Suivi du Guide des principes des Siddha
Tara Michaël
Le nom de Goraksanâtha est prestigieux dans la tradition du yoga. Ce maître, mi-historique mi-légendaire, aurait vécu entre le IXe et le XIIe siècle. On lui attribue une méthode particulièrement énergique, le hatha-yoga, qui vise la réalisation spirituelle au moyen du corps physique amené à un degré de perfection inconnue de l’humanité ordinaire. Par un extraordinaire contrôle du système neurovégétatif, ce yoga développe des pouvoirs supranormaux. Goraksa fonda un ordre d’ascètes toujours actif, les Nâtha-yogin, et écrivit de nombreux traités, dont les deux remarquables proposés ici et pour la première fois traduits en français : la Centurie et le Guide des principes des siddhas (yogis accomplis), qui exposent les techniques permettant d’acquérir un « corps de diamant » et de « vaincre la mort ».
Docteur en études indiennes de l’université de Paris, chargée de recherches au CNRS, Tara Michaël est une spécialiste internationalement reconnue du yoga, du tantrisme et des danses de l’Inde, où elle a vécu longuement. Plusieurs de ses ouvrages sont désormais classiques, notamment Corps subtil et corps causal (Le Courrier du Livre), Yoga (Seuil) ou sa traduction de la Hatha-yoga-Pradîpikâ (Fayard). Elle joint à une rare érudition un sens de l’adaptation et une expérience profonde de la culture hindoue.
160 pages, 15 euros, ISBN : 978-2-35118-016-7
Extrait
Goraksanatha est considéré comme fondateur de l’ordre des Natha-yogin. Son enseignement est essentiellement une reformulation de la doctrine sotériologique du yoga-darsana, à laquelle, il donne une vaste diffusion et qu’il rend accessible par des techniques inconnues jusqu’alors. Sa spécificité est de préconiser un effort énergique, violent pour atteindre le samadhi qui débouchera sur la libération du cycle des naissances.
Il met en œuvre un grand nombre de pratiques psychophysiologiques, inconnues ou tenues secrètes jusqu alors pour forcer la voie et atteindre plus vite la délivrance (moksa). Ces pratiques sont englobées sous le nom de Hatha-yoga. Les yogin qui ont adhéré à la doctrine de Goraksanatha adoptent à la fin de leur nom le titre de “natha” (maître, protecteur, seigneur), qui révèle leur appartenance à la voie tracée par Goraksa. Du nom de leur fondateur, Goraknath en hindi, ils sont appelés aussi dans l’Inde médiévale Gorakh-nathin ou Gorakh-panthin (ceux qui suivent le chemin, pantha, tracé par Goraksa). Le terme kan-phata : oreilles fendues est un sobriquet qui leur a été donné à cause de l’incision qui est opérée à la fin de leur cérémonie d’initiation , non pas sur le lobe des deux oreilles, mais sur le cartilage même des deux pavillons auriculaires, au niveau de la cavité centrale, où sont insérées de larges boucles d’oreilles (darsana). Certaines femmes aussi reçoivent l’initiation, et sont appelées Nathni.
Les légendes sur les pouvoirs suprahumains des adeptes Natha ont frappé l’imagination populaire et abondent à la source des littératures indo-aryennes : Hindi, Bengali, Gujrati, Oriya, Marathi, et des langues himalayennes, Népali et Tibétain. La voie des Natha-yogin semble avoir été extrêmement fameuse après le XIIe siècle de notre ère. Après s’être répandue d’abord dans toute l’Inde du Nord, elle a été florissante pendant plusieurs siècles sur toute l’étendue du continent indien. Selon Jan Gonda, elle a produit diverses traditions orales, de nombreux chants et des récits en vers dans les langues du peuple.
