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Interview du Lama Jigme — Le Centre bouddhiste de Paris

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Buddhachannel a reçu le Lama Jigme Rinpoché dans ses locaux lors de sa visite à Paris en Juillet 2010. Nous vous proposons de retrouver une partie de cet entretien ici.

Traduction: Audrey Desserrières pour Buddhachannel



Lama Jigmé Rinpoché pourriez-vous nous parler du centre bouddhique de Paris ? Quel est son nom ? Et quel est le sens de ce nom ?

Lama Jigmé Rinpoché : Ce nom a été donné par le 17° Karmapa Trinley Thayé Dorjé. Son sens est en lien avec un souhait bénéfique et avec le nom de la lignée ainsi que l’accomplissement et la prospérité. Ce nom conféré par le Karmapa se dit en tibétain Karma Lundroup Tarchine Ling. 

Généralement, vous résidez en Dordogne dans le sud de la France, pourquoi venir à Paris ? 

LJR : Nous demeurons en Dordogne mais nous sommes reliés à Paris depuis de nombreuses années. Beaucoup de personnes viennent participer aux méditations, un grand nombre parmi elles, vient de Paris. Nous sommes aussi parfois invités ici pour donner des conférences, il y a un lien fort.  La raison d’être du centre de Paris est de simplifier les choses pour les gens, qu’ils aient moins besoin de se déplacer aussi loin en Dordogne. Bien sûr, ils sont les bienvenus pour passer des vacances en été ! A Paris, nous essayons d’offrir un programme quotidien, les gens peuvent venir quand ils le souhaitent pour méditer, écouter les enseignements, participer aux rituels. C’est beaucoup plus facile pour les Parisiens et les personnes qui habitent dans les environs de Paris.   

Sentez-vous la nécessité d’adapter le programme d’enseignements pour Paris ?

LJR : De façon générale, nous n’avons pas besoin de vraiment le changer, mais il faut tenir compte de deux types de personnes : les nouveaux venus et les pratiquants de longue date. Certains sont engagés dans le bouddhisme depuis plus de vingt cinq ans, pour eux, le programme d’enseignements doit être modifié. Afin de satisfaire les nouveaux venus ainsi que les pratiquants de longue date, le programme a été un peu modifié, cette année nous proposons l’histoire de différentes obédiences bouddhiques mais également la spécificité de la tradition Karma Kagyu, une introduction à la méditation etc. Ces thèmes sont un peu différents de ceux proposés en Dordogne mais nous continuons également avec des sujets similaires aux deux lieux.

Constatez-vous une différence entre les enseignements traditionnels du Tibet et ceux transmis à Paris ?

LJR : Au début, il était nécessaire qu’il y ait une différence. C’est ce qui résulte de ma longue observation. Tout d’abord, il fallait introduire le sens du concept « Dharma » tel que nous, Tibétains, l’entendons. Une fois l’idée devenue plus familière en France, et à Paris, nous pouvons alors doucement revenir vers l’enseignement traditionnel. Du fait des différences culturelles, linguistiques etc. il est nécessaire tout d’abord de prendre le temps d’une bonne introduction.

Pensez-vous que nous parviendrons à un bouddhisme occidental ? C’est une question que se posent certains Français. Est-il mieux de rester avec les racines tibétaines ou thaïes du bouddhisme ?

LJR : Ce que nous avons préparé dans le passé et ce que nous effectuons actuellement consiste à essayer de développer la même chose qu’au Tibet. Progressivement, les Occidentaux apprennent et pratiquent, et dès qu’ils obtiendront une connaissance accomplie, ils pourront se diriger vers un bouddhisme occidental sans perdre l’essence. C’était la même chose pour le bouddhisme tibétain : un caractère et une façon de faire indiens ont pénétré le Tibet. Le Tibet et l’Inde sont radicalement différents : la culture est différente, la langue est différente, les mentalités sont différentes. Plusieurs années plus tard, le bouddhisme indien est devenu un bouddhisme propre au Tibet. L’adaptation a été très tibétaine également. Je pense qu’il est possible que les Occidentaux apprennent tout d’abord selon la tradition tibétaine puis, progressivement, en fonction de leur compréhension, ils pourront évoluer vers leurs langues et leur culture occidentales sans perdre le sens ni les méthodes. En Dordogne, nous nous apprêtons à construire une grande bibliothèque afin de fournir un lieu de recherches pour que les gens puissent trouver ce dont ils ont besoin, ainsi qu’un institut afin qu’ils puissent apprendre et comprendre, mot à mot, le sens des textes. Cela fait déjà plusieurs années, presque vingt ans, que nous nous essayons à cette méthode qui est un succès. Depuis 1983, les personnes qui souhaitent pratiquer sérieusement font des retraites fermées ; certaines parmi elles montrent des qualités et étudient pour permettre cette adaptation du bouddhisme tibétain à l’Occident. C’est exactement ce que les Tibétains ont fait au tout début, aux 7° ou 8° siècle et ce jusqu’au 12° siècle. Nous essayons de faire de même jusqu’à ce qu’un jour nous parvenions au bouddhisme occidental qui s’enracinera dans les lignées bouddhiques indiennes et tibétaines. Comme il s’agira d’un bouddhisme occidental, il se peut tout à fait que des Occidentaux en deviennent les maîtres. C’est ce que nous espérons en fait. 

