Hildegarde de Bingen et l’Ecologie – partie 2
Au début du XXIe S. et cela n’engage que moi, en employant un langage imagé, on « marche les pieds en haut et la tête en bas, » et si on ne redresse pas le tir, toutes nos notions de qualité de vie vont « dans le mur ». Quand on se dit que, chez notre moniale, tous les textes traduits – les textes plus religieux ont été mieux traduits que les textes plus médicaux (on a que des copies datées du 13e S. des textes médicaux), forment une cohérence globale, une somme théologique et pratique, on se dit que peut faire confiance y compris aux textes médicaux (médecine au sens de médiation ou médication), ceux ci permettant de résoudre la plupart de nos misères.En pratique, qu’est-ce qu’Hildegarde de Bingen nous a légué ?
– Une explication simple des causes de nos souffrances et les moyens d’y remédier.
D’abord que nous sommes tous dans une situation telle que la souffrance fait partie de notre existence. ; elle explique le pourquoi et le comment de ces souffrances. Certaines peuvent venir de la conception puisque nous sommes dans une rythmologie cosmique et l’état de la Lune au moment de notre conception à une influence (cela n’est pas vrai que pour l’agriculture !). Selon que le tempérament de nos ancêtres contient plus ou moins d’élément Feu, Air, Eau ou Terre, nous avons des constitutions plus ou moins robustes.
Selon que les parents ou ancêtres ont beaucoup péché , on a plus ou moins d’humeurs (humores) et de flegmes (flegma) dans le sang, ces deux modalités de la vie s’exprimant par une plus ou moins bonne vitalité et plus ou moins bon caractères psychologique et mental. Pour Hildegarde, on ne peut être en bonne santé si on ment, si on triche, si on vole, si on est lâche, paresseux, dépendant, si on manque de courage, si on est égoïste : on est très loin de la conception de la santé « c’est la faute à pas de chance ». Tous ces comportements génèrent des troubles qui sont interactifs entre le cosmos et nous.
Une interdépendance et interactivité de notre environnement et nous avec des exemples précis.
J’ajouterai que les éléments du cosmos ont été faits pour nous et non l’inverse. Au passage, il n’y a aucune raison pour que nous ne soyons pas influencés par les planètes mais pas de raison non-plus pour qu’ inversement nous ne les influencions pas. Et puisque nous sommes plus importants, dans l’ordre de la création, que les planètes puisque nous sommes au centre de l’univers donc nous influençons le cosmos. Lorsque nous nous comportons de manière désordonnée, nous influençons la Lune, le Soleil, Jupiter, Saturne et c’est vrai !
Ces humeurs peuvent être traduites par des miasmes (des modalités biochimiques, énergétiques) à l’intérieur de nos liquides vitaux véhiculés par le sang blanc (la lymphe), le sang rouge, le sang bleu – Hildegarde décrit les différents sangs, Ces humeurs disqualifiées créent des perturbations physiques, émotionnelles, sentimentales, mentales, et spirituelles. !
Par exemple, on commence par être mélancolique, on est triste… Or quelqu’un qui est triste laisse exprimer en lui des humeurs néfastes. Et ça n’a rien à voir avec les difficultés de la vie : on peut avoir énormément de difficultés et être joyeux comme avoir une vie apparemment facile et être triste, malheureux et se suicider. Ce n’est pas une question d’apparence extérieure de poids, de mesure ou de bonheur apparent. La joie que décrit HDB – laetitia, felicitas – cela vient de l’intérieur, c’est le langage de la sphère de Dieu, c’est la musique du Ciel qui se reflète sur l’instrument, le Cœur, qui est en nous. Nous sommes joyeux parce que nous sommes un instrument qui émet la joie. On peut avoir beaucoup de problème et être joyeux. Il faudrait peut-être remettre en cause ce que nous mettons sous le terme « joyeux » ou « triste » car nous avons tout remis sur le plan émotionnel alors que l’émotion n’est qu’un aspect de l’être humain. La joie ici serait celle d’être conforme à l’écoulement de la Vie Naturante et vivifiante. Ces humeurs donc vont petit à petit enfoncer les gens ou au contraire les élever vers la Lumière. Plus on côtoie la justesse, par notre façon de penser de nous nourrir, de nous comporter, plus les humeurs nous embellissent et nous rendent joyeux ; les créatures qui sont autour de nous en sont nourries, car nous pouvons nourrir en bienfaisance les créatures – et pas seulement en donnant du bien matériel –
Quand « on joue de la bonne musique » on fait du bien aux oiseaux du ciel et aux poissons de la mer etc. Alors on se rapproche de ce pour quoi nous avons été créés donc on est de plus en plus écologiques, ne serait-ce que sous cet aspect. Et plus on s’en éloigne, plus l’écologie est celle du discours et de moins en moins dans notre instrument de vie. On veut, on croit, on essaye, mais c’est plus compliqué : ça ne sort pas spontanément comme une respiration, ce qui n’empêche pas de prendre conscience.
