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Soeur Ajahn Candasiri (UK) – Jésus à travers des Yeux bouddhistes

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JÉSUS A TRAVERS DES YEUX BOUDDHISTES [[Traduit de l’Anglais par Hélène LE, pour www.buddhachannel.tv ]]


14.07.2008

Ajahn Candasiri est une nonne doyenne au monastère bouddhiste d’Amaravati dans le Hertfordshire.

Hertfordshire, UK – Sa sainteté le Dalai Lama, s’adressant à une assistance avertie au Albert Hall en 1984, a instantanément unifié ses auditeurs par ce constat simple : « Tous les êtres veulent être heureux ; ils veulent éviter la douleur et la souffrance. »

dewdrop.jpgJ’ai été impressionné par sa capacité à toucher ce que nous partageons en tant qu’ êtres humains. Il a affirmé notre humanité commune, sans jamais en écarter les différences évidentes.

Invitée à analyser « Jésus à travers des yeux bouddhiste », J’avais imaginé que j’userais d’une approche « comparative et contrastante », plutôt qu’un essai d’école. J’ai grandi comme une chrétienne et me suis tournée vers le bouddhisme à la trentaine, j’ai donc naturellement eu une idée des deux traditions : celle avec laquelle j’ai grandi et dont je me suis détournée, et celle que j’ai adopté et continue à pratiquer. Mais après relecture de certaines histoires de l’Évangile, je voudrais encore rencontrer Jésus avec des yeux neufs, et analyser le fait que lui et le Bouddha, offraient en fait, les mêmes conseils, bien que les traditions du christianisme et du bouddhisme puissent en surface, sembler plutôt différentes.

Pour commencer – voici comment j’en suis venue à être nonne bouddhiste.

Après avoir tenté avec sincérité, d’aborder mon voyage chrétien, d’une manière significative dans le contexte de la vie quotidienne, j’avais atteint un point de lassitude et de désespoir profonds. J’étais lasse de toute cette complexité apparente ; le désespoir avait surgi car je ne parvenais pas à trouver une manière de travailler avec les états les moins utiles qui rampaient, non désirés, dans l’esprit : souci, jalousie, mauvaise humeur, et ainsi de suite, même les états positifs pouvaient tourner en rond et se muer en fierté ou vanité, qui étaient bien sûr tout autant non désirés.

Par la suite, j’ai rencontré Ajahn Sumedho, un moine bouddhiste natif d’Amérique, tout juste arrivé en Angleterre après une formation de dix ans en Thaïlande. Son professeur était Ajahn Chah, un moine thaïlandais de la tradition de la forêt qui, malgré peu d’enseignement conventionnel, a gagné les cœurs de milliers de personnes, dont un grand nombre d’occidentaux. J’ai assisté à une retraite de dix jours au centre bouddhiste d’Oakenholt, près d’Oxford, et me suis assise à l’agonie, sur une natte, à même le plancher du hall de méditation traversé de courants d’air, avec environ 40 autres retraitants de différentes formes et tailles. Devant nous, Ajahn Sumedho, qui présentait ses enseignements et nous guidaient dans la méditation, avec trois autres moines.

C’était un tournant pour moi. Bien que l’expérience entière a été extrêmement dure – physiquement et émotionnellement – je me suis sentie énormément encouragée. Les enseignements étaient présentés de manière merveilleusement accessible, et semblaient juste sortis du bon sens commun. Cela ne m’était pas venu à l’esprit qu’il s’agissait de « bouddhisme ». En outre, ils étaient immensément pratiques et comme pour le prouver, nous avions, directement devant nous, des professionnels – des gens qui avaient pris des engagements pour les vivre vingt-quatre heures par jour. J’ai été totalement fascinée par ces moines : par leurs robes longues et leurs têtes rasées, et par ce que j’avais entendu de leur vie de renonciation, assortie de ses 227 règles de formation. J’ai également vu qu’ils étaient détendus et heureux – peut-être la chose la plus remarquable, et à la fois légèrement déconcertante chez eux.

Je me suis sentie profondément happée par les enseignements, et par la vérité qu’ ils indiquaient : La reconnaissance que, oui, cette vie est en soi insuffisante, nous éprouvons souffrance ou maladie – mais qu’il existe une voie capable de nous mener à l’extinction de cette douleur. En outre, bien que l’idée m’a été tout à fait choquante, j’y ai vu le réveil de l’intérêt à faire partie d’une communauté monastique.

Maintenant, après plus de vingt ans passés en tant que nonne bouddhiste, qu’est-ce que je trouve lorsque je vais à la rencontre de Jésus à travers les histoires de l’Évangile ?

