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La politique religieuse prudente et modeste du nouveau gouvernement

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L’objectif affiché du pouvoir birman est ambitieux. La méthode, encore floue. Le nouveau gouvernement « va donner la priorité à la promotion de relations harmonieuses dans le pays », confiait le cardinal Charles Bo, archevêque catholique de Rangoun, à l’agence AsiaNews, le 6 juin dernier. Un projet de loi est en préparation. Il a pour but d’ « encourager la coexistence pacifique des différents groupes religieux » et de « prendre des mesures efficaces à l’encontre de ceux qui essaieraient de nuire à cette harmonie », poursuivait Mgr Charles Bo. « Cependant, je suis sceptique au sujet de la contribution des militaires et du Parti pour le développement et la solidarité dans l’Union [USDP, les anciens militaires] », relevait-il encore.
 
La préparation de ce texte législatif n’a pas été rendue publique par le ministère birman des Affaires religieuses et de la Culture, mais par des représentants de plusieurs groupes religieux qui ont assisté à des réunions préparatoires avec le ministre. « Au moins un prêtre catholique était présent [à l’une de ces réunions], a encore précisé Mgr Charles Bo à AsiaNews. Il n’y a pas eu de discussions sérieuses. Le ministre a dit qu’il était ouvert à toutes les religions mais j’ai le sentiment que c’était très superficiel. »
 
Une volonté politique nouvelle
 
Même si le projet en est à ses tout débuts, cette volonté de la part d’un gouvernement birman de promouvoir l’harmonie religieuse est nouvelle. La précédente administration, dominée par les anciens militaires, avait fait voter un paquet de quatre lois sur « la protection de la race [birmane] et de la religion [bouddhiste] », critiquées par les minorités religieuses qui les jugeaient discriminatoires. Ces lois visent à restreindre les conversions et les mariages interreligieux, à interdire la polygamie et les relations sexuelles hors mariage, ainsi qu’à contrôler la démographie dans les régions où la natalité est forte. Ces textes sont entrés en vigueur l’an dernier.
 
L’objectif affiché de la promotion de l’harmonie religieuse contraste par ailleurs avec les premiers actes et déclarations du nouveau ministre des Affaires religieuses. Le jour de son entrée en fonction, Thura U Aung Ko avait parlé, sur la radio Voice of America, des musulmans, des hindous et des minorités ethniques comme des ressortissants « associés », sous-entendant qu’ils n’étaient pas pleinement birmans. « La question de savoir si vous êtes ressortissant [birman] ou non n’a rien à voir avec la religion, s’est emporté un avocat musulman dans la presse locale. [Les] remarques [du ministre] ne respectent pas la Constitution. En tant que ministre de l’Union, il devrait le savoir. »
 
Les premiers pas controversés du ministre des Affaires religieuses
 
Trois jours après son intervention remarquée sur les ondes, Thura U Aung Ko a rendu visite aux dirigeants du mouvement bouddhiste extrémiste Ma Ba Tha, y compris à son chef de fil, le très virulent moine U Wirathu. Son déplacement a été médiatisé en Birmanie. « C’était juste pour leur rendre visite et il n’y a rien eu de spécial. Il a été nommé ministre et il y est allé pour les présentations », s’est défendu un directeur général du ministère.
 
Thura U Aung Ko est l’un des deux ministres civils du nouveau gouvernement pro démocratique issus des rangs du parti des anciens militaires, l’USDP, défait aux dernières élections législatives. Il était l’adjoint du ministre des Cultes sous la dictature militaire, avant 2011. En août dernier, lui et d’autres dirigeants de l’USDP ont été exclus du parti, accusés d’entretenir une trop grande proximité avec celle qui dirigeait alors l’opposition, Aung San Suu Kyi.
 
Le nouveau gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie s’est montré très prudent dans son approche de la question arakanaise. En 2012, plus de cent mille personnes, la plupart musulmanes, ont fui des combats interreligieux dans l’Etat de l’Arakan, frontalier du Bangladesh. Depuis, elles vivent dans des camps de déplacés. La plupart sont apatrides. Le nouveau gouvernement ne semble pas avoir de plan précis pour gérer ce dossier, et rapprocher les communautés musulmanes et bouddhistes qui vivent de manière séparée depuis quatre ans. « Il est impossible de les réunir immédiatement. Nous allons devoir le faire étape par étape, a déclaré début mai le Premier ministre de l’Etat de l’Arakan, U Nyi Pu (LND), sans mentionner quelles seraient ces étapes. C’est un processus qui va prendre du temps. C’est pourquoi il ne sera pas accompli pendant notre mandat de cinq ans. »
 
Des bouddhistes radicaux à l’affût
 
La LND ne démontre aucun empressement car elle sait qu’elle marche sur des œufs. L’Etat de l’Arakan est particulièrement instable depuis février. L’Armée arakanaise, un groupe rebelle ethnique, combat l’armée birmane dans plusieurs townships du nord de la cette région. Plus de mille personnes ont été déplacées ces cinq derniers mois.
 
Par ailleurs, les bonzes du mouvement radical Ma Ba Tha maintiennent la pression sur le nouveau gouvernement. A l’occasion de la célébration du troisième anniversaire de la formation de leur groupe, ils ont appelé le pouvoir à protéger le bouddhisme, à ne pas revoir la loi sur la nationalité qui empêche les musulmans de l’Arakan de l’obtenir, et à ériger une barrière à la frontière bangladaise pour se protéger d’une prétendue immigration illégale. Le nouveau gouvernement n’a pas indiqué ses intentions sur ces sujets brûlants.
 
U Nyi Pu dirige l’Etat de l’Arakan en tant que Premier ministre local mais son parti est minoritaire au parlement régional. Son autorité a été mise à mal dès les premières heures de son mandat. Les représentants de la formation politique majoritaire dans l’Arakan ont quitté la séance parlementaire lorsqu’il a été nommé à son poste, en signe de protestation. Au regard de ses déclarations dans la presse birmane, il semble donner la priorité à la stabilité et au développement économique plutôt qu’à l’octroi de droits politiques et sociaux aux minorités de l’Arakan, un sujet très controversé en Birmanie.
 
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