Tous ces aspects sont en chacun d’entre nous et chez le pygmée au fond de la brousse… comme chez le fonctionnaire dans sa tour de Manhattan.
L’unité de toute chose, de tout acte, pensée…
Quand nous prélevons, dans l’air, la terre, l’eau et le feu, le potentiel de vie auprès de notre planète sans le régénérer, nous désaxons la Terre surtout si nous utilisons les biens à nous détruire. Si on abuse d’une situation non pas pour nous construire mais pour nous détruire nous perturbons profondément l’humanité dans tous ses règnes… et même le pauvre gars qui vit dans sa forêt et dans sa hutte à 30 000 km de nous, nous le perturbons à distance car il n’y a pas, au contraire « du nuage radioactif de Tchernobyl » de frontière. Dans l’énergie des éléments de la matière qui sont tous reliés entre eux, il n’y a pas de point de rupture !
Cette écologie est une écologie de chacun à chaque instant : le collectif passe après la prise de conscience individuelle
Si on en a pas vraiment conscience (si on ne l’a pas intégré), on aura du mal dans la vie et on fera du mal. Dans ce cas, l’écologie sera toujours dans le discours et non dans les actes. Les grecs chez qui nous avons beaucoup prélevé ont beaucoup séparé l’âme et le corps (dualisme), et nous en sommes arrivés à devenir des êtres schizophrènes. Schizophrénique signifie « divisé » « séparé »-. « Je sectorise, en médecine je ne vois plus que des organes, je vais bientôt être spécialiste de la cellule qui est une fraction intime du tissu, parce que maintenant, il y a des spécialistes de la membrane de la cellule ! Je vais tout fractionner, séparer et je vais devenir schizophrène et ne plus voir avec le petit bout de ma lorgnette que des aspects de mon environnement ». Cela, c’est le discours pour créer un désordre, créer un gâchis, des divisions, des sources de malheurs…
Là, HDB nous rappelle l’unité du monde crée, macrocosme et microcosme.
L’homme peut remédier.
L’Homme avec l’aide de son Créateur peut remédier à ses insuffisances : tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir.
Or notre volonté peut orienter notre intelligence, et elle doit toujours rechercher cette unité. L’âme pour Hildegarde – le corps et l’âme sont une seule et même totalité – se fructifie sous forme de l’esprit, ce dernier étant la partie la plus subtile ; le fruit est ce que j’offre de meilleur gratuitement et généreusement -. C’est pourquoi si on exploite un plus faible, on vole, on rompt des contrats, si on triche, si on est lâche, si on est distrait, oisif… on laisse s’accumuler en soi des mauvaises humeurs qui généreront des difficultés, accidents, douleurs…
Il y a des individus qui sont visiblement des non-actifs et qui se mettent dans des positions de handicap, d’incapacité, qui se fixent eux-mêmes leurs handicaps et incapacités qu’ils n’ont pas s’ils se donnaient la peine de se dépasser et ils vivent aux crochets de la société, ils parasitent la société ; cela n’est pas innocent, sans conséquences surtout pour eux ! Ils auront des comptes à rendre à leur âme si l’on accepte le principe d’équité. Tout est parfait depuis le Principe même si nous ne nous apercevons pas.
