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Le Psychanalyste et le Bouddha

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Le psychanalyste et le Bouddha

psy_bouddha.jpg Pierre Pelletier
Broché
Paru le : 01/10/2008
Editeur : Liber
Collection : Voix psychanalytiques
ISBN : 978-2-89578-151-6
EAN : 9782895781516
Nb. de pages : 190 pages
Poids : 280 g
Dimensions : 14cm x 23cm x 1,4cm



Pierre Pelletier a été dominicain, professeur de philosophie, puis psychanalyste freudien.

Un second souffle spirituel le conduira à Esalen, en Californie, au yoga, dans divers monastères bouddhistes, et, finalement, aux bouddhismes tibétain et zen.

Il raconte ici ce parcours et sa recherche d’une voie bouddhique intégrant psychanalyse, modernité et esprit scientifique.

Il a d’ailleurs publié plusieurs ouvrages :

Un souffle de silence.

Méditation bouddhique, esprit chrétien;

Folies ou thérapies ?

Regard clinique sur les nouvelles religions;

Les thérapies transpersonnelles;

Le nectar et le poison.

Les gourous et les maîtres) où s’entrelacent psychanalyse, tradition chrétienne et sagesse bouddhique, et contribue régulièrement à Synodies, une publication française d’orientation transpersonnelle, ainsi qu’au site www. contrepointphilosophique. ch, dont le siège est à Lausanne.

COMMENTAIRE – REACTION

LOUIS CORNELLIER

Essais québécois –

Du Christ au Bouddha, en passant par Freud

Tous les chemins, finalement, ne mènent pas à Rome. Le parcours à la fois fascinant et déconcertant de Pierre Pelletier, qu’il raconte dans Le Psychanalyste et le Bouddha. Itinéraire spirituel, en constitue une preuve concrète.

Élevé dans le Québec catholique des années 1930-40, le jeune Montréalais choisit d’abord de se faire prêtre chez les dominicains. Il baigne alors dans un thomiste empreint de «naïveté médiévale», mais néanmoins riche sur le plan philosophique. Ayant hérité de l’anticléricalisme de son père, Pelletier apprécie particulièrement l’enseignement audacieux de Jean-Paul Audet, selon lequel «la vie chrétienne ne se caractérise pas par le merveilleux, le miraculeux, l’exceptionnel, le sublime, ni par des structures ou des dogmes permanents, intouchables (sacrés), mais plutôt par une vitalité sans cesse nourrie aux Écritures d’une part et aux besoins de la fragile vie humaine d’autre part».

Fort de cette leçon plutôt stimulante, Pelletier, à son tour, enseignera la philosophie, au Portugal, pendant cinq ans. Quelque chose, là, se brise en lui. Le «fascisme catholique» qui règne en ce pays lui fait perdre confiance en l’institution. Il se dirige vers Paris pour rédiger une thèse de doctorat sur «l’interprétation freudienne de la religion», sous la direction de Paul Ricoeur, un homme extraordinaire, dit-il, contrairement à l’élitiste Gadamer qui affirmait alors, en classe, que «le philosophe n’a rien à faire de ce qui se passe dans la rue».

Plongé, pour les fins de sa thèse, dans une psychanalyse et devenu «allergique à tout ce qui était religieux», Pelletier adhère de plus en plus à la thèse de Freud selon laquelle la religion est une «névrose obsessionnelle», même s’il insiste sur la nécessité de «maintenir la distinction entre la psychanalyse et l’opinion et les hypothèses de Freud sur la religion».

Revenu au Québec, Pelletier pratiquera la psychanalyse, mais sans abandonner sa quête spirituelle. Elle le mènera à Big Sur, en Californie, «la Mecque de la contre-culture, dans le domaine psychologique et spirituel». Il reprend contact avec son corps et ses émotions et entretient sa fascination pour les spiritualités dites alternatives. Invité, au début des années 1980, à faire partie du conseil d’administration du centre d’information sur les nouvelles religions, Pelletier prend son rôle très à coeur puisqu’il en expérimente plusieurs.

