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Plaidoyer pour un 21e siècle de l’Empathie

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Article écrit par Sa Sainteté le 17e Gyalwang Karmapa, Orgyen Trinley Dorje

pour Reflections – Magazine de Théologie et d’Enquête Éthique de Yale Divinity School, Université de Yale.
 
Nature de la Divinity School : Yale Divinity School est interconfessionnelle et absolument non-sectaire. La faculté est inspirée des principales traditions chrétiennes ainsi que d’autres religions du monde. Les étudiants représentent plusieurs dizaines de confessions et de groupes religieux.
 
Le 17e Karmapa, né en 1985, est à la tête des 900 ans de lignée Karma Kagyu du bouddhisme tibétain. Lignée qui a émergé comme une voix spirituelle mondiale en particulier autour des questions de compassion écologique.
 
Le Karmapa littéralement celui qui exerce une activité de bouddha ou le mode de réalisation de toutes les activités des bouddhas, s’est vu décerné, l’année dernière, par la prestigieuse université de Yale, université privée américaine de New-Haven, dans le Connecticut, le Chubb Fellowship, qui lui propose de s’engager à encourager un intérêt public sur un sujet précis.
 
Le Chubb Fellow fait habituellement une adresse publique sur un sujet d’intérêt particulier, ouvert aux communautés de Yale et de New-Haven entières. Bien que la conférence soit une composante importante de la visite, le but principal est de proposer au boursier de participer aussi pleinement que possible à la vie du collège et de la communauté de Yale. La tradition de la visite permet au Chubb Fellow de rencontrer des groupes d’étudiants et de professeurs au cours d’un repas, une réception ou un séminaire.
 
 » Au cœur de mes convictions, cette certitude conforme à mes croyances de Bouddhiste Tibétain que nous sommes tous profondément interconnectés. Que nous le reconnaissions ou non, à partir du moment où nous sommes nés, nous dépendons des autres pour vivre. La source de notre nourriture et des vêtements et même l’air que nous respirons nous est extérieur. De ce point de vue, il n’y a pas de différence entre riches et pauvres, haut et bas, ou entre les traditions religieuses et culturelles. Notre bien-être dépend des autres.
 
Même si l’on prend en compte les multiples différences dans les pratiques et la philosophie, le message principal de toutes les religions du monde semble être le même : La source de notre bonheur consiste à aider et à donner aux autres.
 
Bien que les religions puissent diverger dans la métaphysique – par exemple, s’il y a un Dieu ou non, ou, si la loi du karma, la relation cause à effet, est exact ou non – leur éthique convergent. Les religions du monde proposent des lignes de conduite destinées à enrayer les actions susceptibles de nuire à autrui. Ils encouragent les gens à agir avec compassion, à donner à ceux qui sont dans le besoin, à pardonner. En outre, elles semblent toutes tomber d’accord que finalement le bonheur ne peut être consécutif à la possession des seuls biens matériels.
 
Les Religions coexistent dans la plupart des régions du monde. Beaucoup de gens voient l’Ancien Tibet comme exclusivement bouddhiste, mais à Lhassa il y avait une communauté musulmane tibétaine florissante, qui est parvenue à se réimplanter avec succés au Ladakh, de même que des chrétiens tibétains vivaient dans les régions frontalières avec la Chine.
 
Et quant à l’Inde, berceau de l’Hindouisme, du Bouddhisme, du Jaïnisme et du Sikhisme, elle a été depuis plus de 2000 ans, une société multiculturelle – et également sut accueillir les réfugiés zoroastriens de la Perse, ceux de différentes traditions islamiques, ainsi que l’une des branches les plus anciennes de l’église chrétienne. Nous avons toujours vécu dans un monde de diversité.
 
Les religions ont évolué au sein et en fonction des histoires culturelles spécifiques et des environnements uniques. Avec sept milliards de personnes dans le monde, il serait impossible pour tout le monde de suivre la même religion. Cependant, nous devons reconnaître que chaque religion possède des trésors de grandes et bonnes qualités à proposer qui représentent une aide pratique considérable. Par exemple, dans le bouddhisme, nous insistons sur la qualité de bonté. Le christianisme met l’accent sur le pardon. L’Islam encourage l’aumône. Quand nous sommes confiants dans notre propre chemin religieux, nous ne craignons pas d’être menacés par d’autres.
 
Je propose souvent une simple analogie pour décrire la façon dont nous devrions considérer les différences de religion. Lorsque nous mangeons dans un restaurant, nous ne nous attendons pas à ce que tout le monde mange la même nourriture. Si d’autres personnes préfèrent une nourriture différente, nous sommes heureux pour eux qu’ils choisissent les aliments qu’ils aiment. Nous ne nous fâchons parce qu’ils n’aiment pas la nourriture que nous aimons. Il en va de même avec les religions qui ne sont pas en compétition les unes avec les autres, mais rencontrent des besoins et conditions différentes.
 
Lors de mes visites dans des universités aux États-Unis, y compris l’Université de Yale, j’ai eu l’occasion d’avoir de nombreuses discussions et de parler à cœur ouvert avec les membres d’autres religions. Ces expériences m’ont renforcé dans ma certitude que les connexions entre les personnes de diverses traditions religieuses ont besoin de se développer, non pas au niveau public, mais à un niveau interpersonnel, de sorte que l’expérience des gens, d’adeptes d’autres religions se développent en sentiments d’empathie et de respect mutuel. Aujourd’hui, malheureusement, nombreuses sont les actions négatives qui ont lieu au nom de la religion. De la même manière que nous puissions être attachés à notre propre groupe ethnique, nous pouvons ressentir un attachement puissant pour notre religion ; ces attachements sont basées sur des habitudes irrationnelles et irréfléchies de la pensée.
 
Il est vital de présenter les qualités de la voie religieuse d’une manière appropriée. Nous devons élever nos voix pour rendre un écho aux messages positifs et pacifiques des différentes religions du monde.
 
Notre monde du 21e siècle est confronté à de nombreux dangers et difficultés : la crise de l’environnement, guerres et conflits, les grandes migrations de réfugiés, et les divisions sociales profondes, pour ne citer que quelques-uns.
 
L’une des choses les plus importantes que les traditions religieuses peuvent faire est de modifier l’attitude des gens et de les conduire vers l’empathie et la vie simple. Les scientifiques sont très clairs quant aux dommages causés à notre environnement à cause de nos modes de vie absolument insoutenables, mais dont les conséquences laissent la plupart des gens indifférents. Si les attitudes et les motivations des gens doivent être transformées de façon positive, les chefs religieux se doivent de montrer la voie.
 
Cela signifie que chacun d’entre-nous des différentes traditions religieuses ont une grande responsabilité. En tant que leaders spirituels, nous devons rappeler aux gens l’essence des enseignements de nos traditions respectives, et non pas comme de simples concepts philosophiques, mais comme un guide pratique de la vie moderne. Nous devons transcender les frontières de nos affiliations et mettre en valeur et exploiter le potentiel de toutes les traditions religieuses.
 
Il me semble être de la plus haute importance que toutes les traditions religieuses travaillent ensemble pour soulager les souffrances du monde.  »
 

Sa Sainteté le 17e Karmapa, Orgyen Trinley Dorje
 
All Together Now: Pluralism and Faith, 2016.
 

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