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De l’amour de soi – Suite et fin.

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Kusen (enseignement oral pendant la méditation) du zazen du 2 février 2014

Par le moine Federico Dainin Jôkô Procopio

« Le moment venu, juste au-delà de la vallée du monde, tu te lèveras léger dans le firmament de l’esprit. » Qui est celui qui se lève léger dans le firmament de l’esprit ? Et où se trouve ce firmament ? Le firmament et vous-mêmes êtes-vous pareils ou différents ? S’il vous plaît laissez tout tomber, lâchez tout. Mais ne rejetez rien. Gardez juste cette grande, vaste, incroyable question « que suis-je ? ».

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Asseyez votre corps avec toute la compassion dont vous êtes capables à cet instant.

Si vous deviez tenir entre vos bras l’être le plus fragile qui soit, si vous deviez tenir dans vos bras l’être le plus aimé de votre vie, et que cela devait se traduire par la façon dont vous vous asseyez, asseyez vous avec autant d’amour et autant de bienveillance.

Ne bougez plus ni le corps ni le regard. Devenez vastes, plus vastes que ce corps. Et lorsque le corps est bien assis, installé dans la vie, enraciné dans la terre, présent à votre histoire, droit et ouvert vers le ciel, lorsque ce corps est vraiment assis, alors laissez l’esprit s’assoir. Demeurez présents. Sans attentes.

Prenez une belle posture, harmonieuse, élégante et joyeuse. Et dans ce silence ne faites rien d’autre que de vous observer, de vous percevoir. Ne faites rien d’autre que de tourner la lumière de tout votre amour en vous même. Ce soir ne faites rien d’autre que cela.

Suivez le souffle. Suivez l’air qui traverse vos narines, passe derrière la tête, emprunte la trachée et, après les bronches, elle remplit vos poumons ; et observez votre corps qui se dilate. Puis suivez ce même souffle qui quitte le corps, les poumons se vidant et votre expiration allant jusque bien en dessous de votre nombril. Et le corps se vide. A cet instant, il n’y a aucune autre vérité que celle-ci. Soyez présent au souffle, soyez présent à vous-même.

Restez dans votre posture. Lorsque la cloche sonne nous allons nous lever pour la marche méditative, le kin-hin. Relevez vous doucement. Prenez conscience de ce corps qui se lève et se tient debout.
Respirez. Tenez vous droits, étirés, grandis, vastes entre le ciel et la terre. Prenez conscience du corps. Avec la conscience que ceci est votre corps. Avez-vous seulement conscience que ceci est bien votre corps ? votre seule véritable demeure ?

La base de votre corps bien large, installée au sol, bien enracinée, le dos droit mais pas raide, le menton légèrement rentré, les avants bras au niveau de l’aine, le poids des épaules qui tombe sur vos avants bras : lâchez tout ! Ouvrez vos mains à l’infini ; la main droite paume vers le haut tient la main gauche paume vers le haut, et les deux pouces se touchent. La bouche est fermée, on respire par le nez. Et le regard mis clos devant vous à environ un mètre. N’essayez pas de prendre la posture de zazen, laissez la posture de zazen vous assoir. Et respirez. Libres.

Dimanche dernier j’ai parlé de l’amour de soi. Je vais poursuivre.

Voici un poème du Maître Wenchi :

« Le moment venu,

juste au-delà de la vallée du monde,

tu te lèveras léger dans le firmament de l’esprit.

L’enfant de jade s’envole assis sur un phoenix azur,

l’enfant d’or offre une pêche écarlate.

Deviens cet homme qui effleure une harpe, une harpe sculptée dans les fleurs.

Devient cet homme qui joue, qui joue une flûte de cristal au clair de lune.
Mortel et immortel n’existent plus. C’est ainsi que léger que tu traverseras l’océan. »

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Qui êtes-vous ? Qui êtes-vous ? Qui est celle ou celui qui se tient assis sur ce coussin ? Si vous ne pouvez pas répondre correctement à cette question, comment pouvez-vous vous aimer ? Comment l’on aimerait quelqu’un d’inconnu ?
Qui êtes-vous ?

« Le moment venu, juste au-delà de la vallée du monde, tu te lèveras léger dans le firmament de l’esprit. » Qui est celui qui se lève léger dans le firmament de l’esprit ? Et où se trouve ce firmament ? Le firmament et vous-mêmes êtes-vous pareils ou différents ? S’il vous plaît laissez tout tomber, lâchez tout. Mais ne rejetez rien. Gardez juste cette grande, vaste, incroyable question « que suis-je ? ».

Que suis-je ? Alors, que suis-je ?

Si vous laissez cette question raisonner vous allez voir apparaître dans votre esprit tout un tas de réponses. Que suis-je ? Et soudain….., je suis ceci, je suis cela. Je suis heureux, je suis malheureux. Je suis beau, je suis laid. Je suis intelligent, je suis crétin. Je suis homosexuel, je suis hétérosexuel. Je suis chanceux, ou je suis celui qui n’a pas de chance. Je suis ce corps, ce prénom….. Et pourtant vous n’êtes rien de tout cela. Ni ce que vous dites être, ni ce que les autres on dit de vous. Ni ce qu’il a fallu dire pour être acceptés, pour être aimés. Ni ce que vous avez souhaité ce que les autres disent de vous, ni ce que vous n’avez pas souhaité que l’on dise de vous.

