Accueil Enseignements Articles et conférences Mahásí — vipassaná, instructions de base

Mahásí — vipassaná, instructions de base

98
0

vipassaná, instructions de base (Mahásí)

par www.dhammadana.org

Nous allons prendre connaissance des instructions de base pour l’entraînement à vipassaná, selon la méthode Mahásí.

Pour comprendre correctement ces instructions, il est important de les lire très attentivement.

La vision directe

teravada_bouddha.jpgVipassaná, c’est la vision directe dans la réalité.

La réalité, c’est ce que nous percevons à chaque instant à travers nos six sens, c’est-à-dire les cinq sens physiques (les visions, les sons, les sensations tactiles, les goûts et les odeurs) + le sens mental (les états mentaux, les émotions).

La réalité n’est pas : les pensées, les réflexions, les analyses, les jugements ou les rêves. Parce que ces choses ne sont que des concepts ; des créations artificielles du mental.

La vision directe, c’est le fait, pour la conscience, de connaître clairement et directement le processus d’apparition et de disparition des objets physiques et mentaux.

Les objets physiques sont ceux que nous expérimentons à travers nos facultés physiques.

Les objets mentaux sont :

1 – ceux que nous expérimentons à travers notre faculté mentale (par exemple : un sentiment de frustration)

2 – les instants de conscience générés par le contact avec les objets physiques (conscience visuelle, conscience auditive, conscience tactile, conscience gustative et conscience olfactive)

C’est le fait de porter son attention sur ces objets qui permet à la conscience de les connaître pour ce qu’ils sont ; depuis leur apparition jusqu’à leur disparition.

Afin de développer une compréhension juste de la réalité, il est indispensable de s’entraîner à multiplier les instants de pleine attention en évitant autant que possible les moments d’égarement. Car c’est en répétant ces instants d’attention aux objets perçus que nous pouvons en approfondir notre connaissance directe ; ce qui bien entendu est parfaitement inaccessible par la connaissance théorique.

Pour développer cette vision directe (que nous appelons aussi vision intérieure), nous allons donc simplement porter toute notre attention sur les objets que nous percevons à travers nos six sens. Pour ce faire, nous nous consacrons entièrement mais seulement à deux types d’effort. Ceux-là sont absolument minimes, puisqu’il s’agit de la forme d’action la plus passive qu’il soit possible d’imaginer. La grande majorité des difficultés rencontrées à demeurer attentif est non pas due au fait que nous ne fournissons pas assez d’efforts, mais précisément au contraire que nous forçons trop, là où il est inutile de forcer. Nous avons facilement tendance à gaspiller beaucoup d’énergie parce que nous n’avons généralement pas l’habitude de demeurer complètement relâché, l’esprit tranquille, patient et vigilant, en se contentant seulement d’observer (mentalement, pas avec les yeux) tout ce qui passe : les perceptions qui apparaissent les unes après les autres à notre conscience, telles qu’elles apparaissent et à l’instant précis où elles apparaissent.

Les deux types d’effort minime sont :

1 – celui de concentrer toute son attention sur l’objet observé

2 – celui de maintenir la vigilance, afin que l’établissement de l’attention puisse se répéter pendant toute la durée de l’objet observé

Pour illustrer le processus de la vision directe (vipassaná), voici un exemple : un chien (que nous ne voyons pas) aboie. Cet aboiement est avant tout un son et c’est cela qui nous intéresse. Nous nous moquons bien de savoir qu’il est provoqué par un chien. Cependant, il est probable que l’image d’un chien ou le mot « chien » nous traverse l’esprit. Peu importe, laissons passer cela, qui n’est qu’un concept, et par conséquent hors réalité. Si nous suivons ce concept, nous allons nous perdre dans les pensées, nous ne serons donc plus attentifs aux objets expérimentés par la conscience.

Ce son (provoqué par l’aboiement) est un objet matériel existant sous la forme d’ondes véhiculées par l’air et venant frapper le tympan. C’est à cause de ce contact qu’apparaît la conscience auditive. Le son lui-même est un objet physique, tandis que la conscience qui en fait l’expérience est un objet mental.
Dans ce cas, la vision directe sera effective si l’on donne son attention exclusivement à cet objet auditif, de sorte à permettre à la conscience observatrice de le connaître pleinement pour ce qu’il est réellement.

En clair, pour développer la vision directe sur un son, nous fixons toute notre attention sur cette sensation auditive, au moment où elle est perçue et pendant toute sa durée (sauf si elle devient difficilement perceptible). Ce processus de vision directe est le même avec les objets des autres sens.

Ainsi, nous pouvons constater que ce qui importe pour le développement de vipassaná, c’est le simple acte de porter son attention sur ce qui est perçu, et en aucun cas l’adoption d’une posture particulière. Cependant, pour des raisons d’équilibre entre la concentration et l’énergie, nous verrons plus loin que notre entraînement au développement de la vision directe est une succession de sessions de marche et de sessions d’assise.

Les objets à observer

Dans cet entraînement qui vise à observer ce que nous percevons par nos six sens, l’ensemble des objets physiques et mentaux conviennent. Toutefois, pour développer vipassaná le plus efficacement possible, nous observons les objets que nous distinguons le plus clairement. Par ailleurs, n’essayons jamais d’observer plus d’un seul objet à la fois ; nous ne ferions que disperser notre attention, ainsi que notre énergie.

