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Sho-Bo-Gen-Zo : Illumination zen pour danseurs et musiciens

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22.01.2010

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Le petit théâtre de Josef Nadj se pose au Théâtre de la Bastille, à Paris, jusqu’au 27 janvier. Modeste portique en bois, rideau bleu nuit, encadré par deux écrans translucides pour des dessins pointillistes, ce cadre contient les quatre interprètes du spectacle Sho-Bo-Gen-Zo. Deux danseurs (Cécile Loyer, Josef Nadj) se cognent à deux musiciens-compositeurs (la contrebassiste Joëlle Léandre et le saxophoniste Akosh Szelevényi). Et ça grince, couine, hurle, gratte, et plus vite, et plus fort, jusqu’à des stridences infernales.

En japonais, le titre signifie « la vraie loi trésor de l’œil ». Il flèche la direction plein est de la source d’inspiration du chorégraphe : le bouddhisme zen. A première vue, la voie du zen taillée au sabre par Josef Nadj, d’abord habillé en samouraï sans visage, n’a rien de paisible comme on pouvait éventuellement s’y attendre. Avancée chahutée, corps cassés, accidents de parcours, pluie de mikados et de pommes de pin, c’est à l’arrachée que nos quatre comparses attaquent le plateau.

Pendant que les musiciens font mugir leurs instruments – merveilleux corps-à-corps sonnant et percutant de Léandre avec sa contrebasse -, les danseurs se cabrent, transpercés par les sons. L’expérience musicale tendue donne lieu à une traque sans relâche des sensations du corps.

Le résultat de ce qui ressemble à une succession de seuils initiatiques atteint une forme d’illumination, proche peut-être de celle recherchée par les adeptes du zen. Lorsque Nadj et Loyer, figures jumelles toutes deux en costume noir, finissent exsangues sur deux chaises brinquebalantes, on mesure la traversée accomplie. Depuis leur première apparition, déguisés en figures archétypales (le samouraï pour l’un et l’onnagata, personnage féminin jouée par un travesti dans le théâtre traditionnel japonais, pour l’autre), jusqu’au tableau ultime figé dans des poses de couple, ils se sont vidés, ne laissant derrière eux que des enveloppes. On pourrait presque imaginer accrocher leurs peaux à un porte-manteau tant ils semblent partis ailleurs.

Les yeux fermés, presque révulsés, Nadj, qui débuta en 1987, dans ce même Théâtre de la Bastille, avec Canard pékinois, fait grimper le curseur du spectaculaire à son maximum. Sho-Bo-Gen-Zo fait d’ailleurs penser à l’un de ses spectacles-phares intitulé Sept peaux de rhinocéros (1988). Nadj y évoquait le souvenir de la danse macabre de son grand-père en train de faire ses adieux au monde, quelques semaines avant sa mort.

Plus que jamais, celui qui relit sa mémoire et celle de sa famille à travers chacune de ses pièces, indique le but précis de son activité : faire du plateau, espace magique de mutation, une expérience hors des limites et de l’ordinaire. Avec Sho-Bo-Gen-Zo, pièce de petit format, dont il a conçu la scénographie, le directeur du Centre chorégraphique d’Orléans, plasticien par ailleurs, charge encore la danse d’une mission existentielle : entre mise à l’épreuve et jouissance, donner sens à sa vie en la sublimant. Quelques minutes de pure présence par jour, déjà ça de pris…

Sho-Bo-Gen-Zo, de Josef Nadj. Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette, Paris 11e. Mo Bastille. Jusqu’au 27 janvier. Tous les jours à 21 heures ; le dimanche, à 17 heures. Relâche le 25 janvier. De 13 € à 22 €. Puis au Théâtre d’Orléans, les 17 et 18 mars, à 20 h 30. Sur le Web : Theatredorleans.fr. Tél. : 01-43-57-42-14.


Rosita Boisseau

Source : www.lemonde.fr

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