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Martin Perrier (ONF International) : « Pour protéger la forêt, il faut en sortir pour s’attaquer aux racines du mal »

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La forêt est au cœur des préoccupations environnementales – lutte contre le changement climatique et préservation de la biodiversité -.

Copenhague a marqué un engagement renforcé de la communauté internationale pour lutter contre la déforestation, notamment au travers de la mise en place de financement aux forêts tropicales à hauteur de 3,5 milliards d’euros pour les 3 prochaines années.

Martin Perrier, directeur de l’ONF International (Office national des forêts) fait le point sur les moyens de préserver la forêt en poursuivant le développement des pays du Sud.

Toutes les forêts sont-elles aussi efficaces contre le réchauffement climatique ?

« Cela dépend essentiellement des espèces et du type de sols. Les forêts tropicales ont un accroissement jusqu’à cinq fois plus fort que les forêts tempérées et boréales. L’âge d’une forêt est aussi à prendre en compte. Un massif jeune capte fortement le CO₂ lors de sa croissance.

Les forêts primaires ou matures ont emmagasiné d’énormes stocks de gaz à effet de serre au cours de leur longue vie – dans leurs parties aériennes mais aussi dans le sol – mais captent annuellement moins de CO₂. La déforestation représente ainsi 12 à 18 % des émissions de gaz à effet de serre stockées dans le sol.

Au-delà des controverses scientifiques résultant de la complexité des mécanismes en jeu et des échelles auxquels on observe les phénomènes, les forêts restent un outil efficace de lutte contre le changement climatique. »

Quelles sont les zones les plus sévèrement déforestées ?

« Selon les rapports de la FAO (Global Forest Resources Assessment), le Brésil, l’Indonésie, la Malaisie et le Cambodge sont parmi les plus touchés. Plus généralement, c’est toute la frange tropicale qui est menacée.

Les raisons de cette tragédie peuvent différer selon les bassins forestiers : extension de cultures intensives comme le palmier à huile, exploitation forestière non durable, prélèvement de bois de feu.

Les pressions exercées sur les milieux forestiers varient dans l’espace et dans le temps en fonction de la démographie, du contexte économique…

Faut-il imputer la chute spectaculaire de la déforestation dans le bassin amazonien à l’efficacité des politiques environnementales brésiliennes ou à la crise économique ? »

Copenhague a-t-il marqué de véritables avancées ?

« C’est un grand pas par rapport à Kyoto où la thématique forestière n’avait presque pas été abordée. C’est même, selon moi, le sujet qui a avancé le plus vite au cours de cette conférence des Nations-Unies sur le changement climatique.

A cette occasion, un fonds spécifique a été créé pour la conservation des forêts. Malgré tout, je ne pense pas qu’un financement puisse à lui seul freiner la déforestation.

Il faut d’abord des institutions forestières solides et une volonté politique forte pour faire respecter des réglementations. »

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Comment financer la reforestation ?

« La finance carbone (mécanismes de développement propre ou projets volontaires) est un outil auquel ont recours de plus en plus de projets de reforestation.

Elle n’intervient cependant que de façon minoritaire, comme un levier démultiplicateur de l’investissement. Les apports de la société civile et les aides au développement institutionnelles, en constante augmentation, restent la source la plus importante de financement.

Les enjeux restent d’améliorer le climat des affaires dans des pays où il est souvent dégradé, de trouver la bonne alchimie entre investissement privé et stimulation publique (aide, subvention, politique sectorielle) et une question de fond sur le renforcement de capacité à tous les niveaux. »

Quelles sont les solutions ?

« La solution ne se trouve souvent pas directement dans la forêt menacée. Pour protéger la forêt, il faut en sortir pour s’attaquer aux racines du mal : l’utilisation du bois-énergie dans les pays en développement, l’extension des terres agricoles et aussi les problèmes de gouvernance forestière.

Il faut proposer des alternatives énergétiques au bois extrait de façon non durable des forêts primaires, et densifier ou diversifier les activités agricoles pour permettre aux agriculteurs d’augmenter leurs revenus sans étendre les terres cultivées aux dépens des massifs forestiers. »

Replanter des arbres suffit-il à retrouver la biodiversité originelle ?

« En Amazonie sur le front de déforestation, l’ONF replante des espèces natives dans le cadre d’un mécénat d’entreprise avec Peugeot. Ce site nous permet d’expérimenter la restauration d’une zone déforestée tant du point de vue de la biodiversité végétale que des animaux.

La restauration de la biodiversité reste cependant un des points faibles des plantations. Sauvegarder les forêts originelles demeure donc essentiel pour la biodiversité. »

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Quelles alternatives proposer dans les pays du Sud ?

« Pour agir sur les effets, il faut remonter aux causes. La préservation des forêts et de sa biodiversité passe par le développement. Si le besoin immédiat est l’énergie-bois, rien ne sert de planter des arbres qui mettront 50 ans à croître.
Des forêts plantées avec des espèces à croissance rapide – pas forcément natives – comme l’eucalyptus ou l’acacia peuvent permettre d’épargner les forêts primaires.

Ces plantations sont en elles-mêmes pauvres en biodiversité mais elles limitent les prélèvements sur les forêts primaires. En République démocratique du Congo, près de Kinshasa, la population va de plus en plus loin pour chercher du combustible.

Une plantation d’acacias en agroforesterie avec une culture de manioc entre les arbres permet de mieux approvisionner la capitale en bois de chauffe et charbon.

Au Cambodge, nous développons de concert avec des agronomes des élevages plus intensifs et le maraîchage pour diversifier l’alimentation locale. La labellisation éthique et biologique est une autre piste pour dégager une plus-value pour les producteurs tout en épargnant la forêt. »

Propos recueillis par Olivier Moulergues

Source : http://www.toogezer.com

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