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De l’amour de soi à l’amour de l’autre.

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Kusen (enseignement oral pendant la méditation) du zazen du 9 février 2014

Par le Maître zen Federico Dainin Jôkô Procopio.

Le feu chauffe, le vent bouge, la terre est solide, l’espace est vaste. Si vous cultivez votre flamme intérieure, alors vous pourrez éclairer n’importe quel endroit de l’univers et sans cesse revenir à votre lumière intérieur. Sans cesse, quand vous le voulez. Comme un enfant qui retourne à sa mère. Vous pourriez allumer à cette flamme, des milliards d’autres flammes sans que jamais votre flamme soit amoindrie. Le Bouddha a dit : « On ne diminue pas la lumière, on ne diminue pas le bonheur en le partageant ».

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Demeurez dans le souffle. Asseyez votre corps. Bien enraciné dans la terre. Droit, élevé vers le ciel. Ouvert à tout ce qui peut advenir tout autour de vous. Il n’y a aucune autre vérité que vous ici, assis, absorbés dans votre présence.

Sur les eaux de l’esprit, la lune du soir paisiblement s’épanouit…

Rien ne peut troubler la douceur de votre posture. Aussi douce que la lumière de la lune est la lumière qui brille en vous. Elle vous pénètre jusqu’au plus intime. Elle imbibe la moindre cellule de ce que vous êtes. Même la boue, la nuit à la lumière de la lune, devient lumière.

Ce monde, à quoi pouvons-nous le comparer ? A la goutte qui tombe d’un bec d’oiseau, à la rosée qui glisse à la surface d’une feuille, à ces gouttes d’eau qui réfléchissent le clair de lune. Voici que disparaît l’hiver. Voici que disparaît le temps. L’humanité toute entière, sans le savoir, laisse son corps briller à la blancheur de la lune.

Tout son qui atteint mon oreille est une voix de ce monde, là, à l’instant. Et cette voie est un ami. Il n’y a rien qui ne nous parle pas. Demeurez dans le souffle.

Ce soir, notre zazen va être écourté, l’enseignement oral aussi sera plus court puisque nous allons célébrer le nouvel an avec la cérémonie des lumières. Nous allons réaliser ensemble nos lanternes en lotus. Je vous montrerai moi-même comment procéder. C’est un travail que nous allons faire en silence et ensemble. Je vais vous demander d’être très concentrés. Et au fur et à mesure que vous allez assembler les pétales de cette lanterne, concentrez votre attention sur les êtres que vous aimez particulièrement, des êtres qui sont chers à votre cœur. Peut-être certaines personnes qui sont dans la souffrance, qui ne vont pas bien. Pétale après pétale vous vous concentrez sur ces personnes comme si vous étiez auprès d’elles. Ceci pendant les pétales colorés. Puis nous travaillerons les pétales verts qui symbolisent les feuilles du lotus, partie du lotus qui touche l’eau boueuse. Et à cet instant vous penserez plus particulièrement à toutes les personnes qui ont pu vous blesser qui vous ont fait du mal ou à qui vous avez fait du mal.

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Le monde est une seule fleur…

Cette méditation des lanternes est une méditation qui, par la création de quelque chose d’harmonieux, d’esthétique, de beau, de simple, est l’occasion, pour nous-mêmes, de nous concentrer sur la beauté des autres, quelles que soient leurs fragilités, leurs défauts. Et par notre ouvrage appliqué, concentré, et métaphoriquement par notre présence, les aider à devenir beauté et harmonie. Gardons un vrai moment de concentration, de recueillement.

Concentrez-vous, reliez-vous à toutes ces personnes à qui vous avez pensé pendant la création de votre lanterne. La première corolle rassemble ceux que vous aimez, où ceux pour qui vous ressentez un grand amour, de l’amitié, de la bienveillance. Dans votre deuxième corolle, il y a ceux qui ne sont plus là, les ancêtres, les amis disparus. Dans la troisième corolle, il y a toutes ces personnes que nous n’arrivons pas à aimer, ou qui n’arrivent pas à nous aimer, celles aussi avec lesquelles le lien a été rompu.