Et bien, je dois dire qu’il paraît beaucoup plus humain que ce dont je me rappelle. Il est souvent dit qu’il est le fils de Dieu, toutefois cela ne me semble presque pas aussi significatif que le fait qu’il est une personne – un homme de grande prestance, avec une énergie et une compassion énormes, et des capacités psychiques importantes. Il a également le don de transmettre la vérité spirituelle sous forme d’images, en utilisant les choses les plus communes pour illustrer des remarques qu’il souhaite faire : pain, champs, maïs, sel, enfants, arbres. Les gens ne comprennent pas toujours immédiatement, mais partent avec une image à considérer. Il a également une mission – rouvrir la voie de la vie éternelle ; et il est tout à fait intransigeant dans son engagement à, comme il le dit, « mettre en œuvre la volonté de son père » .

Son ministère est court mais mouvementé. En lisant le compte rendu de Marc, je me sens épuisée rien qu’à imaginer les exigences implacables vis-à-vis de son temps et son énergie. C’est un soulagement de trouver une référence occasionnelle de lui, passant du temps seul ou avec ses proches disciples, et de lire comment, tout comme nous, il avait parfois besoin de se reposer. J’aime cette histoire de la façon dont, après un jour laborieux passé à donner des enseignements à une vaste foule, il s’endort dans le bateau qui leur fait traverser la mer. Son calme en réponse à l’orage violent qui se lève alors qu’ il sommeille, m’est très utile lorsque les choses sont turbulentes dans ma propre vie.

Je me sens prise dans tout ce drame ; une chose après l’autre. Les gens l’écoutent, aiment ce qu’il a à dire (ou sont troublés ou irrités dans certains cas) et sont guéris. Ils n’ont pas assez de ce qu’il doit partager avec eux. Je suis touchée par sa réponse aux 4000 personnes qui, ayant passé trois jours avec lui dans le désert à écouter son enseignement, sont fatiguées et ont faim. Réalisant ceci, il emploie ses dons pour faire apparaître du pain et du poisson afin que tous, puissent manger.

Jésus est mort jeune. Son ministère commence lorsqu’il a trente ans (je serais intéressée d’en savoir plus sur la formation spirituelle qu’il a assurément reçue avant cela), et se termine abruptement lorsqu’il a seulement trente-trois ans. Heureusement, avant la crucifixion il parvient à instruire ses proches disciples dans un rituel simple par lequel ces derniers réaffirment leur lien avec lui et les uns envers les autres (je me réfère, naturellement, au dernier repas) – soulignant de ce fait la dévotion et le renouvellement pour ses disciples, jusqu’à notre époque actuelle.

J’ai l’impression qu’il n’est pas particulièrement intéressé à convertir les gens. Il s’agit plutôt d’enseigner à ceux qui sont prêts ; point intéressant, les personnes qui viennent à sa rencontre viennent souvent de milieux démunis ou modestes. Il est tout à fait clair pour Jésus que la pureté est une qualité du cœur, et non quelque chose qui vient de l’adhérence inconditionnelle à un ensemble de règles. Sa réponse aux Pharisiens quand ceux-ci accusent ses disciples de ne pas observer les règles de pureté relatives à la consommation, exprime ceci parfaitement :

« Il n’y a rien à l’extérieur qui puisse tâcher un homme » – et pour ses disciples il est tout à fait explicite quant à ce qui arrive à la nourriture une fois qu’elle a été consommée. « c’est plutôt à l’intérieur du cœur que naissent les souillures ».

Malheureusement, il ne poursuit pas en expliquant ce qu’il est nécessaire de faire.

Ce que nous savons de ses dernières heures : l’épreuve, la tentation, l’agonie et humiliation d’être nu, dépouillé et cloué à une croix pour mourir – est un compte-rendu extraordinaire de la résistance patiente – la volonté de supporter l’insupportable, sans blâmer, sans mauvaise volonté. Cela me rappelle une comparaison employée par le Bouddha pour démontrer la qualité du metta, ou gentillesse, qu’il attendait de ses disciples : « Même si des voleurs devaient vous attaquer et scier vos membres un par un, si vous deviez vous adonner à la colère, vous ne suivriez pas mon conseil. » Un ordre de taille, que Jésus a clairement exécuté à la perfection :

 » Père, pardonne les car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Pourquoi donc ai-je eu besoin de regarder ailleurs pour des conseils ? Était-ce simplement que Jésus lui-même manquait d’une certaine manière, de charisme spirituel ? Était-ce du à un mécontentement vis à vis de l’église et de ses formes institutionnelles – de ce que le christianisme a fait à Jésus ? Ou est-ce simplement qu’une autre voie s’est présentée à moi, qui a rempli de manière plus adéquate mes besoins, à ce moment-là ?

