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USA – Le Bouddhisme et le Mal

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LE BOUDDHISME ET LE MAL [[Traduit de l’Anglais par Hélène LE, pour www.buddhachannel.tv ]]


26.07.2008

mara-daughters3.jpgLos Angeles, USA – Le mal est un mot que beaucoup utilisent sans penser profondément à ce qu’il signifie. J’aimerais comparer des idées communes concernant le mal, aux enseignements bouddhistes sur le mal, pour ne rien d’autre que faciliter une pensée plus profonde sur le mal.

D’abord, un qualificatif : C’est un sujet avec lequel je lutte depuis quelque temps, et ma compréhension continue d’évoluer. Cet essai est un instantané de ce qu’est en ce moment ma compréhension, une sagesse imparfaite. Si vous avez d’autres perspectives que vous aimeriez partager, je vous encourage à visiter les forums de bouddhisme et à laisser un message.

Penser au mal

Au cours des années, j’ai observé que les gens parlaient et pensaient au mal de manières différentes, parfois conflictuelles. Deux des plus communes pensées étant :

Le mal en tant que caractéristique intrinsèque. Il est commun de penser au mal comme une caractéristique intrinsèque de certaines personnes ou certains groupes. En d’autres termes, des gens seraient mauvais. Le mal est une qualité inhérente à leur être.

Le mal en tant que force externe. De ce point de vue, le mal est tapi dans les environs et infecte ou séduit les imprudents et les pousse à commettre de mauvaises choses. Parfois le mal est personnifié comme Satan ou comme autre caractère de la littérature religieuse.

Comme je l’ai dit, il s’agit d’idées communes et populaires. Vous trouverez des idées beaucoup plus profondes et plus diversifiées au sujet du mal, dans beaucoup de philosophies et théologies, orientales et occidentales. Mais pour ce qui concerne cet essai, je veux me concentrer sur les enseignements bouddhistes et expliquer pourquoi le bouddhisme rejette ces deux façons de penser communes, au sujet du mal. Traitons les une par une.

Le mal comme caractéristique

L’acte de catégoriser l’humanité dans le « bien » et le « mal » porte en lui un piège terrible. Lorsqu’on pense que d’autres sont mauvais, il devient alors possible de justifier qu’on leur fasse du mal. Et dans cette manière de penser, reposent les graines du mal véritable.

L’histoire de l’homme est complètement saturée par la violence et l’atrocité commises au nom du « bien », à l’encontre de personnes classées dans la catégorie du « mal ». J’ose dire que la plupart des horreurs de masse que l’humanité s’est elle-même infligée, a découlé de ce genre de pensée. Les gens enivrés de leur propre pharisaïsme ou qui croient en leur propre supériorité morale intrinsèque s’accordent trop facilement le droit de faire des choses terribles à ceux qu’ils détestent ou craignent.

Classer les gens dans des divisions et catégories séparées est très anti-Bouddhiste. L’enseignement du Bouddha des quatre nobles vérités, nous indique que la douleur est provoquée par l’avarice, ou la soif, mais également que cette avarice est enracinée dans l’illusion d’un soi isolé et séparé.

L’enseignement de l’origine interdépendante, qui indique que tout et chacun est un réseau d’interconnexion, et que chaque partie du réseau exprime et reflète chaque autre partie de ce réseau, est étroitement relié à cela.

Tout aussi étroitement lié : l’enseignement Mahayana du shunyata,  » vide ». Si nous sommes vides de l’être intrinsèque, comment pouvons-nous être intrinsèquement quelque chose ? Il n’y a pas de soi sur qui puissent se greffer des qualités intrinsèques.

Pour cette raison, on conseille fortement au bouddhiste de ne pas tomber dans l’habitude de penser à lui-même et aux autres comme étant intrinsèquement bons ou mauvais. Au final, il y a juste l’action et la réaction ; la cause et l’effet. Et ceci nous porte au karma, sur lequel je reviendrai sous peu.

Le mal comme force externe

Quelques religions enseignent que le mal est une force en dehors de nous-mêmes qui nous séduit dans le péché. On pense parfois de cette force qu’elle est produite par Satan ou d’autres démons. Les fidèles sont encouragés à chercher la force en dehors d’eux-mêmes pour combattre le mal, en regardant vers Dieu.

L’enseignement de Bouddha n’a pas pu être plus différent–

 » Par soi-même en effet, le mal est fait ; par soi-même on se souille. Par soi-même le mal est défait ; par soi-même en effet, on est purifié. La pureté et l’impureté dépendent de soi-même. Personne ne purifie une autre personne. » (Dhammapada, chapitre 12, vers 165)

Le bouddhisme nous enseigne que le mal est notre création, et non quelque chose que nous sommes ou une quelconque force qui nous infecte.

Le Karma

Le mot karma, comme le mot mal, est souvent utilisé sans aucune compréhension. Le karma n’est pas le destin, ni un quelconque système de justice cosmique. En bouddhisme, il n’y a pas de dieu qui dirige le karma pour récompenser certains et punir d’autres. C’est juste la cause et l’effet.

L’érudit du théravada Walpola Rahula a écrit dans Ce que le Bouddha a enseigné,

« Aujourd’hui, le mot Pali kamma ou le mot sanskrit karma (de la racine Kr faire) signifie littéralement « action », « faire ». Mais dans la théorie bouddhiste du karma, il a une signification spécifique : il signifie seulement « action volitionnel », et non toute action. Il ne signifie pas non plus le résultat du karma comme beaucoup le pensent et l’emploient de manière erronée. Dans la terminologie bouddhiste le karma ne signifie jamais son effet ; son effet est connu comme le « fruit » ; ou le « résultat » du karma (kamma-phala ou kamma-vipaka). »

Nous créons le karma par des actes intentionnels du corps, du discours, et de l’esprit. Seuls les actes purs de désire, de haine et d’illusion ne produisent pas de karma.