Toutefois dans un monde où règne ‘Unité, il y a des comptes à rendre si on perturbe cette Unité, on ne peut impunément changer l’ordre de la création. On peut aussi demander la grâce de comprendre cette unité, par la pensée, par l’intuition et la convertir en paroles et par actes justes.
Il est souhaitable de demander d’être le plus rarement distrait – par la distraction, on perd cette unité, on s’éloigne de ce qui nous maintient en éveil. Un accident arrive dans un moment de distraction, une fraction de seconde l’esprit est ailleurs et… Chaque fois qu’il nous arrive des malheurs, on est dans cet état de distraction qui a permit à la situation d’arriver.
Il en est tout autrement quand la difficulté ou les malheurs sont voulus ou assumés par notre propre volonté, comme ces êtres qui ont dit « je veux assumer le martyr », « J’ai fait vœux de pénitence », « j’ai fait vœux de pauvreté », « d’aider les handicapés », « j’ai fait vœux de me consacrer à ma grand-mère… à partir du moment ou cela est voulu librement et assumé il n’y a plus de souffrance et de surcroît, la tâche est moins pesante car on est aidé par les forces du Bien. C’est aussi un autre aspect de l’écologie !
Parfois des « canards boiteux », des handicapés, assurent l’équilibre de leur famille même si celle ci ne s’en aperçoit pas !. Les sociétés qui savent les accueillir et non les rejeter en tirent un grand profit. l’acceptation de la différence et des difficultés, c’est aussi une attitude écologique !
Il y a des pôles de difficultés dans une société mais ce n’est pas un couperet, ce n’est pas insurmontable, si l’esprit nous permet d’en percevoir la signification, les causes et les remèdes : cela doit se vivre dans la joie, du moins dans la sérénité.
Si j’avais à résumer, l’écologie d’Hildegarde c’est « Partout où vous passez, apportez la paix, la joie de vivre dans vos intentions, paroles et actes ». ce sont là des manifestations de l’Esprit Saint, le haut de gamme en écologie comportementale !
Non pas la joie hilare mais la joie intérieure dans tout ce que vous faites y compris lorsqu’il faut ramasser sur la chaussée des canettes de bières usagées ou même si vous vous sacrifiez ou vous devenez victime. L’Esprit Saint nous éclairant de l’esprit d’unité, nous savons que ce que faisons ou disons corrigera et apportera des pansements aux plaies de la vie qui arrivent d’autant plus volontiers que nos pensées et nos comportements sont désordonnés et voilés.
Rendons grâce à tous les bienfaits de la création car ils sont bien supérieurs aux méfaits que nous engendrons.
Réponses aux questions
1) J’ai été invité par l’association CORE pour nous entretenir d’Hildegarde de Bingen et l’écologie. J’ai essayé par politesse et pour rester dans un certain ordre,d’éviter de participer au désordre – de répondre à travers un regard personnel qui s’est nourri des discours, lectures et traditions, expériences, exercices et pratiques quotidiennes.
Il m’a été donné d’ étudier la médecine chinoise que j’enseigne, la médecine Ayur-Védique des hindous, les fondements du bouddhisme et ses 3 véhicules. Mon insatisfaction existentielle m’a conduit à m’approcher de la Kabbale hébraïque, les points de vue de la réforme protestante, les traditions occidentales…
A travers le filtre de ce parcours, je tente de coller à la réalité .et de rester pratique car je suis médecin généraliste et me dois de répondre quand on vient et qu’on me dit « j’ai mal » ; ma fonction est de dire ce qui peut expliquer la venue de ce mal, pourquoi quand cela est possible, comment, quel en est la signification, le message et d’aider les individus à y remédier, si Dieu le veut .
Il ne s’agit pas de distribuer des anti-maux ! Pour un Chrétien, HDB répond à de nombreuses questions et reste d’actualité dans ses conseils médicinaux, diététiques, hygiéniques, spirituels.