Qui êtes vous ?

« Le moment venu, juste au-delà de la vallée du monde, tu te lèveras léger dans le firmament de l’esprit. » Qui es ce « tu » ? Notre esprit ne peut se lever léger tant que nous n’avons pas abandonné toutes ces étiquettes : beau, laid, bon, mauvais, heureux, malheureux, crétin, intelligent, homosexuel, hétérosexuel…

S’il vous plaît laissez les toutes tomber.

Mais alors que reste-t-il ? Lorsque la chambre de votre coeur, le palais de votre esprit, ce firmament, seront dépouillés de toutes ces étiquettes encombrantes et illusoires, alors le moindre recoin pourra être éclairé.

Que suis-je ? Un vide insondable, un grand « ne sait pas ».
Et le vide n’est pas le néant. Le vide est le réel merveilleux parce qu’il peut sans cesse tout recevoir, puis se vider à nouveau, et à nouveau encore et encore, tout recevoir. Ce vaste vide insondable en nous, est notre plus précieux trésor.

Observez votre esprit à cet instant. Observez toutes ces pensées, ces émotions, ces perceptions, ces sensations. Regardez tout ce qui se passe dans votre esprit, la joie, la tristesse, l’amour, la haine, la colère, l’enthousiasme, le bien être, le mal être. Qui êtes-vous ?

Pouvez-vous attraper une seule de ces pensées, de ces émotions, de ces sensations que nous éprouvons sans cesse. Qui peut les attraper ? Rien n’existe en soi, juste un vide insondable. Fréquentez régulièrement cette profondeur de vous, là où il n’y a plus aucune étiquette, ni même les étiquettes que vous avez collé sur votre vie, ni celle que les autres ont collé pour vous.

Et là…. voici « l’enfant d’or qui offre une pêche écarlate ». Là s’offre devant vous toute votre beauté, toute votre grandeur. Simplement. Ceci est zazen. Allez toucher en vous cette nature véritable. Votre véritable esprit qui est libre, vaste, sans étiquettes. Regardez vous au plus intime. Regardez au delà de toutes ces pensées, ces sensations. Regardez au-delà, ouvrez les yeux, éveillez-vous. Juste un vaste, merveilleux, vide insondable. Et soudain, vous êtes tellement légers de liberté. Et soudain tout est tellement possible, tout, le pire comme le meilleur. Mais vous ne serez jamais ni ce pire ni ce meilleur.

Nous sommes tellement immenses. S’il vous plaît laisser zazen vous approfondir, jusqu’à toucher ce vaste vide insondable. Laissez-vous vous émerveiller lorsque vous portez ce regard vers vous mêmes.

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Qui êtes-vous ? Que suis-je ?

Tantôt cet homme qui joue une harpe, une harpe sculptée dans les fleurs, c’est-à-dire le bâtisseur de toute la beauté du monde en vous. Tantôt cet homme qui joue, qui joue une flûte de cristal au clair de lune, c’est-à-dire un être qui fait de sa vie, fragile et précieuse, un don harmonieux, unifié à tous les êtres.

Cela commence d’abord par l’amour de vous-mêmes. L’amour de vous-mêmes. Mais comment vous aimer sans déjà vous connaître ? Alors je vous en prie garder précieusement cette grande question « que suis-je ? » à chacune de vos inspirations, laissez vibrer ce « que suis-je ? ». Puis en expirant, lâchez tout, même la réponse. Que suis-je ? Et lorsque cette question sera enraciné dans votre souffle à chaque instant vous verrez qu’il n’y aura pas d’autre réponse que vous même, instant après instant. Oui la réponse à la grande question n’est autre que vous –mêmes.

La grande réponse n’est autre que notre vie. A chaque instant différente, nouvelle. C’est incroyable !

Aussi ce travail avec vous-mêmes est le travail de toute une vie. Vous pouvez être émerveillés à chaque instant et peindre votre existence d’émerveillement. C’est notre grande beauté intime.

Vous êtes tellement beaux au plus profond de vous. Laissez votre beauté jaillir. Redécouvrez vous. Que suis-je ? Que suis-je ?

Que suis-je….. et lâchez tout. Répondez à la vie par la vie. Car il n’y a pas d’autre réponse à la vie que la vie même.

Que suis-je ?

« Le moment venu, juste au-delà de la vallée du monde, tu te lèvera léger dans le firmament de l’esprit. L’enfant de jade s’envole assis sur un phoenix azur, l’enfant d’or offre une pêche écarlate. Deviens cet homme qui joue cette harpe, une harpe sculptée dans les fleurs. Devient cet homme qui joue, qui joue une flûte de cristal au clair de lune. Mortel et immortel n’existent plus. C’est ainsi que léger tu traverseras l’océan. »

Manifestez, ici, le moment favorable. Il ne dépend que de vous.

De l’amour de soi (suite et fin).




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