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Thailande – Quand les Moines trichent aux Examens

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QUAND LES MOINES TRICHENT AUX EXAMENS [[Traduit de l’Anglais par Hélène LE, pour www.buddhachannel.tv ]]


23.04.2008

BANGKOK, Thaïlande – La tricherie à l’université s’est accrue de manière surprenante, en plus d’avoir gagné en complication et en hautes technologies. En vérité, la tricherie aux examens est devenue une affaire lucrative, du probablement en second lieu, à une industrie du cours particulier représentant plusieurs millions de bahts.

monk_exams.jpg<< La "Tricherie aux examens" a aussi contaminé les moines

Rappelez vous la nouvelle largement colportée, de ces étudiants qui avaient triché lors de l’examen O-Net, à l’aide d’une montre-bracelet de haute technologie. Une enquête a révélé qu’un chiffre à six chiffres avait été payé au gang fournisseur du service. Plus choquant encore : ce sont les parents qui ont payé.

Ces parents thaïlandais conspirent afin d’aider leurs enfants à tricher lors des examens, contribuant ainsi à faire chuter de manière sidérante, la moralité et la force de la famille comme institution sociale. Il en est ainsi car l’unité de la famille n’a pas seulement la responsabilité d’élever la jeunesse dans sa survie physique, mais elle doit aussi lui instiller des codes moraux, la capacité à distinguer le bien du mal et le courage de faire ce qui est juste.

Cet acte parental moins que recommandable, toutefois, n’est rien comparé à la forme similaire de dissimulation par une institution, de laquelle on attend un niveau de moral bien plus élevé et stricte – l’institut des moines bouddhistes.

La tricherie aux examens a été un secret de Polichinelle parmi les moines et les novices pendant très longtemps, en particulier s’agissant de l’examen des trois grades de l’étude du Dharma (Nak Dharma) organisé dans les provinces rurales.

Lors de ces examens, des moines ont été aperçus se demandant les réponses aux questions, intoduisant des manuels, et même envoyant des remplaçants passer des épreuves à leur place.

Dernièrement, cette tromperie s’est étendue à l’épreuve de langue Pali (le test de traduction du Triptyque avec commentaire). On a rapporté que des moines avaient appelé des personnes à l’extérieur des salles d’examen, afin de s’assurer les bonnes réponses au test.

Pire, toutes ces tentatives pour obtenir de meilleurs résultats à l’aide de moyens peu éthiques, ont en général eu lieu sous les yeux des examinateurs, qui les égalent presque toujours. Non seulement ces moines plus âgés ne font pas ce qui est en leur pouvoir pour éliminer et décourager ce genre de pratique, mais certains d’entre eux les cautionnent ou donne activement aux tricheurs un coup de main. Certains donneraient parfois même des réponses. D’autres fois, ils les écrivent simplement au tableau (en rappelant aux candidats de se dépêcher car ils ont encore d’autres choses à faire).

Le dernier exemple a pour décor une province du Nord. L’examinateur a pris le risque d’imprimer des listes des réponses au test, pour les distribuer à certains de ses amis qui passaient l’examen.

Chacun sait que la tricherie des moines lors des examens, s’est étendue et, à défaut d’un meilleur terme, « systématisé » dans le Nord-Est, au point que chaque moine passant l’examen dans ces provinces peut être sûr de le réussir, puisqu’une liste des réponses aux tests est généralement distribuée à toute la salle, en même temps que les questions.

Si certains inspecteurs ne veulent pas prendre part à ce système de corruption, ils n’ont pas d’autre choix que de détourner leur regard, car ils ne constituent qu’une minorité face à tout ceux qui cautionnent ces actes.

Des personnes qui ont tenté de faire obstruction à cette tricherie ont été menacés par des moines locaux, avec ces quelques lignes : « Il se peut que vous ne puissiez pas retourner à votre temple si vous ne vous occupez pas juste de vos affaires ».

Ces événements peuvent apparaître effarants aux yeux des personnes extérieures au cercle monastique bouddhiste, mais les moines séniors responsables de l’éducation de la Sangha, ont tous été conscients de ces actes. Cependant rien de sérieux n’a été tenté pour rectifier le tir. Des plaintes ont été formulées à l’encontre des examinateurs impliqués, mais ces derniers sont retournés surveiller les épreuves, année après année.

Il apparaît que la tricherie exercée par les moines et novices aux examens est même plus étendue que celle des laïcs. Ce qui n’est pas certain, c’est le nombre de moines rapporté ou punis. Et si oui ou non, ces moines et novices réalisent qu’il s’agit d’un acte immoral (même s’il n’est pas spécifié dans les Cinq Préceptes ou les 227 vinayas).

Inutile de le mentionner, cette tricherie à grande échelle, exercée par les moines et novices lors des examens, n’est rien d’autre que le reflet du déclin de l’éthique de la Sangha. Quelles en sont les causes ? Je suis sûr qu’il y en a beaucoup, mais il convient ici que d’en indiquer quelques unes.

La cause principale est l’échec du système éducatif des moines. A l’évidence, le système échoue à inculquer à nos moines et novices, la distinction entre le bien et le mal. En fait, l’enseignement a rendu la tricherie acceptable à leurs yeux.

