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L’esprit scout, un chemin de foi

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Comment expliquer le succès constant du scoutisme en France, toutes confessions et tous mouvements confondus ? Sans doute parce qu’en ces temps d’incertitude et de crise des valeurs, l’école de vie instituée il y a un peu plus de 100 ans par Robert Baden-Powell continue d’offrir aux jeunes la possibilité de nouer des amitiés solides, de se construire en prenant des responsabilités et de devenir des adultes épanouis. Mais cela ne suffit pas à justifier un tel engouement.

Dans une société paradoxalement très sécularisée, la dimension spirituelle est souvent invoquée par les parents et les jeunes eux-mêmes pour expliquer leur attachement au scoutisme : « Le “temps spi” est quelque chose que j’attends toujours avec impatience », témoigne ainsi Pierre Bitaud, scout protestant de 18 ans.

Pour ce membre des Éclaireuses et éclaireurs unionistes de France, « faire du scoutisme sans spiritualité, c’est comme faire du sport sans se fatiguer », autrement dit passer à côté de quelque chose d’essentiel. À travers les moments de partage et les méditations bibliques, il s’agit moins « de marteler la foi » – certains de ses amis sont peu pratiquants – que « d’adhérer à des valeurs, de poser des références pour savoir où l’on va ».

Une conviction qui, d’évidence, traverse les différentes familles scoutes avec la même acuité : « En camp, toute la journée est orientée vers la vie religieuse, explique Benjamin Boukris, 22 ans, éclaireur israélite de France. Office le matin, prière avant et après le repas… Cela nous permet de prendre un recul qu’on ne peut pas avoir chez soi, de faire le lien entre la nature et son créateur, bref de mieux vivre sa spiritualité. »

Chez les catholiques aussi, la foi reste un ingrédient indispensable, voire le cœur même de la proposition scoute. Chacun avec leur sensibilité, les trois principaux mouvements français (lire les repères) cultivent des liens étroits avec l’Église : prière quotidienne, présence d’aumôniers et messe dominicale lors des camps d’été…

Sans tomber dans le syncrétisme, on peut donc affirmer que le scoutisme, par-delà ses déclinaisons confessionnelles, est une activité éminemment spirituelle. « Toutes les spiritualités partagent un même fond, mais chacune a sa propre façon de l’exprimer » , résume Lama Cheudroup, vice-président des Éclaireurs de la nature (EDLN), branche bouddhiste apparue sur l’arbre scout il y a deux ans. « Notre but n’est pas de faire du catéchisme aux enfants, mais de leur permettre de s’épanouir tout en respectant leur cheminement. En cela, la démarche du scoutisme, qui se fonde sur l’expérience, rejoint parfaitement celle du bouddhisme », remarque-t-il.

Dans le manuel fondateur du scoutisme (Scouting for boys, paru en 1908), Baden-Powell avait lui-même insisté sur la nécessité de développer le « sens de Dieu » chez les jeunes. Et pour Benjamin Bitane, membre de l’équipe nationale des Éclaireuses et éclaireurs israélites de France, s’il y a un « socle commun » à tous les mouvements, c’est bien cet « esprit scout », ouvert à la transcendance. Le 15 mai, ce « pur produit » du mouvement juif, comme il se définit lui-même, a pu participer à la Journée de la fraternité organisée par les Scouts et Guides de France à Paris : « Ce type d’initiative prouve que nous portons des valeurs communes, au-delà des clivages politiques ou religieux. Nous partageons une même quête, quelle que soit notre façon de la vivre, nos spécificités », estime-t-il. Chez les juifs, cette recherche s’exprime surtout dans « le partage de valeurs et la transmission d’un patrimoine, sans pour autant se situer en marge de la société », précise-t-il, soucieux de promouvoir un esprit d’ouverture.

C’est d’ailleurs une constante dans le scoutisme, comme le relève le P. Pierre Cabarat, aumônier national des Scouts unitaires de France : « L’esprit scout tourne toujours autour de la notion d’engagement. Il y a peu de lieux où les jeunes peuvent exercer une responsabilité, si petite soit-elle. Nous encourageons les plus âgés à se mettre au service de leur prochain, que ce soit à leur porte ou à l’autre bout du monde. » Selon lui, si le scoutisme se porte bien, c’est sans doute aussi parce qu’il permet de « passer le cap de l’adolescence, souvent délicat sur le plan de la foi. La pratique religieuse est proposée de façon très concrète, on ne sépare pas vie spirituelle et vie quotidienne, chaque situation est relue à la lumière de l’évangile », appuie-t-il.

Geoffroy Perrin-Willm, pasteur et membre de la commission Vie spirituelle des Éclaireurs unionistes de France, va même plus loin en affirmant qu’« un mouvement qui ne prendrait pas en compte la spiritualité ne serait pas vraiment scout » : « Même les mouvements laïques s’inscrivent dans une perspective humaniste, une quête de sens, remarque-t-il. Si l’on considère que la spiritualité est l’enveloppe de la foi, il y a certes des différences selon les religions. Mais on s’aperçoit aussi qu’on peut avoir des approches communes, comme cela se pratique par exemple au sein de la Fédération du scoutisme français ».

Du haut de ses 17 ans, Hajar Qotb, pionnière musulmane, confie ainsi avoir renforcé sa foi grâce au scoutisme. « Dès le premier camp, cela m’a rapprochée de la religion !, assure-t-elle. Nos rencontres avec les autres mouvements nous permettent aussi de mieux connaître la diversité des religions. À partir de cette connaissance, nous apprenons à nous comprendre et à nous respecter les uns les autres. Bien sûr, nos rites sont différents. Mais nous vivons selon les mêmes principes scouts, applicables quelles que soient les confessions : un art de vivre ensemble dans la fraternité, la solidarité et le soutien mutuel. Le scoutisme augmente notre soif de l’autre. »


Source: La Croix

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