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Susokukan taiyô : « Les grandes lignes de la contemplation du compte des respirations »

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Dans ce texte intitulé « Les grandes lignes de la contemplation du compte des respirations » (Susokukan taiyô), Jiun Sonja (1718-1804), décrit brièvement la méditation sur la respiration telle qu’elle fut pratiquée pendant des siècles et encore aujourd’hui en Extrême-Orient. Cette méditation se divise en deux parties, d’abord, le décompte des respirations (jap. susoku), généralement de un à dix, que l’on suit pendant plusieurs mois ou plusieurs années, avant de s’exercer à l’attention à la respiration (jap. zuisoku), la deuxième phase de cette méditation.


La méditation sur la respiration (skt. ânâpâsmrti, jap. ampan) et la contemplation de l’impur (skt. ashuba-bhâvânâ, jap. fujôkan, où l’on visualise la décomposition d’un cadavre) furent parmi les premières méthodes de méditation utilisées en Chine. Elles ne sont pas reprises dans la tradition zen qui les rangent dans les techniques relevant du Petit Véhicule, néanmoins le décompte des respirations y est parfois utilisé comme technique préparatoire à la méditation elle-même (systématiquement dans le zen rinzai japonais).

Jiun Sonja
Jiun Sonja

Jiun Sonja, est l’une des grandes figures du bouddhisme japonais. Moine de la tradition shingon, il fonda le courant dit de « la discipline de la vraie loi » (jap. Shôbôritsu). Son oeuvre est essentiellement consacrée aux préceptes bouddhiques, au kesa (la robe bouddhique), et aux études sanskrites. Il étudia trois années le zen sôtô sous la direction du maître Daibai au temple de Shôanji, dans la province de Shinano.


Nous déconseillons de pratiquer la technique décrite par Jiun sans l’aide d’un enseignant qualifié.


Au printemps de l’année kanoe-saru [1], au temple d’Amidaji à Ukyô [2], pour la communauté, je parlais de la méthode de la contemplation d’ânâpâna [3]. A ce moment-là, Jôchi demanda qu’en soit fait un résumé écrit. Ceci répond à sa demande.


En donnant les deux méthodes d’ambroisie, le grand saint vénéré du monde [4] a secouru les quatre groupes de disciples [5]. La première est la méthode de la contemplation de l’impur [6] ; la seconde, la méthode de la contemplation du compte des respirations. Pour tout simplement couper court à la maladie du désir, la contemplation de l’impur est essentielle. Plus généralement, pour dompter toutes les passions, on s’exercera à la contemplation du compte des respirations. Le compte des respirations possède seize vertus extraordinaires. Tout d’abord, on assoira calmement l’esprit ; prenant soit le demi-lotus, soit le lotus complet, on arrangera convenablement sa posture. On connaîtra la phase de régression, la phase d’arrêt, la phase d’avancement et la phase de vérification. D’abord, on commence à compter de un jusqu’à dix. Avoir entre-temps des pensées dispersées correspond à la phase de régression. Par la honte et le repentir, on perséverera encore. Sans se disperser de un jusqu’à dix, demeurer toujours à l’aise dans l’assise correspond à la phase d’arrêt, mais une fois arrêté, il faut encore avancer. On compte deux comme s’il s’agissait d’un, on compte trois comme s’il s’agissait d’un. Si l’on parvient à compter jusqu’à quatre et cinq comme s’il s’agissait d’un, on sait que cette assise est paix et joie. On parviendra ensuite à prendre sept, huit, neuf et dix comme la première respiration. L’assise est parfaitement paisible, il s’agit de la phase d’arrêt dans la progression graduelle. A partir de ce moment là, on délaissera le compte des respirations pour pratiquer l’attention à la respiration. Lorsqu’on expire, on sait qu’on expire, lorsqu’on inspire, on sait qu’on inspire, on reconnaît pleinement toutes les respirations qu’elles soient longues ou courtes, rugueuses ou fines, profondes ou superficielles. C’est la phase d’avancement. Lorsque cette phase d’avancement s’unifie avec l’assise dans la tranquillité on atteindra une phase d’arrêt. Une fois arrêté, on ne s’arrête pas là mais on avance encore. Quelque chose apparaît, une vision ou une sensation. Dans la sensation, les sensations de légèreté, de lourdeur, de chaleur, de froideur s’élèvent à partir du parcours du souffle vital et emplissent tout le corps. Cette sensation est dû à la préservation du pouvoir de la concentration. Toutes les parties du corps sont unifiées avec la concentration. Dans la vision, on voit la couleur blanche comme origine. Le bleu, le jaune, le rouge, etc., s’élèvent à partir du parcours du souffle et emplissent tout le corps. Puis jusqu’à un dhanus, deux dhanus [7], un krosha [8], un yojana [9], une fois atteint la phase d’avancement, on dit qu’on voit le monde entier. Atteint la phase de vérification, on meurt ici, on naît là-bas, il est dit que tous obtiennent la liberté.


La méthode du compte des respirations se pratique des mois et des années durant et quand les pensées dispersées n’apparaissent plus on suit l’attention à la respiration. La longue se reconnaît par elle-même, la courte se reconnaît par elle-même, la rugueuse se reconnaît par elle-même, la fine se reconnaît par elle-même, les respirations chaude et froide se reconnaissent tout autant par elles-mêmes. A partir de là, on atteint une vision ou une sensation. En s’amplifiant, tout le corps s’en trouve empli, on éprouve cette sensation, cette règle de la quiétude apparaît. Lorsque l’intérieur et l’extérieur sont unifiés, le rayonnement respiratoire atteindra un hasta, deux hasta, quatre hasta [10], un krosha, un yojana. Il est dit qu’il remplit même jusqu’à la totalité du réel. Lorsque l’intérieur et l’extérieur sont harmonisés, un seul instant présent pénètre jusqu’aux confins du passé et du futur. Il est dit que l’on voit, que l’on ressent même l’ainsi-venu qui a réalisé l’éveil dans un passé immensément lointain.


Ci-dessus résumé.


Notes :

[1] 1800.

[2] Quartier de Kyôto.

[3] ânâpâna, skt. « expiration et inspiration », la méditation sur la respiration.

[4] Le Bouddha Shâkyamuni.

[5] Les moines, les moniales, les laïques hommes, les laïques femmes.

[6] La méditation sur la décomposition du corps humain.

[7] Unité de longueur indienne (environ 1,50 m).

[8] Unité de longueur indienne valant 2 000 dhanus.

[9] Unité de longueur indienne valant quatre krosha.

[10] Unité de longueur indienne valant 1/4 de dhanus.


Source : Jiun sonja hôgô shû, « Recueil des sermons du vénérable Jiun », Sammitsudô, Kyôto, pp. 344-345.


Traduit du japonais (bungo) par Eric Rommeluère. Version de mars 2006.


Ce texte vient de Un Zen Occidental


Cet article ne peut pas être reproduit en totalité ou en partie sans l’accord préalable de Un Zen Occidental

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