Et bien dans le bouddhisme j’ai trouvé ce qui manquait à mon expérience chrétienne. Cela pourrait se résumer en un mot : la confiance. Je ne pense pas que j’avais pleinement réalisé combien tout semblait désespéré, jusqu’à ce que les moyens et l’encouragement furent là. On raconte l’histoire d’un étudiant de Brahmin appelé Dhotaka, qui implora le Bouddha : « S’il te plaît, maître, délivre moi de la confusion !  » La réponse quelque peu surprenante de Bouddha fut,  » Il n’est pas dans ma pratique de libérer n’importe qui de la confusion. Lorsque vous aurez compris vous-même le Dhamma, la vérité, alors vous trouverez la liberté. » Quelle responsabilisation !

Dans les évangiles nous savons que Jésus parle avec autorité ; il aborde également la nécessité d’avoir l’attitude d’un petit enfant. Aujourd’hui, bien que ceci puisse être interprété comme la stimulation d’une dépendance enfantine à l’égard du professeur, les enseignements bouddhistes m’ont permis de voir ceci différemment. Le mot, « Bouddha » signifie éveil – éveillé au Dhamma, ou à la vérité, que le Bouddha a comparée à un chemin antique envahi par la végétation, qu’il avait simplement redécouvert. Les points de ses enseignements sur ce chemin : c’est ici, maintenant, juste à nos pieds – mais parfois nos esprits sont tellement envahis d’idées sur la vie, que cela nous empêche de déguster réellement la vie ! Lorsqu’elle en a l’occasion, une jeune mère, Kisagotami, se rend chez le Bouddha, folle de tristesse à cause de la mort de son enfant en bas âge. La réponse du Bouddha à sa détresse, quand elle lui demande de guérir l’enfant, est de lui demander de lui apporter une graine de moutarde – provenant d’une maison où la mort n’a jamais frappé. Enfin, après des jours de recherche, l’angoisse de Kisagotami est calmée ; elle comprend qu’elle n’est pas seule dans sa douleur – la mort et la perte sont inévitables dans l’existence humaine. Jésus aussi enseigne parfois de cette façon. Quand une foule se réunit, prête à lapider à mort une femme accusée d’adultère, il invite celui qui n’a pas commis de péché à lancer la première pierre. Ayant regardé dans leurs propres cœurs, ce simple constat les rend honteux.

En pratique, j’ai trouvé que ce processus était une méthode d’adaptation, d’assister soigneusement à ce qui se produit à l’intérieur – sentir quand il y a de la facilité, de l’harmonie ; savoir également quand le point de vue d’une personne est en désaccord avec ce qui est. Je constate que les images que Jésus emploie pour décrire le royaume des cieux expriment bien ceci. Il est comme une graine qui dans des conditions favorables germe et se développe en arbre. Nous créons nous-mêmes les conditions qui favorisent le bien-être et la croissance de la compréhension, ou causent du mal aux autres ou à nous-mêmes. Nous n’avons pas besoin de Dieu qui nous consigne aux régions basses d’un certain royaume de l’enfer si nous sommes idiots ou égoïstes – Cela se produit naturellement. De même, si nous remplissons nos vies de bontés, nous nous sentons heureux – c’est un état merveilleux.

Lors de cette première retraite bouddhiste, il a été précisé qu’il existe une voie entre suivre ou lutter pour réprimer les pensées nocives qui surgissent. J’ai appris que, par la méditation, je pouvais simplement témoigner de cela, et leur permettre de mourir selon leur nature – je n’ai pas besoin de m’identifier à elles d’une quelconque manière.

L’enseignement de Jésus révélant qu’avoir ne serait-ce qu’une pensée lascive équivaut à commettre l’adultère avait semblé trop dure, alors que l’idée de découper une main ou un pied, ou de crever un œil s’ils offensaient est assez sensible – mais comment diable faites vous cela dans la pratique ? Je peux voir que cela requerrait bien plus de foi que j’en avais à ma disposition, à ce moment-là !

C’est pourquoi j’ai été enchantée d’apprendre une réponse alternative aux états d’avarice, de haine ou d’illusion qui surgissent dans la conscience, obscurcissent notre vision et mènent à toutes sortes d’ennui.

Ainsi, comme l’a déclaré le Dalaï Lama : « Chacun veut être heureux ; personne ne veut souffrir. » Jésus et le Bouddha sont des amis et professeurs extraordinaires. Ils peuvent nous montrer la Voie, mais nous ne pouvons pas nous en remettre à eux pour être heureux, ou pour emporter au loin notre douleur. C’est une tâche qui nous incombe.


Par Sœur Ajahn Candasiri

Source : Lanka Web

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