Il existe des séminaires de plusieurs jours sur Hildegarde de Bingen où on reprend tous ses écrits . Lorsque vous avez de rhumatismes par exemple, HDB vous dit d’éviter de manger des pêches, des prunes, des brugnons, des fraises, de ne pas manger de poireaux : tout cela elle en explique les raisons et de fait lorsqu’on ne mange pas ces fruits et légumes et leurs humeurs qu’ils véhiculent, on a beaucoup moins de rhumatismes. Cela a été dit au 12e AS. et se vérifie à ce jour car la vérité ne vieillit pas !
On me dit parfois que je fais de la paléonto-médecine mais Hildegarde donne des conseils, par exemple pour le rhume ou la grippe. Cela est extrêmement simple, peut coûteux, accessible, et chacun peut les élaborer : du persil, du miel, du vin, un peu de vinaigre en de bonnes proportions et vous faites un vin au persil – essayez donc pour les glaires et mucosités, la circulation du sang, le cœur ! Et si on est honnête, on se pose des questions, on tente et si on est content on partage !
Lorsque je lis des textes venant d’une bénédictine du 12e S qui ne connaissait pas le latin n’ayant pas une grande culture qui ne contredisent pas la médecine chinoise multimilénaire que j’ai étudié pendant 20 ans, et qui les complètent…et qui nourrissent ma soif des évangiles, je me dis que cela mérite d’être étudié et vaut le détour !
2) Hildegarde de Bingen ne connaissait rien de la botanique ni de la religion…du moins avant d’avoir rédigé des œuvres. Elle a parlé de toute la cosmogonie de la Création, la création du monde, les 4 orients, le firmament, les vents, les anges, les créatures… la rédemption, la Vierge Marie, l’Unité des mondes visibles et invisibles, l’avenir de l’homme… très précisément mais sans rapport avec ce qui avait été écrit auparavant me semble t il, ou en complément d’éclairage de ce qui avait été écrit.
On peut dire que le discours d’ HDB n’est que balivernes ou comme certain l’on dit qu’elle était très cultivée… on peut tout dire même des bêtises !
A mon sens, rien à voir avec la culture ! Elle a dit des choses invraisemblables pour un esprit humain qui ne pouvait provenir que d’un Esprit Supérieur.
Si on étudie la théologie, je trouve son apport passionnant… J’ai repris la théologie grâce à elle – c’est passionnant… Et il n’y a pas de contradiction avec la théologie officiellement enseignée, surtout un éclairage sublime. Or, actuellement ,l’Eglise institutionnelle ne favorise pas la connaissance d’Hildegarde.
Cela est dommageable. Beaucoup de religieux pensent encore que l’important c’est de sauver son âme – le reste étant moins important… et chez de nombreuses personnes qui se disent « spirituelles », le corps et le quotidien, il vaut mieux ne pas s’y attarder.
3) Hildegarde a critiqué les cathares mais elle a argumenté ; elle a de même critiqué certains agissements de l’Eglise et aurait pu être brûlée, elle a critiqué certains dignitaires mais est toujours restée fidèle à Rome et à l’Esprit de St Benoît. « Réformer de l’intérieur » était son adage.
4) Je travaille actuellement sur la cosmogonie d’Hildegarde (les traductions du latin du livre des « œuvres divines » et des « mérites de la vie ») en essayant de la conjuguer avec les autres sagesses traditionnelles. Je travaille sur les éléments constitutifs de la matière, l’Eau, l’Air, le Feu la Terre, pour guérir les gens de façon pratique. Par exemple, l’audition c’est l’ordre de l’Air : quand quelqu’un n’entend pas bien, il s’agit de l’élément Air et cela concerne la plupart du temps les intestins… pour la vue, c’est plutôt le Feu et l’Eau (voir le cœur et le rein)
L’intérêt pour moi réside dans l’expérimentation des dire d’Hildegarde de façon pratique, voir si cela est compatible, vrai… et utile pour l’évolution de la conscience de chacun.
Hildegarde de Bingen, c’est avant tout pratique, utile et peu spéculatif ; sinon, on a pas compris la spiritualité qu’elle essaye de nous faire vivre !.
– Voir aussi Hildegarde de Bingen et l’Ecologie – Partie 1
– source Christian Organisation for Ecology