Aimeriez-vous vous réincarner en chien ?
Richard Gere. Ni en chien ni en crapaud, en vache ou en serpent. Le monde des hommes n’est pas si mal.
Même si ce chien s’appelle Hatchi, comme celui de votre film, attachant, doué d’émotions et de sentiments…
Ce serait tentant. Nous avons plein de choses en commun. Hatchi, le mot gravé sur le collier du chien, signifie « huit » en japonais, un chiffre symbole de l’infini et de la quête du paradis.
Ce qu’en somme vous recherchez ?
Oui, mais Hatchi n’est pas un homme. Je n’ai pas voulu faire d’anthropomorphisme. Dans le film, même si Hatchi éprouve des sentiments et des émotions, il reste un chien. La preuve : connaissez-vous un homme ou une femme capable d’une telle fidélité ? Moi non ! Il n’y a qu’un chien pour être aussi loyal. C’est ce qui m’a touché dans cette histoire vraie. Le véritable Hachiko a vécu à Tokyo dans les années trente. Son maître était professeur à l’université de Tokyo. Il prenait chaque jour le train à la gare de Shibuya. Le chien l’y a attendu au-delà même de la mort de son maître. Aujourd’hui, Hatchi y a sa statue.
Alors, quelle sorte d’homme aimeriez-vous devenir après votre mort ?
Je ne veux pas devenir une sorte d’homme. Je serai le même. En mieux. La vie est comme l’eau d’un fleuve. C’est toujours de l’eau, mais elle change, elle est plus froide, plus chaude… Après ma mort, je serai différent car je serai devenu meilleur.
Comment ?
Grâce à la méditation. Je médite tous les jours quarante-cinq minutes. Et parfois davantage.
Combien de temps faut-il pour atteindre le nirvana ?
Je pratique le bouddhisme depuis trente ans, et je n’y suis pas encore. Il me faudra encore plusieurs vies pour l’atteindre.
Cela ressemble à quoi, le nirvana ?
À un état de plénitude. Vous ne ressentez plus de jalousie, de colère, de haine. Vous ne perdez plus votre énergie à survivre mais à faire le bien.
Comme le personnage de votre film. Un mari exemplaire, un père parfait, un professeur dévoué…
Ce film est plein de bonté. C’est un film sur l’attente, la signification de l’attente. Attendre, est-ce renoncer à la vie ou gagner en sagesse ? Hatchi est une métaphore des valeurs qu’enseigne le bouddhisme. Il raconte la vie qui passe. C’est un film à la Robert Bresson. L’histoire d’une vie simple comme la mienne.
Simple ? Vous êtes un sex-symbol, vous avez épousé les plus belles femmes du monde, vous êtes une star…
Vous mélangez tout. J’adore préparer les œufs brouillés du petit déjeuner. J’accompagne mon fils tous les matins à l’arrêt de bus. J’assiste à ses matchs de base-ball. Oui, je fais des films. Et alors ? Cela n’a rien d’extraordinaire pour moi. Les choses ne sont extraordinaires que pour ceux qui ne les ont pas encore faites.
Que faites-vous de votre argent ?
J’en donne une partie à la Gere Foundation qui oeuvre au Tibet où elle construit des écoles, des hôpitaux, des routes, des puits. Si on ne fait pas attention, la Chine risque de s’approprier toute l’eau qui vient de l’Himalaya.
Vous avez dit que vous étiez devenu bouddhiste car vous étiez malheureux…
Je cherchais à savoir pourquoi j’étais sur Terre. Je sentais que j’avais quelque chose à faire, mais je ne savais pas comment. Être bouddhiste m’a donné le sens des responsabilités vis-à-vis de moi-même et de la communauté des hommes.
Le bouddhisme n’est-il pas en opposition avec la culture américaine, fondée sur le combat, la réussite sociale et non sur la méditation et la prière ?
Le moine bouddhiste, comme l’Américain moyen, ressent de la jalousie, de la haine, de la colère, et tous deux, qu’ils vivent à New York ou dans un monastère de Lhassa, veulent se débarrasser de ces mauvaises ondes. (…)
Quand avez-vous rencontré le dalaï-lama pour la dernière fois ?
Il y a trois jours. Et je me suis fait gronder car je ne travaille pas assez !
Source: madame.lefigaro.fr