Pensez-vous que le bouddhisme peut aider la vie moderne française ?

LJR : En analysant le sens du bouddhisme et en essayant de l’appliquer à la vie moderne française, d’après ce que j’ai pu observer, de grands bienfaits et des qualités peuvent en être retirés. Nul besoin d’être bouddhiste pour cela. Par exemple, l’éthique bouddhique est orientée vers les nécessités de l’humanité, les Européens aussi ont une éthique, la combinaison des deux éthiques renvoie l’une à l’autre ce qui permet de résoudre de nombreux problèmes de conduite. En parvenant à résoudre ces problèmes de conduite, naturellement, la paix, les relations sociales, et le soutien mutuel se développeront à l’intérieur de la France mais aussi en lien avec d’autres pays. Il s’agit du bon potentiel humain et le bouddhisme insiste beaucoup sur cette notion qui n’est pas nouvelle pour les Européens car ces derniers ont traversé des phases d’évolution et ont beaucoup réfléchi à l’être humain. Combiner les deux a du sens et demeure en même temps très simple car nous ne parlons pas de grandes théories mais des besoins des êtres humains, de l’importance de ces besoins et de la façon de penser appropriée c’est-à-dire sans nuire à autrui. Ces notions se retrouvent en Occident mais le bouddhisme les lie avec une sagesse subtile et les combiner peut être très utile.

A Paris, la vie est très intense, notamment dans le monde du travail, pensez-vous que le bouddhisme puisse être aidant à ce niveau ?   

 

LJR : Oui du fait du concept d’éthique dont nous avons parlé auparavant et aussi du niveau de relaxation individuelle de chacun. Plusieurs méthodes existent pour se détendre mais il faut parfois acquérir et appliquer une compréhension intellectuelle. Par exemple, les mondes du commerce ou de l’entreprise abritent de nombreuses personnes qui travaillent ensemble, bien sûr chacun souhaite être agréable à autrui mais au niveau émotionnel, beaucoup de difficultés se présentent. De ce fait apparaissent les causes de base de la fatigue et des difficultés. Le bouddhisme propose de nombreuses explications dans ce domaine afin que les gens puissent y réfléchir et essayer de comprendre. Une fois la compréhension acquise, l’esprit peut se détendre et votre vision des autres, les collègues, les clients etc., est plus positive. Vous prenez davantage en considération la relation humaine au lieu des arguments techniques. Les arguments techniques et les efforts sont vos outils, vous pouvez cependant rester humain avec une bonne façon de penser, de soutenir et d’aider et ainsi atteindre votre propre but sans perdre le résultat que vous visez. Au quotidien, de nombreuses instructions bouddhiques peuvent être utilisées dans les domaines économique, politique, social et dans les différentes relations humaines.

Imaginons que je sois un étudiant parisien, débutant, qui n’est pas très heureux dans sa vie, que puis-je trouver dans un centre bouddhique ?

LJR : Il m’est difficile d’apporter une réponse parce que chaque personne a un problème particulier ; souvent les gens ne voient pas le sens de la vie alors il s’agit de mieux le voir. Pour cela, par exemple, il faut agir comme au marché lorsque l’on cherche quelque chose : nous regardons ce qui nous convient le mieux. Dans un centre bouddhique, nous essayons de proposer une variété d’enseignements différents, des réflexions, des méditations, diverses méthodes également et parfois les gens trouvent ce qu’ils cherchent. Nous avons découvert que ces personnes comprennent ensuite le sens de leur propre vie. Elles donnent alors une bonne orientation à leur quotidien en fonction du sens qu’elles apportent à leur vie. La vie n’est pas facile, il faut toujours affronter des défis, fournir des efforts et se battre pour accomplir ce que vous souhaitez ; en donnant un sens à votre vie, une compréhension s’acquiert et vous n’êtes plus simplement entraîné par un tiers. De façon générale, lorsque je regarde, à Paris, les gens ont beaucoup de difficultés et sont épuisés mais en même temps, sans vraiment comprendre, ils se bousculent les uns les autres. C’est ainsi que parfois ils perdent leur identité et subissent d’être bousculés par les autres. Ce genre de sujets est porteur de sens tout comme les méthodes qui l’accompagnent : vous pouvez choisir selon votre préférence, sans être obligé d’en suivre une en particulier.

Avez-vous une phase complémentaire à développer en lien avec ce centre de Paris ? 

LJR : Maintenant nous sommes dans une phase d’expérimentation, nous essayons de nous développer en fonction de l’expérience acquise. Nous avons ouvert le centre, invité des gens et en même temps nous prenons en considération leurs besoins. Nous essayons de leur fournir ce dont ils ont besoin. Cette question est liée avec la précédente à propos de ce qui est bon pour des Parisiens et quels bienfaits ils peuvent retirer. En fonction de notre expérience, nous appliquons des méthodes, les gens viennent et échangent et j’espère qu’ils obtiennent une grande satisfaction de ce système.

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