De plus, nous sommes affectés par le karma que nous créons, qui peut sembler une récompense et une punition, mais nous nous  » récompensons » ; et « punissons » nous-mêmes. Comme l’a dit un enseignant zen par le passé :  » Ce que vous faites est ce qui vous arrive. » Le karma n’est pas une force cachée ou mystérieuse. Une fois que vous comprenez ce qu’il est, vous pouvez l’observer en action pour vous-même.

Ne vous scindez pas vous-mêmes

D’un autre côté — il est important de comprendre que le karma n’est pas la seule force à l’œuvre dans le monde, et que des choses terribles arrivent vraiment à de bonnes personnes.

Pour exemple, lorsqu’une catastrophe naturelle frappe une communauté et cause mort et destruction, on spécule souvent que les personnes blessées par le désastre ont souffert d’un « mauvais karma », ou bien que (un monothéiste pourrait le dire) Dieu doit être en train de les punir. Ce n’est pas une manière habile d’aborder le karma.

Dans le bouddhisme, il n’y a aucun Dieu ou agent surnaturel qui récompense ou punit. De plus, comme je l’ai dit, des forces autres que le karma créent beaucoup de conditions nocives. Lorsqu’une chose terrible frappe d’autres, ne haussez pas l’épaule en suggérant qu’ils ont  » mérité » cela. Ce n’est pas ce qu’enseigne le bouddhisme. Et, en fin de compte, nous souffrons tous ensembles.

Kusala et Akusala

Concernant la création du karma, Bhikkhu P. A. Payutto a écrit dans son essai « Le Bien et le Mal dans le Bouddhisme » que les mots Pali correspondant au « bien » et au « mal,  » kusala et akusala, ne signifient pas ce à quoi font habituellement référence les anglophones par « bien » et « mal ». Il explique,

« Bien que kusala et akusala sont parfois traduits par « bien » et « mal », ceci peut être fallacieux. Des choses qui sont kusala ne peuvent toujours être considérées comme bonnes, alors que des choses peuvent être akusala sans être généralement considérées comme mauvaises. La dépression, la mélancolie, la paresse et la distraction, par exemple, bien qu’akusala, ne sont pas habituellement considérées comme « mauvaises » comme nous les connaissons en anglais. Dans la même veine, quelques formes de kusala, telles que le calme du corps et de l’esprit, peuvent ne pas aisément hériter de la compréhension générale du mot anglais « bien ». …

 » … Kusala peut être généralement traduit par « intelligent, habile, satisfait, salutaire, bon, » ou « ce qui enlève l’affliction. » Akusala est défini de la manière opposée, comme « inintelligent », « malhabile » et ainsi de suite ».

Je vous invite à lire tout cet essai pour une compréhension plus profonde. L’aspect important est que dans le bouddhisme, le « bien » et le « mal » concernent moins les jugements moraux qu’ils ne concernent, très simplement, ce que vous faites et les effets causés par ce que vous faites.

Regardez plus en profondeur

Cet essai donne la plus nue des introductions à plusieurs sujets difficiles, tels que les Quatre Vérités, shunyata et le karma. Si une des choses que j’ai écrites n’avait pour vous aucun sens, veuillez ne pas rejeter l’enseignement du Bouddha sans davantage d’analyse.

J’espère que vous penserez à la façon dont vous conceptualisez le mal. Je vous encourage également à lire ce discours du dharma sur le « mal » dans le bouddhisme par le professeur Taigen Leighton du Zen. Il s’agit d’un discours riche et pénétrant à l’origine donné un mois après les attaques du 11 septembre. En voici juste un extrait :

« Je ne pense pas qu’il soit utile de penser aux forces du mal et aux forces du bien. Il y a de bonnes forces dans le monde, des gens intéressés par la bonté, comme la réponse des pompiers, et toutes les personnes qui ont fait des donations aux fonds d’aide aux personnes affectées.

« La pratique, notre réalité, notre vie, notre entrain, notre non-entrain, est juste de prêter attention et faire ce que nous pouvons, pour répondre comme nous nous sentons de le faire dans l’immédiat, comme dans l’exemple que Janine a donné d’être positif et de ne pas tomber dans la crainte de cette situation. Ce n’est pas ce quelqu’un là haut, ou les lois de l’univers, ou ce que vous voulez , qui vont tout faire marcher. Le karma et les préceptes, c’est prendre la responsabilité de vous asseoir sur votre coussin, et d’exprimer cela dans votre vie de la manière dont vous le pouvez, de n’importe quelle manière positive. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons accomplir en nous fondant sur une campagne contre le mal.

Nous ne pouvons pas exactement savoir si nous faisons bien. Pouvons nous, nous disposer à ne pas savoir ce qui est la bonne chose à faire, pour seulement prêter réellement attention à ce que nous ressentons, en ce moment, en répondant, en faisant ce que nous pensons être le meilleur, en continuant de prêter attention à ce que nous faisons, en restant droit au milieu de toute la confusion ? C’est je pense, de cette manière que nous devons répondre en tant que pays. C’est une situation difficile. Et nous sommes tous en lutte avec tout cela, individuellement et en tant que pays. »


Par Barbara O’Brien

Source : About.com:Buddhism

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