Le haïku, inspiré par la pratique de zazen, est l’expression de la perfection de l’instant: rien à ajouter, surtout pas avec le mental (effets poétiques, adjectifs, superlatifs…) mais il ne faut pas chercher non plus à « faire zen ». Simplement pratiquer zazen et être sensible à ces petits « poèmes », en avoir beaucoup lu, ouvrir la conscience et les laisser apparaître.
Sa pratique, son écriture et sa lecture sont en elles-mêmes un exercice spirituel, une exprience qui, au-delà des mots, produit un choc, un éveil de l’esprit. La mise en forme traditionnelle, 5 pieds-7 pieds-5 pieds, est au service de la fugacité, aussi la spontanité et un peu de réflexion doivent s’équilibrer: c’est comme tout. Comme les maîtres du haïku du passé, ne pas hésiter transgresser la règle quand c’est juste, et aborder tous les thèmes. Certains, quand on est en forme, peuvent être des koans, suggérer shiki et ku, la forme et le vide.
Essayez, pour voir.
Luc So Jo Bordes
le pinson des arbres
tiit! sautille devant le moine
assis en silence
Pendant ce zazen
le maître dit des choses profondes
mais le merle siffle bien
posture de bouddha
corriger un poil de moine
et l’univers change
tombée d’un platane
une feuille glisse dans le dojo
comme une pensée morte
Pratiquant la sieste
dans un carré d’herbe d’ombre
au vent lumineux
sortie du dojo
le chat passe la barre en bois
de la patte droite
cette forme vivante
égocentrique et bornée
est aussi bouddha
Ordonné moine depuis 1987, Luc Bordes, pratique le haïku depuis 30 ans et le Zen depuis 20 ans. Pour lui, les deux sont indissociables.
Recueils chez Publibook: Des rides sur l’eau (2001) et L’esprit du promeneur (2003).
Nouveaux recueils: Trois fois rien (2006) et
Le Fil du Courant (2006) en collaboration avec Liliane Debray, artiste peintre et nonne zen, dits par l’auteur.
Luc Bordes du Dojo Zen de Paris