Le bouddhisme, qu’il fréquente d’abord en dilettante, finira par le séduire. Le captivant récit de cette initiation, qui se transformera en adhésion, décoiffe. Fasciné par les enseignements tibétains d’un certain Chögyam Trungpa, un ex-moine en exil qui boit comme un trou, couche avec ses étudiantes, est marié à une très jeune femme et finira par mourir du sida après l’avoir transmis à un étudiant, Pelletier multiplie les «retraites» bouddhistes et se plie au devoir d’«obéissance inconditionnelle au gourou», sous prétexte que le jeu en vaut la chandelle «pour pénétrer les enseignements profonds» qui parlent d’insatisfaction, de souffrance et de compassion.

Capable d’esprit critique à certains égards — il insiste sur la nécessité de l’inculturation du bouddhisme dans la société contemporaine, nuance le concept de karma et conteste le dogmatisme de certains néoconvertis –, Pelletier mentionne néanmoins que les récits «qui décrivent ces lamas résistant à des températures polaires, pouvant sortir les organes digestifs de leur corps ou courir à des vitesses vertigineuses» sont des «phénomènes […] avérés». Il redit aussi à quelques reprises qu’il a «choisi de supporter et de dépasser les aspects idolâtriques de la dévotion au maître pour y voir le guide perspicace dans une voie spirituelle toujours semée d’illusions et d’embûches». Il affirme, d’ailleurs, que cette idée de confiance totale envers le gourou repose «sur une foi […] analogue à celle du psychanalyste débutant envers Freud et son psychanalyste»…

Pelletier, pourtant, insiste. «Je n’ai pas quitté, écrit-il, un dogmatisme pour en épouser un autre.» Or, selon lui, la psychanalyse, sur le plan organisationnel, fo5nctionne comme une Église (les pages qu’il consacre à Lacan le montrent bien) et l’Église catholique, quant à elle, serait «porteuse d’une mentalité qu’il faut bien qualifier de fasciste». Le bouddhisme, malgré tout, souvent animé par des «maîtres spirituels [qui] n’ont pas l’expérience de ce qu’est un État de droit, où la loi est au-dessus des personnes», et qui exigent «une obéissance inconditionnelle», a droit, sous sa plume, à presque toutes les complaisances.

Sans porter de jugement inique sur une tradition orientale que l’on connaît mal, on peut au moins regretter, en lisant cela, que Pelletier ait tourné le dos aux enseignements de Jean-Paul Audet. «Dans cette théologie, écrit-il, la première place revient à Dieu, créateur et père, question plutôt que réponse, qui a fait l’homme bon et qui, avant de lui donner la vie éternelle, lui offre sur terre quantité de bonnes choses: amour, enfants, famille, fraternité, lait, miel, montagnes et sources, légumes et fruits. La vie humaine est d’abord le juste partage de ces biens reçus de Dieu.»

Comment Pelletier a-t-il pu laisser cinq années de fascisme catholique portugais anéantir cette leçon? Comment expliquer que les dérives des élites bouddhiques ne lui inspirent que quelques soupirs alors que celles d’un catholicisme dévoyé l’incitent à crier au fascisme? Allons même plus loin.

Il a existé et il existe encore des sociétés chrétiennes injustes, mais celles qui sont les plus justes sont aussi, presque toujours, de tradition chrétienne. Qu’en est-il, à cet égard, du bilan du bouddhisme?

«Cheminer dans la voie bouddhique, conclut Pelletier, ce n’est pas cesser d’être occidental, d’être pour la démocratie et la liberté, et de valoriser la science. C’est cependant être occidental avec un bémol […]» Or ce nécessaire bémol, qui s’appelle l’esprit critique, constitue précisément l’honneur de la tradition occidentale. En le présentant comme un apport du bouddhisme, Pelletier, un peu freak sur les bords, divague.


Louis Cornellier
Source Ledevoir.com

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