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Sur les pas de Bouddha — L’Association des Volontaires tibétains pour les Animaux

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Mahabodhitemple.jpgFermez les yeux un instant et imaginez une petite ville aux ruelles poussiéreuses et encombrées de piétons, de motos, vélos, voitures, rickshaws et autres véhicules ; imaginez des milliers de moines et nonnes en habit traditionnel aux déclinaisons de rouge et de jaune ; imaginez des milliers de pèlerins occidentaux et asiatiques ; quelques centaines de mendiants assis en file au bord de la rue ; imaginez des tas de chiens errants ; des enfants et adultes handicapés brandissant vers vous une gamelle ; imaginez des dizaines de petits marchands d’objets religieux, de bijoux, de CD, cartes postales ; imaginez plus de dix monastères, tous différents avec leurs temples aux fresques colorées… et, au milieu de la ville, dans un espace de verdure rempli de stèles et de stupas votifs, un temple de forme pyramidale de 52 m de haut, magnifique, le Mahabodhi Temple, bordé sur ses côtés d’arbres aussi vieux que majestueux dont un paré d’étoffes couleur or et de drapeaux flottant au vent.

Bienvenue dans le plus célèbre lieu de pèlerinage bouddhiste au monde, à Bodh Gaya, lieu d’éveil du Bouddha !

L’État de Bihar, en Inde du Nord, est un des États les plus pauvres du pays, et Bodh Gaya, malgré sa renommée, n’échappe pas à la règle ; ici, le contraste entre la misère, la foi et l’apparente opulence qui se dégage de tous ces temples est saisissant !

Méditer au pied de l’arbre sous lequel Bouddha a connu l’éveil fait sans doute partie des souhaits de tous les bouddhistes, et mon chemin m’avait donc cette fois-ci amenée jusque-là.

Néanmoins, je n’avais pas prévu de m’y retrouver en aussi grande compagnie ; en effet, la fin décembre est l’occasion d’un des plus grands rassemblements qui soient, une sorte de « Dharma Woodstock », guitares, tentes, corps dénudés et shiloms en moins !!

Cet événement est le Kagyu Monlam Chenmo, grande manifestation pour la paix dans le monde organisée par la lignée Kagyu, présidée d’abord par le dalaïlama, puis à présent par le 17e karmapa, Orgyen Trinle Dorje. [Note : les cérémonies avaient lieu du 27 décembre 2006 au 3 janvier 2007.] Chaque année, les bouddhistes de cette école – mais aussi d’autres – convergent en ce lieu pour assister aux prières et enseignements à l’ombre des arbres sacrés, et, pendant une semaine, les journées sont rythmées par les manifestations de dévotion, les méditations, les mantras et les prosternations de tous les pèlerins.

Étrange spectacle que celui de cet occidental en habit de moine et le torse couvert de tatouages en train de se prosterner sur une planche de bois pendant des heures ou de ces vieux Tibétains en habit traditionnel faisant, eux, le tour du temple au rythme lent d’une prosternation tous les deux mètres !!

Ma volonté de méditer étant mise à rude épreuve par l’intensité et l’effervescence qui se dégageaient du lieu, je me suis laissé bercer par l’ambiance, et, au cours de ma propre déambulation, mon regard a été attiré par une grande bannière et diverses affiches prônant le végétarisme et interpellant les bouddhistes sur la compassion !

Juste devant l’enceinte du Mahabodhi Temple, de grands panneaux montraient des photos de la souffrance animale causée par l’alimentation et l’habillement pendant qu’un haut-parleur diffusait des chants bouddhistes ou le discours d’un grand lama en faveur du végétarisme.

TVA-Tibetan-Stand54.jpgC’est ainsi que j’ai fait la connaissance des Volontaires tibétains pour les animaux (TVA), une association récente de jeunes Tibétains militant pour la cause végétarienne, l’écologie et l’environnement. Quelle surprise de voir ici ce que nous-mêmes réalisons diffi cilement en Occident, à savoir interpeller, faire réfl échir et faire prendre conscience de la nécessité d’un autre rapport avec les êtres vivants non humains !!

Devant mes yeux embués par l’émotion de voir ce qui se jouait là, un ballet incessant de moines du Bhoutan, du Ladakh, du Sikkim, du Népal, de vieux Tibétains, des pèlerins d’Asie et d’Occident, des touristes locaux indiens s’approchaient du stand, pointaient leurs doigts vers les photos, les commentaient, écoutaient silencieux et attentifs les propos retransmis par haut-parleur, demandaient de la documentation, questionnaient les volontaires et repartaient avec un CD ou un magazine après avoir déposé de l’argent dans l’urne.

Une journaliste occidentale travaillant pour un journal en Inde était là, et pendant quelques jours cette table est devenue notre lieu de rencontre et d’échanges !!

Cette association est née en 2000 sur l’initiative de Raspel Tsariwa, jeune Tibétain d’Inde, qui lors d’un voyage au Népal prit conscience des milliers d’ innocentes victimes tuées pour les sacrifices dans les temples hindous ou pour la consommation.