Ainsi, si à un moment donné, l’objet le plus clair à notre conscience est une douleur au genou, c’est sur cette sensation douloureuse que nous portons toute notre attention. Si c’est un sentiment de frustration ou de découragement, c’est sur ce sentiment désagréable que nous portons toute notre attention. Si c’est une cloche qui sonne, c’est sur cette sensation auditive que nous portons toute notre attention.

On procède exactement de la même façon qu’il s’agisse d’une sensation de chaleur, d’une sensation de légèreté, de sensations de fourmillements, d’un contact entre la main et quelque chose, d’un mouvement effectué par le bras, d’une sensation provoquée par de l’eau qui coule le long du tube digestif, du goût pimenté d’un plat, du goût sucré d’un fruit, de l’odeur d’un bâton d’encens, d’une sensation de satisfaction, de joie, d’extase, de tristesse, de paresse, d’angoisse ou de n’importe quelle autre type de sensation. En revanche, ne tenons jamais compte de la vision, car les perceptions visuelles sont des objets très subtils. Le fait d’observer une vision nous ferait trop facilement basculer dans la création de concepts ; nous ne serions alors plus en phase avec la réalité.

Quand un objet physique ou mental apparaît clairement, on peut l’observer attentivement, pendant toute sa durée. S’il devient peu clair, ou un peu à l’image d’un bruit de fond, nous cessons d’y prêter attention. Si un autre objet plus distinct à la conscience fait son apparition, c’est lui qui devient alors notre objet d’observation. Nous évitons toutefois de concentrer notre attention au-delà de quelques instants sur des sensations demeurant homogènes, car nous risquerions de basculer inconsciemment dans une méditation de type samatha, où les sensations régulières sont automatiquement transformées par notre mental en un support continu et par conséquent artificiel.

À l’aide des explications qui ont été données jusqu’ici, nous disposons de tout ce qui est nécessaire de savoir pour l’établissement de l’attention sur les objets physiques et mentaux, en vue de développer vipassaná. Le principe a été donné. Néanmoins, cela ne suffit pas.

Les objets « par défaut »

ans la vie de tous les jours et depuis fort longtemps, notre mental a tellement l’habitude de bombarder de concepts tout ce qui est en mesure de se présenter à la conscience (à travers les réflexions, les analyses, les projections, les commentaires et autres pensées) que nous ne distinguons jamais les perceptions telles qu’elles sont réellement. En quelque sorte, notre mental œuvre continuellement à nous voiler la réalité. De ce fait, nous avons besoin de quelques objets réguliers que nous pourrions suivre un peu comme des balises ; des objets qui puissent nous aider à canaliser facilement notre attention…

Chaque fois que nous expérimentons un objet particulier, c’est-à-dire une forte sensation auditive, tactile, olfactive, gustative, ou une forte émotion, nous l’observons soigneusement. En revanche, n’accordons pas d’importance aux sensations peu ou moyennement perceptibles qui apparaissent à tout moment. Nous les considérons comme un simple « bruit de fond ». Ainsi, s’il n’y a pas d’objet particulier, nous allons focaliser notre attention sur un objet « par défaut ».

Pour la marche

Lorsque nous marchons, nous pouvons constater qu’il y a un mouvement à la fois très facile à percevoir et toujours présent. Il s’agit du mouvement de chaque pied lorsqu’il effectue un pas. Ainsi, quand il n’y a pas d’objet particulier qui vient faire intrusion pendant que nous marchons, fixons toute notre attention sur le mouvement effectué par les pieds.
Pour observer correctement cet objet, focalisons bien notre attention sur ce mouvement dans toute sa durée ; et non pas sur le pied, qui n’est qu’un concept. Observons bien ce mouvement dès que le pied décolle du sol, durant toute sa trajectoire, jusqu’à ce qu’il se pose sur le sol. À cet instant, nous passons immédiatement au mouvement de l’autre pied, et ainsi de suite.

À l’instar de nos moindres gestes, nos pas doivent être toujours très lents. Dans les rares cas où nous devons marcher selon un rythme légèrement plus rapide (avancement en file, fait de se rendre vers un endroit un peu éloigné…), nous observons le mouvement de chacun de nos pas en une phase. Autrement, observons ce mouvement selon trois phases par pas : la phase de lever du pied, la phase d’avancement du pied, et la phase d’abaissement du pied.

Pour l’assise

Lorsque nous sommes assis, nous demeurons immobiles. Néanmoins, nous pouvons constater qu’il y a au sein du corps, quelques mouvements plus ou moins clairs à percevoir. L’inspiration engendre un gonflement de l’abdomen et l’expiration un dégonflement. Ce mouvement de gonflement et de dégonflement est le plus distinct et de plus, toujours présent ; il est donc celui qui se prête le mieux pour être l’objet « par défaut » pendant l’assise. Ainsi, lorsqu’il n’y a pas d’objet particulier lorsque nous sommes assis, fixons toute notre attention sur le mouvement effectué par l’abdomen.

Pour observer correctement cet objet, focalisons bien notre attention sur ce mouvement de gonflement pendant toute sa durée ; et non pas sur l’abdomen, qui n’est qu’un concept. Observons bien ce mouvement depuis son début, pendant toute sa durée, jusqu’à sa fin, puis à l’identique pour le dégonflement. Certaines personnes distinguent mieux ce mouvement au niveau du thorax. Peu importe, ce qui compte est de l’observer là où nous le percevons le plus clairement.


Pour en savoir plus : www.dhammadana.org






Previous articleBirmanie — La Junte ne fait Confiance qu’aux Astres
Next articleLivre — Stéphane Guillaume : un autre Regard sur le Tibet