Dans cette lanterne, symboliquement, nous pouvons visualiser toute notre vie. C’est toute notre vie que nous devrions rendre belle. Comme ce beau lotus. Oui, c’est vrai, certaines feuilles sont un peu abîmées parce que nous ne sommes pas tous manuels, parce que c’est la première fois aussi que certains d’entre vous réalisent une lanterne en papier de riz en forme de lotus. Oui, nos lanternes ne sont pas toutes parfaites. La vie non plus. Nous dessinons la vie avec nos fragilités. Néanmoins lorsque nous allons éclairer ces lanternes, leur lumière n’en sera pas moins belle, moins brillante, moins harmonieuse malgré les quelques pétales écorchés, cette lumière va continuer de briller.

Demeurez dans le souffle. Essayez d’aligner vos lanternes avec celle du voisin. Restez bien concentrés sur vos lanternes. Continuez à visualiser tous ceux que représentent ces lanternes pour vous.
Petit à petit, vous allez vous concentrer sur la flamme de vos lanternes. Il y a une boule blanche au cœur de votre flamme. Au milieu de la flamme, il y a un endroit où la flamme est plus intense. Concentrez vous sur cette boule blanche au cœur de la fleur. Voyez-vous vraiment cet éclat ?

Vous voyez il n’y a pas une lumière plus forte que l’autre. Les formes de ces lanternes sont différentes. Pourtant elles sont faites du même papier, des mêmes couleurs mélangées, avec le même esprit. Inspirez profondément puis expirez lentement en poussant l’expiration bien au dessus de votre nombril et percevez la flamme de votre lanterne. Il y a une lumière en vous qui est aussi belle que celle de cette lanterne. C’est la lumière de la sagesse. Elle peut éclairer nos jours, elle peut briller dans la nuit. Elle peut aussi briller tout autour de nous, éclairer le monde.

Il y a beaucoup de différence entre les hommes, entre les êtres humains. Nous sommes tous bien différents. Et pourtant, comme ces lanternes, nous brillons tous de la même lumière. La source spirituelle brille clairement dans la lumière et toute obscurité en est éclairée. Il y des phénomènes, des événements dans la vie, qui sont plus ou moins réussis, plus ou moins tels qu’on les attendait. Mais la vie, notre source spirituelle, elle, brille malgré ces formes, malgré ces événements.

Le feu chauffe, le vent bouge, la terre est solide, l’espace est vaste. Si vous cultivez votre flamme intérieure, alors vous pourrez éclairer n’importe quel endroit de l’univers et sans cesse revenir à votre lumière intérieur. Sans cesse, quand vous le voulez. Comme un enfant qui retourne à sa mère. Vous pourriez allumer à cette flamme, des milliards d’autres flammes sans que jamais votre flamme soit amoindrie. Le Bouddha a dit : « On ne diminue pas la lumière, on ne diminue pas le bonheur en le partageant ».

Quand la lumière est sereine, alors l’obscurité ne nous fait plus peur. Je vous en prie, cherchez votre lumière intérieure. Je vous en prie, gardez allumée et vivante votre flamme. Ne pensez pas, cependant, que la lumière est bien et que l’obscurité est mal. S’il n’y avait pas l’obscurité comment la lune pourrait-elle briller ? Comment le firmament merveilleux des étoiles pourrait-il scintiller ? Il en est ainsi pour notre vie. Ne pensez pas que la lumière est bien et que l’obscurité est mal. La lumière et l’obscurité diffèrent comme le pied avant et le pied arrière de notre chemin. Toutes les choses ont leurs mérites, exprimées selon leur fonction, leur place et leur relation. Tous les êtres aussi. Ainsi la lumière brille grâce à l’obscurité. Comprenez que notre chemin, que la voie sous nos pieds est faite tantôt d’ombre, tantôt de lumière.

