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Shikantaza: « Juste s’asseoir »

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« Jadis l’Éveillé Shâkyamuni s’assit sur le trône du trésor,

d’autres prirent place assis sur les rochers,

tous s’assirent sur une natte d’herbes, revenant à la terre.

La pratique des éveillés est san-zen,

le recueillement assis ;

se rassembler, se rencontrer, s’unifier dans la simple assise.

San-zen (zazen) n’est pas un exercice de méditation,

mais la vaste porte de la sagesse grande ouverte sur la félicité infinie ;

c’est la pratique du pur transfigurant éveil ».

Maître Dôgen

Shôbôgenzô – Zazengi (extraits)

(Traduction du maître zen Federico Dainin-Jôkô san)

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Ce merveilleux texte du Shôbôgenzô, l’oeuvre majeure du Grand Maître Zen Dôgen, fondateur de l’Ecole Zen Sôtô, ouvre dans une profonde simplicité l’oeil du coeur sur la pratique de zazen, tellement incomprise et dogmatisée à tort.

Le tout jeune zen Sôtô européen a réduit zazen, la méditation assise, à ce mot que l’on rabâche tant : « Shikantaza ».

Pourtant shikantaza est l’essence même du bouddhisme zen Sôtô.
Dôgen semblerait avoir reçu la moëlle même de shikantaza de son merveilleux maître Nyôjô.

La traduction littérale de shikantaza pourrait être « juste s’asseoir » ou « seulement assis », mais comme toute traduction littérale, le piège est de recevoir une pratique profonde et pour vouloir la saisir en faire un concept. Il est évident que l’écueil n’en sera que moyen.
Dans notre langue « juste assis », ou « seulement s’asseoir » est très clair. Vous lisez cela et soudain l’image apparaît nettement dans votre esprit : vous, une posture, un coussin et une natte, un dojo.

Mais en japonais « shikantaza » est tout un poème qui exprime la force vitale sans artifices. Le réel de l’existence est bien loin de la définition d’une simple posture.

Grand nombre de maîtres zen occidentaux enseignent cela de cette manière, réduisant ainsi zazen à une pratique fade, sclérosée et névrosée focalisée sur une sorte de posture que l’on singe, que l’on s’efforce, souvent au prix de douleurs physiques et morales stupides, à imiter, prendre, pratiquer comme un but en soi.

Dans la majorité des dojos zen zazen c’est une posture. L’enseignement tourne autour de cette posture militaire, exigeante, tendue et hélas, dogmatique. Le coeur humble et abandonné du moine cède la place à l’effort égotique du samuraï bien trop souvent.

Ainsi j’ai vu fleurir sur les sites et ouvrages de nos temples et monastères zen français cette présentation inhumaine de l’assise zen, élitiste, dogmatique: poussez la terre avec les genoux, prenez la posture du lotus ou en tailleur, poussez le ciel avec la tête, rentrez le menton, alignez les oreilles aux épaules et le nez au nombril, fermez la bouche, ne fixez rien, redressez le dos à partir de la cinquième vertèbre lombaire, restez droit, inspirez lestement, expirez jusqu’en poussant l’expire en dessous du nombril, ne bougez pas, ne vous endormez pas, mettez vos mains en dhyana-mudra et gardez-les au niveau du bassin, ne bougez pas les pouces. Prenez une belle posture !

Combien de gens ai-je vu découragés, attristés par une pratique qui leur semblait trop dure, douloureuse, exigeante au delà du raisonnable, et ô combien souvent injuste, sans compassion. Combien de gens ai-je vu se tourner vers la pratique du zen et en partir vite avec cet aigre sentiment que cette pratique n’est pas pour eux.

Ainsi dans nos temples et dojo zen Sôtô, on retrouve souvent une pratique triste, les visages sérieux au delà du réel, la mine en effort permanent, le corps tendu par cette parodie de la posture du Bouddha assis en lotus envers et contre tout. Parfois en s’abimant le corps, et parfois pire encore en abimant l’esprit.

Zazen est devenu une affaire d’experts de la posture, de braves metteurs en ouvre d’une technique, pour certains se valant d’experts de l’assise.

Mais tout cela n’est ni zazen, ni sanzen, ni le merveilleux shikantaza transmis par Maître Dôgen.




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