie fondamentale de l’existence comme celle de se sentir relier et en harmonie dans tout notre corps en correspondance avec l’élément eau. Dans la pratique il est possible également d’associer des énergies lumineuses (l’eau correspondant à la couleur blanche) ainsi que l’énergie de la région des chakras (le centre du thorax correspondant à l’élément eau). Nous procédons de la même façon avec les autres éléments et nous pouvons varier les pratiques, chacun d’entre eux étant associé à une fonction du corps (Terre : les os, les muscles/ Eau : liquide, humidité…), à une qualité énergétique (T : structure, E : harmonisation/relation…), à une couleur (T : jaune…), à un centre énergétique (T : région du chakra du nombril,….), à un son. Une fois la méditation sur le ou les éléments terminée, nous effectuons un dessin reflétant le plus spontanément possible le ressenti que nous avons de cette expérience. A cet effet, Tarab Tulku XI Rimpoché, grand maître tibétain vivant depuis plus de 20 ans au Danemark, qui a développé, à l’intérieur de ses stages et formations, la pratique mandala pour une utilisation occidentale et dans un but psychothérapeutique, précise et insiste sur la nécessité, pour une pratique profonde et réussie, de laisser s’exprimer ce ressenti en rentrant dedans, en essayant de ne pas contrôler, planifier ou vouloir dire quelque chose. Nous pouvons, à la suite de cette première expérience, refaire un dessin immédiatement après, sur le même élément, en partant du ressenti du premier ou bien refaire une méditation et un dessin en évitant les traductions et interprétations mentales qui contrôleraient l’ensemble et empêcheraient tout travail de transformation énergétique. Jung a écrit à cet effet qu’« il ne faut rien attendre de la répétition artificielle ou de l’imitation intentionnelle de telles images ».

Par une pratique progressive et régulière, une transformation de soi s’opère en douceur tout en apportant un équilibre au quotidien, une communication et un soutien intérieur. Les éléments, quant à eux, tout en nous permettant d’accéder à des états intérieurs plus clairs, unifiés et subtils, participent à la liaison entre le corps et l’esprit, entre la matière et l’énergie, et établissent un lien entre nous et autrui. Nous pouvons pratiquer seul ce qui demande beaucoup de rigueur dans notre méditation et de spontanéité dans les dessins sans chercher à les auto-interpréter/analyser ou bien être guidé par un thérapeute dans une interprétation basée sur l’ambiance, le mouvement, les formes, les couleurs, l’énergie du dessin « informel » en vue de refaire des pratiques et de nouveaux dessins.

Bien entendu, des émotions trop fortes et perturbantes que nous avons repérées dans notre vie, nécessiteront l’accompagnement d’une aide extérieure et sûrement l’emploi d’autres méthodes que celles des mandalas.

L’INDIVIDU LIÉ AU COLLECTIF

Cette approche laïque et universelle ouvre des perspectives dans son utilisation, que ce soit dans la psycho et auto-thérapie que dans le développement personnel. Aujourd’hui, vu la capacité de discrimination et d’action individuelle développée par bons nombres de personnes dans notre société technologique depuis 50 ans, le mandala peut se comprendre, se pratiquer d’une façon simplifiée et nous servir de soutien au quotidien … Une sorte de méditation autonome associant l’aspect du geste, de l’esthétique, de la création spontanée, tout en allant en profondeur … si nous prenons bien soin de respecter les méditations préparatoires décrites ci-dessus.

Et loin d’être repliée sur ses propres problèmes psychologiques, une personne, par la pratique de mandalas réalisée individuellement, participe et s’insère dans un mandala plus grand. (Même si la façon exposée dans cet article apparaît si éloignée de l’aspect traditionnel bouddhiste, elle en a les mêmes effets). Ce qui signifie qu’une pratique rigoureuse (individuelle ou accompagnée selon la nécessité) dirigée vers la transformation intérieure de nos émotions permet au même moment de constater, en plus d’un équilibre intérieur, une amélioration de et dans notre environnement (selon la loi de l’interdépendance, fondement de l’enseignement du Bouddha). Sans compter qu’une ouverture thérapeutique fantastique s’ouvre en direction des enfants et adolescents en difficulté. Nouvelle « auspicieuse » dans une époque où nous avons l’impression que la source de nos problèmes vient de l’extérieur, de l’autre, d’un manque d’argent ou du hasard.

Le quatorzième Dalaï Lama, en 1993 :

« L’initiation du mandala de Kalachakra est l’une des plus importantes du bouddhisme car elle prend tout en compte : le corps et l’esprit humain, l’aspect extérieur total, cosmique et astrologique. Par sa pratique complète, il est possible de réaliser l’Eveil en une vie. Nous croyons fermement en son pouvoir de réduire les tensions, nous l’estimons apte à créer la paix, la paix de l’esprit et par conséquent la paix dans le monde ».

Luc Marianni


Source: BuddhaLine




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