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Chine, Russie, Pakistan – Les phénomènes extrêmes seront plus fréquents

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12.08.2010

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Le réchauffement de la planète est-il devenu une réalité ? Des phénomènes climatiques exceptionnels bousculent des pays entiers. En Russie, une canicule inédite a favorisé des incendies majeurs, le Pakistan est dévasté par des pluies diluviennes et au Groënland, c’est un gigantesque morceau de banquise qui a pris le large. Pour Jean-Pascal van Ypersele, vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) et chercheur à l’Université catholique de Louvain, ces phénomènes climatiques extrêmes sont en accord avec les prévisions du GIEC sans toutefois pouvoir être reliés avec certitude au réchauffement de la planète.

Comment analysez-vous ces phénomènes climatiques exceptionnels ?

J’ai, gravées dans ma mémoire, les conclusions du dernier rapport du GIEC que nous avons publié en 2007. Je constate que nous avions insisté sur le fait que, dans un monde qui se réchauffe, il était très probable d’observer davantage de vagues de chaleur et d’inondations.

Toutefois, le climat se définit comme une moyenne des données météorologiques sur trente ans. Un été est donc bien trop court pour le juger. Je m’exprime avec nuance et ne peux dire avec certitude que ces phénomènes climatiques et le réchauffement de la planète sont liés. Il faut rester scientifiquement raisonnable.

Pourrait-il s’agir d’événements ponctuels ?

Le GIEC ne peut pas affirmer que la vague de chaleur en Russie ou les inondations au Pakistan n’auraient pas eu lieu il y a 200 ans, avant la révolution industrielle [période à partir de laquelle l’homme a commencé à rejeter de grandes quantités de gaz à effet de serre]. On ne peut pas exclure que ces phénomènes soient totalement naturels. Il existe une petite probabilité pour qu’il en soit ainsi ; nous sommes bien incapables de la quantifier.

Le GIEC s’est exprimé très clairement sur le caractère anthropique du réchauffement de la planète et sur ses conséquences possibles, mais il ne faut pas oublier que l’on reste dans le domaine des statistiques. Il est donc délicat de commenter un événement en particulier. Il est difficile, voire impossible, d’attribuer avec certitude un rôle au réchauffement climatique dans ces événements.

Comment le réchauffement de la planète peut-il induire ces catastrophes ?

Cela dépend des phénomènes que l’on considère. Dans un climat qui, en moyenne, se réchauffe, le nombre d’événements froids diminue quand celui d’événements chauds augmente. En conséquence, la probabilité qu’il y ait des vagues de chaleur augmente.

Parallèlement, le réchauffement induit une augmentation de l’évaporation de l’eau présente à la surface de la planète. Il y a donc davantage d’eau dans l’atmosphère. Quand les conditions sont réunies pour que la pluie tombe, elle tombera en plus grande quantité. Dans le cas du Pakistan, il y a de grandes chances pour que ce phénomène ait joué un rôle.

Un deuxième facteur a pu également jouer. Pour que l’eau se condense et tombe sous forme de pluie, il faut qu’elle soit refroidie. Le plus efficace pour abaisser sa température est de la faire monter dans l’atmosphère, car plus on monte, plus il fait froid. Or on observe en ce moment une position anormale du « jet stream » [un puissant courant d’air qui circule d’ouest en est à une dizaine de kilomètres d’altitude] qui a pu modifier l’intensité et la localisation des pluies. Cette position du « jet stream » est-elle liée au climat qui se réchauffe ? Il faudra plusieurs mois d’analyse pour l’affirmer avec plus de certitude.

La recrudescence d’événements climatiques de ce type poussera-t-elle les dirigeants de la planète à agir davantage pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ?

Il existe aujourd’hui suffisamment de données scientifiques fiables pour que des décisions politiques ambitieuses soient prises. Nous avons une très grande variété de modèles climatiques perfectionnés. L’ensemble de ces modèles montrent la même chose : ces phénomènes extrêmes seront plus fréquents ou plus intenses. On n’a pas besoin de données supplémentaires pour agir. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’a plus besoin de faire de la recherche !

Les populations risquent d’être de plus en plus souvent confrontées à des problèmes climatiques de ce type. Elles se souviendront alors du discours des scientifiques ; leurs dirigeants ne pourront plus leur raconter n’importe quoi. Ils ne resteront pas en place car les populations seront conscientes que notre mode de vie doit changer.

Le GIEC a été très critiqué ces derniers mois sur ses conclusions et ses méthodes. Ces critiques ont-elles changé votre manière de travailler ?

Les conclusions principales du GIEC – caractère anthropique du réchauffement, conséquences d’ores et déjà visibles et plus intenses à l’avenir, solutions pour limiter le réchauffement, etc. – n’ont jamais été remises en cause sérieusement. Moi-même et l’ensemble du GIEC sommes restés très sereins. A juste titre, quelques erreurs ont été relevées dans le quatrième rapport [sur la fonte des glaciers dans l’Himalaya]. Elles ont été corrigées et n’ont pas remis en cause ses conclusions principales.

Nous sommes en train de travailler au cinquième rapport du GIEC. Nous allons faire en sorte de profiter de la formidable énergie des blogs et des internautes pour diminuer les risques d’erreur. Ce cinquième rapport sera meilleur que les précédents !


Source: Le Monde

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