TVA-Tibetan-Banderolle54.jpgCette expérience éveilla en lui une profonde compassion envers les sans voix, humains et non humains et lors de son retour à Varanasi (Bénarès), il commença à prendre soin des animaux dans l’enceinte de son campus et des sans-domicile vivant à proximité.

Plus tard, quelques amis l’ont rejoint et ils ont encouragé les étudiants à s’impliquer dans les soins aux animaux et à participer en versant un peu d’argent. Petit à petit, ils se sont fait reconnaître et ont pu produire des documents écrits et des vidéos pour défendre leur cause.

Raspel a voyagé dans de nombreux lieux de rassemblement, de nombreuses écoles et monastères tibétains en Inde, expliquant à des milliers de personnes que les animaux avaient le droit de vivre et celui d’être traités avec respect et demandant aux Tibétains de prendre l’engagement, pour le reste de leur vie, de ne pas manger les animaux. Plus de 10 000 signatures furent recueillies et présentées au dalaï lama à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire le 6 juillet 2004.

Celui-ci, reconnaissant officiellement le bien-fondé des objectifs de TVA a souhaité les soutenir par le biais de donations de son bureau privé à Dharamsala. D’autres donateurs privés ou d’ordres monastiques ont permis à l’association d’éditer des publications. Raspel, qui a 29 ans, est totalement dévoué à cette cause et y consacre tout son temps. Sa petite équipe de six militants et lui voyagent à travers tout le pays pour encourager les Tibétains mais aussi les Indiens à vivre la compassion aussi envers les animaux.

Il n’est pas complètement végétalien, car les vaches ne sont pas dans un système d’exploitation comme en Occident, mais refuse néanmoins de porter du cuir, de la soie ou de manger du miel. De plus, il est très sensible à l’écologie, à la protection de l’environnement et à la santé.

Pratiquant lui-même, il a choisi d’interpeller ses pairs, car pour lui la compassion, base essentielle du bouddhisme, passe par le végétarisme. S’il est vrai que dans leur pays il était difficile aux Tibétains d’être végétariens compte tenu des conditions climatiques et du manque de légumes, de nos jours les Tibétains vivant en Inde peuvent se nourrir différemment et n’ont plus aucune raison de le faire « sur le dos » des animaux ! Raspel, bien conscient que les changements dans la communauté passeront par la jeune génération, se rend dans de nombreuses écoles où il sensibilise les lycéens avec succès.

TVA, en plus de sa mission d’information et de prise de conscience, s’est donné pour objectif d’acheter un minibus afin de le transformer en centre de soin pour tous les animaux des rues et espère pouvoir y parvenir en 2007.

Le temps passé auprès d’eux et l’accueil qu’ils ont reçu de la part des pèlerins m’ont fait rêver : une chose semblable serait-elle concevable à la sortie de nos églises, à Lourdes ou dans d’autres villes saintes de différentes confessions ?

Bien sûr, il y a encore une contradiction au sujet du végétarisme, puisque, si pour les lamas et moines la compassion, la possibilité d’éveil de tous les êtres, le souhait de ne pas tuer et le principe de non-violence font partie des fondements du bouddhisme, il n’en demeure pas moins qu’en pratique de nombreux bouddhistes n’ont pas renoncé à consommer les animaux et que de la viande est encore servie dans les monastères. Alors oui est évoquée l’idée que l’on doit faire un certain nombre de prières et de rituels pour l’animal que l’on va consommer ; mais, pour moi, cela ne constitue qu’une sorte de « pirouette » afi n de se dédouaner de la difficulté à se défaire de cette tendance et à réfl échir sur la contradiction qu’elle renferme. Cela me rappelle la nécessité de ne suivre un maître que s’il peut incarner dans la vie de tous les jours les enseignements dispensés !

Mais peut-être les Tibétains, au travers de leur exil et malgré les difficultés liées à celui-ci, seront-ils en mesure, grâce à la nouvelle génération et aux actions de sensibilisation de volontaires comme TVA, de modifier leur comportement et de montrer aux autres communautés qui se réclament de la même spiritualité la direction sur le chemin.

C’est le vœu que je fais !

Puisse l’enceinte du Mahabodhi Temple, comme je l’ai vu marqué sur de grandes bannières, devenir un lieu symbolique de compassion, et puissent tous les pèlerins choisir, en n’y consommant pas d’animaux, d’en faire un lieu végétarien ! À ce moment là, nul doute que l’énergie fantastique qui se dégage du lieu sera comme un souffle d’espoir porteur de milliers de graines à travers le monde pour contribuer à soulager la souffrance de tous les êtres.

Pour découvrir l’association TVA : www.freeanimal.org

Article paru dans le Journal Alliance Végétarienne n° 88 – Juin 2007


Un reportage de Maïté Arsouze, déléguée AVF, en déplacement en Inde

Source : www.vegetarisme.fr

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