Je vous en prie, vous qui chercher la Voie, ne laissez pas passer vainement les jours et les nuits sans y prêter attention.

Ne laissez pas alterner l’ombre et la lumière en rejetant l’une et en convoitant l’autre. Et comme le cosmos, bâtissez l’harmonie de ce qui semble opposé. Pénétrez la source de cette lumière.

« Soudain l’homme de bois se met à chanter, la femme en pierre se lève et danse. »

Soyez la lumière de votre propre chemin. Et sur le bateau de la vie malgré les bourrasques, les tempêtes, restez solide et protégez la flamme. Puisez la joie dans cette lumière. C’est votre chambre au trésor que votre lumière éclaire. Ainsi éclairée, vous pourrez y pénétrer et en user, comme bon vous semble. Demeurez dans le souffle, parfaitement présents, face à votre lumière.

Les deux derniers dimanches nous avons médité sur l’amour de soi-même. Se recevoir, s’accueillir dans ce silence que nous partageons, s’accueillir profondément, percevoir cette paix intérieure qui est immense, que nous ignorons souvent, l’apercevoir de tout notre cœur, de tout votre corps assis, immobile, de tout votre être. Percevez cette paix profonde. Si vous êtes présents dans votre souffle, alors cette paix vous pouvez presque la toucher, immensément la ressentir, et la laisser vous éclairer.
Si vous étiez tout seuls ici, dans le noir de cette pièce du dojo, tout seuls avec votre seule lampe, vous ne verriez qu’à peine autour de votre lampe. C’est l’ensemble de nos lanternes allumées qui éclaire doucement ce dojo. Il y a une source immense en chaque être, une source paisible, lumineuse, envers laquelle on devrait être reconnaissants malgré le fait que bon nombre de ces êtres l’ignorent.

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Ces deux derniers dimanches nous avons parlé de l’amour de soi. Vous recevoir au plus profond de vous mêmes dans toute votre beauté, puis vous questionner : Mais que suis-je ? Quel est cet être que je dois aimer ? Qui est cet être qui est assis sur ce coussin, assis, pleinement présent ? Que suis-je ? Un vaste « ne sais pas ».

Vous êtes une grande immensité où tout est possible. Et seulement quand vous aurez perçu cette lumière en vous, quand vous aurez fait tomber en vous toutes les étiquettes, tous les préjugés, toutes les peurs, cette lumière qui aura éclairé les moindres recoins de votre chambre au trésor pourra briller, libre ; c’est seulement à ce moment là que, remplis d’une joie sereine vous pouvez vous ouvrir au monde sans effort, naturellement conscients que cette lumière qui brille devant vous, sous vos yeux, brille en chacun de nous, que ce soit les gens que vous aimez, que ce soit les gens qui vous ont quitté, qu’il s’agisse des gens que vous n’arrivez pas à aimer ou qui ne vous aiment pas. Tous portent en eux cette paisible lumière. Demeurez dans le souffle. Et, petit à petit, en terminant cette assise concentrez vous sur cette flamme, sur ce cœur blanc éclatant.
Puis, mentalement, amenez cette flamme à envahir tout votre esprit et bien au-delà de vous. Inspirez et expirez et laisser cette lumière envahir votre corps, éclairer votre esprit.

Paisiblement, quand vous irez vers les autres, dès ce soir, allez-y comme si vous teniez cette lampe dans vos mains, comme si vous pouviez à tout moment les éclairer. Et conscients aussi que tous les êtres peuvent aussi vous éclairer à chaque instant, si vous allez au-delà des étiquettes, si vous êtes capables de les voir dans leur éclat ; je vous en prie, tenez bon dans la pratique, approfondissez-vous, cultivez cette lumière.

Le monde est une seule et unique fleur.

Le monde est une seule et unique fleur éclairée par la même lumière spirituelle.

Le monde est une seule et unique fleur.

De l’amour de soi à l’amour de l’autre.




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