KITARO NISHIDA
le plus important des philosophes japonais du XXème siècle
Hier, j’ai cheminé pour Buddhachannel sur le « Chemin de philosophie »,
ce chemin que prit chaque jour Kitarō Nishida,
un itinéraire initiatique passant par différents temples bouddhiques.
Le philosophe ainsi en marchant clarifiait sa pensée.
Cheminant sur ses traces, je me posais la question :
« Est-ce réellement en marchant ou à travers l’écriture elle-même
que Nishida fut capable de proposer un nouveau mode de pensée ? »
Personne ne sait vraiment.
Mais en prenant ce chemin des temples et des cerisiers en fleurs,
j’étais convaincu que la marche a été déterminante, autant que Zazen,
pour transformer les fleurs du Bouddha en un « ikebana » philosophique.
Ce chemin est devenu une promenade incontournable pour les japonais
et pour les amoureux de Kyoto et de son identité culturelle.
Nishida est le premier penseur japonais à utiliser la philosophie occidentale,
depuis l’éclairage des traditions ancestrales d’Orient,
afin d’arriver à une philosophie japonaise.
Nishida pour cela a dû faire un travail titanesque pour dépasser la traduction classique.
Il dût développper des idées, des mots qui n’existaient pas dans la langue japonaise.
Son travail de traduction, de digestion, d’acclimatation de la pensée occidentale
est immense.
S’appuyant sur sa pratique de Zazen,
mais aussi sur sa connaissance de l’Amidisme, lié au Bouddha Amida et à la Terre Pure,
il cherche une philosophie propre au Japon et à la pensée des Japonais.
Nishida est difficile d’approche pour un japonais, non familiarisé avec la philosophie.
De même , un occidental ne peut comprendre les bases bouddhiques
qu’il ne développe pas, mais qui l’habitent réellement.
Ces bases sont là en filigramme,
comme les pas qu’il faisait chaque jour l’amenaient de temples en pagodes.
Nishida souhaitait une philosophie japonaise
en rupture avec le Bouddhisme, le Shintô et le Confucianisme.
Comme le dit Britta Stadelmann Boutry, dans sa thèse sur Nishida :
« L’idéal étant de combiner émotion et raison, Nishida considère que le peuple japonais et sa culture sont prédisposés à la mission de jeter un pont entre l’Orient et l’Occident, par-delà le fossé séparant les deux mondes. »
Plus loin, elle ajoute :
« La diffusion de la pensée de Nishida a pu être assurée par ses disciples, en particulier au travers du Zen, en posant la philosophie japonaise comme une « philosophie du rien » (par opposition à la philosophie de l’être). »
Une ombre à l’image de Nishida : son ultra-nationalisme fort contesté !
De Kyoto, belle et bonne journée à tous
Alain Delaporte-Digard
LA VIE DE KITARO NISHIDA
par Acynthe Tremblay
Nishida est né en 1870 à Unoke, près de la mer du Japon. Il est devenu professeur de lycée et d’université à Kanazawa après avoir terminé ses études à la faculté des lettres de l’université de Tôkyô. De 1910 à 1928, date de sa retraite, il a enseigné l’éthique et la science des religions à la faculté des lettres de l’université de Kyôto. Il est disparu en 1945, à Kamakura.
On peut diviser la philosophie de Nishida en trois périodes, suivant l’ordre de publication de ses livres.
La première période (1911-1926) s’ouvre avec l’Essai sur le bien. Ce livre a initié une philosophie originale, qui a en même temps marqué la fin de l’importation pure et simple de la philosophie occidentale qui avait caractérisé l’époque Meiji (1868-1912). Les autres livres (qualifiés d' »essais épistémologiques ») qui ont vu le jour au cours de cette période ont tendu non pas tant à poursuivre la philosophie religieuse amorcée dans l’Essai sur le bien qu’à mettre l’accent, déjà, sur la notion d’éveil à soi (jikaku). En somme, cette première période témoigne d’une longue confrontation de Nishida avec la philosophie occidentale qui a trouvé son aboutissement à partir de la seconde période de sa pensée (1926-1930).
Seconde période : l’essai charnière qui marque le passage à cette seconde période s’intitule Basho (lieu ou champ). Là, Nishida commence à effectuer le passage d’une analyse psychologique de l’expérience individuelle à la construction d’un imposant système philosophique, lequel est connu de nos jours sous le nom de « logique du basho ».
