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Conte — La dent du Bouddha

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LA DENT DU BOUDDHA


OMT46_Kushinagar-.jpgVoici la version d’un conte que d’aucuns disent originaire du Tibet et d’autres du continent indien, mais peu importe:

Un brave homme d’une des castes d’intouchables les plus pauvres et les plus démunies de l’Inde avait réuni, au terme d’une rude vie de labeur, suffisamment de roupies pour réaliser son vœu le plus cher: se rendre en pèlerinage à Kushinagar là ou était mort le Bouddha Sakyamuni.

Au moment de son départ, sa très vieille mère qui était une bouddhiste fervente, le prenant par le bras, l’avait supplié de lui ramener une dent du Bouddha qu’elle pourrait alors vénérer tranquillement pendant le peu de vie qui lui restait.

« Oui, mère », avait t-il promis, « ce sera chose faite ! »

Le brave homme, accompagné d’un ami, chemina longuement jusqu’à Kushinagar où, très ému, il put prier et méditer là où s’était éteint l’Eveillé. Mais son émotion fut telle qu’il en oublia totalement sa promesse et la dent du Bouddha qui, de toute façon, aurait sans doute été fort difficile à se procurer si tant est qu’il en restât une.

Le voici donc sur le chemin du retour qui commençait a être bien entamé jusqu’au moment où son compagnon lui dit : « Mais tu as oublié la dent du Bouddha et nous ne sommes plus très loin de ton village! ». Désemparé, l’homme ne savait plus que faire. Il était trop tard pour rebrousser chemin et honorer sa promesse qu’il avait, quoi qu’il en soit, toujours considérée comme une chimère

C’est alors que, sur le bord du chemin, il vit le corps d’un pauvre chien réduit à l’état de squelette. « Bon sang ! voilà la solution ! » et il préleva une canine sur la mâchoire de l’animal et l’enveloppa soigneusement dans un linge propre.

De retour au village, sa mère se précipita vers lui : « O ! mon fils ! as-tu la dent du Bouddha ? »

« Oui mère, la voici ! » et la brave dame prenant délicatement la précieuse relique l’installa chez elle sur un petit coussin éclairé d’une bougie, pour la vénérer à loisir. Elle ne put s’empêcher d’en parler à sa voisine et bientôt, tout le village fût au courant. Les visiteurs furent très vite de plus en plus nombreux à venir voir la précieuse dent.

Il fallut bientôt faire la queue devant le domicile du brave homme et de sa mère qui demandèrent alors une contribution d’une roupie pour assurer l’accueil des curieux. Les lieux devinrent trop exigus et pour y remédier et éviter les bousculades, on construisit spécialement une chapelle autour de la relique. Les dons, offrandes et contributions se multiplièrent.

La foule était sans cesse plus nombreuse. Des invalides et des malades en tous genres se pressaient parmi les dévôts. Des miracles eurent lieu, dûment constatés et vérifiés comme par exemple des aveugles qui recouvraient la vue et des paralytiques leur mobilité.

Un vaste temple et un monastère furent alors édifiés autour de la chapelle. Les pèlerins affluèrent, chaque jour, de toute l’Inde et du monde entier. Le brave homme et sa mère devinrent célèbres, riches et honorés.

Moralité : une dent, même fausse, devient vraie, du moment qu’on y croit.


Pierre Suchet




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