Et si le système éducatif des moines échoue à leur inculquer les valeurs éthiques et morales de base, comment pourront-ils réussir dans l’étude bien plus complexe des Ecritures ?

La Sangha (ou Conseil Ecclésiastique) n’a pas été capable de montrer aux moines et novices ce que l’étude du Dharma et de la langue Pali peut apporter à leurs vies. Dans le passé, des diplômés des études du Dharma ou des personnes qui maîtrisaient même le niveau débutant de la langue Pali, pouvaient de façon certaine, utiliser cette qualification pour trouver du travail, une fois qu’ils quittaient la vie monacale. Cette connaissance est inutile à présent. Elle n’aiderait même pas à devenir facteur.

Pour les moines, les hautes études de Pali ne seront récompensés que par des titres honorifiques ecclésiastiques. Le clergé a peut-être réussi à persuader les jeunes moines de rester dans la vie monacale assez longtemps dans le passé, pour vouloir gravir les échelons, mais à présent il ne donne plus une telle impulsion. De nos jours, la plupart veulent l’ordination pour la chance d’être éduqué et de pouvoir trouver un emploi au sortir de la vie monacale. Ils n’ont pas l’intention de rester dans les temples très longtemps.

Parce que nombre de moines et de novices ne voient aucune valeur dans le dharma et les études de Pali, ils n’y prêtent pas attention. Ajouté au fait qu’il y a tant de distractions dehors susceptibles de les détourner de la classe, ils finissent généralement avec très peu de connaissance. Le résultat est qu’ils sont destinés à rater leurs examens – à moins que les temples ou les écoles du dharma ne leur donnent un coup de main.

Et ces temples ou écoles ont toutes les raisons d’aider leurs moines. Avoir plus d’étudiants diplômés dans les études du dharma, est synonyme de plus de prestige et de budgets.

Mais l’intérêt du temple va à l’encontre de celui des moines. Car les moines se moquent bien de ces examens, beaucoup ne les passent tout simplement pas. Chaque année, jusqu’à 30% des candidats sont absents. Moins de 20% réussissent les examens. C’est probablement ce nombre de candidats déclinant graduellement, qui a poussé les autorités à tout faire pour assurer qu’il ne tombe pas plus bas, au moins pour se préserver de l’humiliation.

Mais sont-il là, en lutte pour une bataille perdue d’avance ? Si les moines et novices ne voient pas comment appliquer le dharma et les études de Pali à leurs vies, pourquoi le Conseil de la Sangha n’essaye t-il pas de réactualiser le cursus et de le rendre plus adéquat ?

Une autre raison est que la plupart des moines seniors au sein du Conseil de la Sangha, ont grandi avec ce système. Ils veulent peut-être aussi le préserver par respect pour l’ancien Patriarche Suprême Somdet Phra Vajrananavarorasa, qui a établi le programme 90 ans auparavant.

En essayant de prolonger le système désuet, cependant, ils ont accentué cette tricherie qui prévaut.

La question est : quel est l’intérêt d’avoir beaucoup de moines et de novices qui obtiennent leurs diplômes des cours d’études du dharma, s’ils ont aussi développé l’habitude de tricher?

Comment ces moines qui trichent peuvent ils servir les espérances de la Sangha, sans parler de celles de la société?

Une réforme de l’éducation des moines est une tâche qu’il aurait fallu entamer depuis longtemps. Il est temps pour nous, de décider si nous voulons encore voir la qualité de nos moines et novices décliner, au seul bénéfice du renforcement d’un système éducatif archaïque ? Oserons nous réexaminer un cursus d’études hérité afin de le réformer?

Le moine respecté, le Vénérable Phra Dhammapitaka (P A Payutto) a suggéré il y a quelques temps de cela, que l’éducation des moines pourrait se diviser en trois niveaux. Le premier serait celui de la connaissance bouddhiste de base, qui devrait être rendue obligatoire pour tous les moines. Le palier suivant serait fondé sur le programme des écoles secondaire d’état afin que les moines puissent poursuivre leur éducation jusqu’au niveau universitaire, une fois le temple quitté.

Le troisième niveau est pour ceux qui souhaitent rester dans la vie monacale pour longtemps. Il consisterait en des étude avancées du Pali. Nous aurons peut-être moins de moines qui voudront continuer ce niveau, mais ils seront de bien meilleure qualité car ils auront eux-mêmes choisi de faire cela. Une fois qu’ils savent ce qu’ils font, la fraude n’est pas nécessaire.

Lorsque Somdet Phra Vajirananavarorasa a initié la dernière réforme de l’éducation des moines, son but était de donner aux moines la « connaissance qui guiderait leur propre comportement et les aiderait à mieux enseigner aux laïcs. Celle qui les aiderait à se comporter d’une manière bonne et décente au moment de quitter leur vie monacale, celle qui ne ferait pas d’eux des ennemis du gouvernement en ce qu’ils seraient éduqués et formés à la manière du dharma qui doit leur servir de boussole morale ».

Cette tricherie des moines aux examens, tellement étendue qu’elle est devenue pratique commune, indique que le système établie par l’ancien Patriarche Suprême il y a près d’un siècle, a complètement échoué.


Phra Paisan Visalo est un auteur illustre et un membre de la Sangha fondateur du réseau Thailand’s Buddhika pour un Bouddhisme engagé.

Source : Bangkok Post

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