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Zen à vendre

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ZEN A VENDRE [[Traduit de l’Anglais, par Hélène LE, pour www.buddhachannel.tv ]]





Les prêtres du temple sont poussés par une motivation économique, à vendre le jardin comme une expérience authentique, historique et spirituelle. Ryōanji, le temple bouddhiste Zen classé patrimoine mondial de l’UNESCO à Kyoto, au Japon, est connu aujourd’hui à travers le monde pour son fameux jardin de pierre. Le jardin constitué de 15 petites et grandes roches, disposées sur du gravier blanc, est admiré comme une expression de l’art Zen et considéré comme un symbole du Bouddhisme Zen et de la culture japonaise. Revenant sur ses 25 années de recherche dédiées au Ryōanji, l’historien Kendall Brown explique en quoi l’histoire de cette icône culturelle pose problème aux interprétations modernes liées à sa symbolique.



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Photo : Joi Ito via Flickr



Le 14 janvier 2008, lors d’une conférence donnée à l’UCLA (University of California) et parrainée par le Centre d’Etudes Japonaise Paul I. et Hisaki Terasaki, M. Brown a affirmé vouloir « fendre un peu la façade icônique du Ryōanji ». M. Brown est professeur d’Histoire de l’Art à l’Université d’Etat de Californie, à Long Beach, et le conservateur du Muséum d’Asie Pacifique de Pasadena en Californie.



La tradition veut que Hosokawa Katsumoto, dirigeant militaire durant la période Muromachi (1336-1573), fonda le temple en 1450. Il fut tué lors de la Guerre Onin (1467-77), et les bâtiments du temple original furent incendiés. Le site devint alors le temple Ryōanji, reconstruit entre 1488-1499, selon le récit.



Il y a un débat autour de l’identité du concepteur du jardin de roche du temple, mais on attribue le travail au peintre et jardinier japonais Soami (1480-1525).



M. Brown a exprimé son scepticisme quant à l’histoire admise du jardin. A ses dires, le jardin aurait pu être crée bien après 1488 et modifié tardivement en 1798.



« Nous ne savons pas exactement quand le jardin a été conçu – ni pour qui, ni par qui, ni à quelles fins », explique M. Brown. « De la même manière, on n’a nulle trace de lui avant 1681; en 1681 seulement, nous avons un premier document visuel ».



M. Brown évoque le flou entourant l’apparence originale du jardin. Des sources affirment qu’il y avait à la base, neuf roches au lieu des 15 disposées dans le jardin aujourd’hui. D’autres prétendent qu’il y avait un cerisier. D’autres encore, qu’un pont coupait autrefois le jardin en deux.



Il nous apprend que l’histoire conventionnelle du temple et de son jardin, est en conflit direct avec son passé mystérieux, ce qui serait le résultat de l’intérêt grandissant des touristes.



Nationalisation et Commercialisation du Zen



M. Brown conteste aussi la notion prévalente du jardin de roche, comme symbole de la philosophie bouddhiste Zen et de la culture japonaise.



« L’irruption d’une interprétation n’est autre que le produit du 20ème siècle », lance Brown. « Le jardin n’a jouit que d’une modeste réputation depuis le 16ème jusqu’au début du 19ème siècle ».



Il raconte que le jardin n’a bénéficié de son statut de symbole de la culture japonaise que depuis les années 1930, en pleine montée du nationalisme. Il était alors vu comme « un exemple de la continuité japonaise intellectuelle, spirituelle, et esthétique ».



Il n’y aurait pas eu de référence directe à lui, en tant que jardin Zen jusqu’en 1935, à la publication de « A Sermon in Stone », dans The Art of Japanese Gardens. L’idée que le jardin distillerait la pensée Zen s’est répandue après la guerre.



« Le pouvoir inhérent des pierres – avec leur mystérieuse disposition est une affirmation fondamentale du Zen – est devenu l’interprétation orthodoxe et autorisée », y compris dans le pamphlet officiel des touristes, selon M. Brown. L’idée est appuyée par des ouvrages comme Reading Zen in the Rocks, publié en 2000.



Après la visite de la Reine Elizabeth II, dans les années 1960, il a commencé à susciter l’intérêt du monde – aujourd’hui, il attire un grand nombre de visiteurs.



Plus d’un million de personnes paient 5$ la visite du jardin chaque année, et en achètent des souvenirs.



« Les prêtres du temple sont poussés par une motivation économique, à vendre le jardin comme une expérience authentique, historique, et spirituelle », clarifie M. Brown. « Le pamphlet officiel [du temple] ignore simplement l’histoire et les interprétations contestées du temple – pour le présenter comme ancien, authentique et important ».



Par Vincent Lim



Source : UCLA International Institute




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