La troisième période (1930-1945), qui débute avec Les problèmes fondamentaux de la philosophie, est centrée sur le monde historique et met en œuvre une dialectique que Nishida qualifie d’absolue. Dès 1930, Nishida a été reconnu par ses contemporains comme le philosophe japonais le plus important. Encore aujourd’hui, l’interlocuteur incontournable de la philosophie japonaise demeure Nishida.
Actuellement, les recherches concernant la philosophie de Nishida tiennent une place importante au Japon. Cette philosophie a d’abord été perpétuée après la mort de Nishida par l' »école de Kyôto », dont faisaient partie les proches disciples de Nishida. Depuis vingt-cinq ans environ, se tient aussi à Kyôto le Groupe de recherches sur la philosophie de Nishida, qui s’applique à lire et à étudier en détails l’œuvre de cet auteur. En juin 2003 a eu lieu le premier Congrès sur la philosophie de Nishida, qui a réuni à Kyôto tous les chercheurs regroupés autour de Nishida, ainsi que de nombreux membres du public en général.
Dans l’ensemble du Japon, ces nombreux chercheurs ont produit des études et commentaires de Nishida qui se caractérisent par l’originalité et la diversité des approches. Des recherches comparatives et appliquées ont excédé le point de vue philosophique pour s’étendre aux domaines de la théologie, de la psychologie, de la psychiatrie, de la sociologie et de l’éthique, pour n’en mentionner que quelques-uns. Un point important qu’il faut aussi mentionner est que les recherches à propos de Nishida ne sont pas limitées au Japon. L’intérêt pour ce philosophe a grandi constamment au cours des dernières années, tant en Asie et en Europe qu’en Amérique du Nord. Il se caractérise, encore ici, par la diversité et l’originalité des approches. Bref, la philosophie de Nishida demeure un thème d’une grande actualité. Et tout laisse croire qu’elle continuera encore longtemps de susciter des débats fructueux.
Face aux diverses interprétations de la philosophie de Nishida au Japon et hors du Japon, mon entreprise de traduction peut sembler modeste. Mais j’estime qu’elle est très importante. Il arrive parfois que ces approches de Nishida entraînent une mésinterprétation de sa philosophie. D’où l’importance de revenir constamment aux textes originaux de Nishida et d’examiner avec soin les différences entre sa propre philosophie et la sienne. De plus, l’une des raisons pour lesquelles les recherches concernant Nishida ont progressé lentement en Amérique du Nord et en Europe est que des traductions précises de sa philosophie sont encore trop peu nombreuses. Le travail de traduction de son œuvre est indispensable pour susciter des lieux de discussion collective, pour placer sa philosophie au cœur des grands débats d’idées qui occupent la pensée contemporaine. Mon vœux le plus cher est que Nishida en vienne à occuper la place qui lui revient aux côtés des plus grands philosophes. C’est aussi que dans les bibliothèques et les librairies, les traductions de son œuvre quittent enfin les rayonnages de religions orientales où elles ont été cantonnées pour figurer enfin en bonne place dans les sections de philosophie.
http://www.japonline.com/jfra/eterv/tremblay.asp
Propos recueillis par Claude Leblanc
LA NOTION D’EXPERIENCE PURE
« Études sur le Bien » est le premier ouvrage de Nishida, qu’il écrivit à la fin de l’Ère Meiji. Cet ouvrage présente un système philosophique complet centré sur la notion d’expérience pure (jap.: junsui keiken). Nishida reprend en fait le concept d’expérience pure aux psychologues occidentaux du XIXe siècle tel que Wilhem Wundt ou encore William James. Mais s’il emprunte ce terme à la psychologie, c’est afin de le réinterpréter dans le cadre de la pensée Zen. Cependant, s’il est clairement influencé par sa pratique de cette forme de méditation, il n’en parle jamais explicitement dans son ouvrage: il ne cite aucun terme technique, ni aucun penseur, issu de cette secte du bouddhisme. Dans ce premier ouvrage, son projet semble être donc de tout reformuler dans le vocabulaire de la philosophie occidentale.
L’expérience pure est à la fois le départ de son ouvrage et le point vers lequel toutes les réflexions du philosophe nippon retournent. Il s’agit d’une expérience qui se situe avant toute différentiation entre le sujet et l’objet, avant toute pensée réflexive. Il s’agit d’une attention immédiate au réel tel qu’il est.
Source Wikipédia