Le cinéaste taïwanais Ang Lee adapte L’Odyssée de Pi, le roman philosophique du Canadien Yann Martel. Un conte fantastique bluffant qui pourrait lui valoir un nouvel oscar, six ans après Le secret de Brokeback Mountain.
Comment avez-vous découvert le livre de Yann Martel ?
Un ami me l’a fait lire peu après sa sortie, en 2001. Je trouvais le voyage de Pi tout à fait extraordinaire, bien sûr. Mais j’aimai aussi le fait qu’il se passionne pour toutes les religions lors de sa jeunesse. Sans parler de la dernière partie, absolument surprenante, qui nous fait réfléchir sur le pouvoir de l’illusion. Je me rappelle l’avoir recommandé à ma femme et mes enfants et en avoir beaucoup discuté avec eux. Mais je ne pensais pouvoir en film. Quand la Fox m’a proposé de le faire, je n’étais pas disponible. Il a fallu quatre ans pour que je monte à bord. J’ai fini par trouver le moyen d’en faire un film, petit à petit.
La clé, c’est justement l’illusion. En regardant le film, on se demande en permanence ce qui est vrai et ce qui est faux. Les animaux, l’océan, le naufrage du cargo… A l’arrivée quelle est la part d’effets spéciaux ?
C’est drôle que vous posiez cette question car en lisant le livre, je ne trouvais pas la deuxième partie (celle sur la mer – ndlr) très réaliste ! La meilleure façon d’adapter une telle histoire, c’est de mélanger les prises de vues réelles et les effets numériques. Dans toutes les situations, même les plus spectaculaires, j’essayais d’introduire au minimum un objet avec lequel le comédien pouvait interagir. Si tout est truqué, impossible d’y croire. A l’arrivée, chaque plan est un travail d’orfèvre.
Dans le film il est beaucoup question de religion. Et même des religions. Quel message vouliez-vous faire passer ?
Pour moi c’est un film qui parle de Dieu davantage que des religions. Dans le livre comme dans le film, la religion est une affiliation à un groupe de gens. Une création de l’homme pour essayer d’approcher Dieu. Lorsque Pi est perdu au milieu de l’océan, c’est là qu’il fait vraiment face au divin. Parce que la solitude éprouve sa foi. L’Odyssée de Pi ne nous dit pas qui est Dieu. Si c’est le créateur ou une pure invention. Est-ce le tigre ? Le film nous dit plutôt que personne ne sait !
Etes-vous croyant ?
J’ai été élevé dans la religion chrétienne par ma mère. Nous allions à l’église ensemble tous les week-ends. Et nous faisions la prière quatre fois par jour. A l’âge de 14 ans, j’ai tout arrêté parce que je me posais trop de questions. Et rien de grave ne m’est arrivé (sourire). En grandissant je me suis intéressé au bouddhisme et ça a beaucoup influencé ma façon d’être et de penser Aujourd’hui, je suis dans une espèce d’entre temps. Disons que je prie beaucoup les dieux du cinéma ! (rires). Faire un film, c’est un peu le job du dresseur de tigre. Il faut dominer pour ne pas être tué. Et avoir un peu la foi. Ca va de pair, je crois.
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