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J’en sais rien…

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thCAPHBZEF.jpgNos amis restaurés et aussi reposés, reprennent la route, enfin disons plutôt le chemin.

En admirant le soleil qui lance des diamants sur l’océan, Dachen en oublie le vol du sac à dos et peut être bien la tablette magique : quoi de plus magique d’ailleurs que ce beau spectacle gratuit ?

Makimoko sautille en tous sens, d’une épaule à l’autre, et chaque fois il est reçu avec affection.

Avec son immuable sourire partagé entre humour et compassion, Lama Teu Tsé se dit que c’est peut être le moment de semer des graines. Il le sait bien, lui, une seule graine donne un bel épi. Et puis, entre nous, il ne voit pas pourquoi un braconnier aurait volé le sac à dos d’un gamin de onze ans ?

Pour l’instant, on dirait que plus, on s’éloigne de l’agitation, plus la sérénité gagne nos amis.

thCAWH081P.jpgMimose pourtant, d’habitude prompte à s’exclamer devant la beauté des azalées en fleurs ou des orchidées sauvages, ne dit rien. Elle a perdu son entrain. Lama Teu Tsé qui possède la clairvoyance l’a bien vu, elle marche dans sa tête : comme si son cœur pesait encore plus lourd que son sac à dos.

Bien qu’il n’ait jamais élevé d’enfants, Lama Teu Tsé devine les peurs de l’adolescente : à treize ans, l’avenir semble hostile. Mimose n’échappe pas à ces angoisses.

Puisque les autres semblent sereins, le grand lama se rapproche de sa petite amie :

– Que penses-tu de cet endroit Mimose ?

– C’est magnifique ! Génial ! Super ! Si seulement ils pouvaient le laisser dans cet état !

– « ILS », que veux-tu dire par là ?

-Ben tous ceux qui massacrent tout ici ! Y’ nous z’ont déjà détruits plein de bestioles et des plantes…

– Tu veux parler des pétrels et des fougères ?

– Oui et puis aussi les orchidées. Et pendant ce temps là on est envahi par les goyaviers. Y’zabîment tout !

– Abîment ?

– Vous savez un jour, avec leur pollution, finiront bien par détruire notre île

– Pour l’instant la vigilance est active.

– Quand même, regardez lama ! Avant quand je venais ici avec papa, c’était plein de petits tamarins, maintenant vous en voyez vous ?

– Pas tellement c’est vrai.

– Pas tellement ? Zéro, oui !

– Et cela t’inquiète ?

La Terre ne nous appartient pas, nous l’empruntons à nos enfants

(proverbe amérindien)

thCA8PV3LP.jpg– Bien sûr, y’nous enlèvent tout ! Y nous restera rien quand on sera grand. Moi, ça me dit pas. C’est pas rassurant. Ça me fait peur. A quoi ça sert d’aller à l’école si on n’est même pas sûr d’avoir un endroit pour vivre ? Et du travail aussi. Si c’est pour rester collé à sa télé dans sa ti’case en tôle…

– Vis-tu dans une case en tôle ?

– Non, pas maintenant, mais allez savoir, peut être que je serai trop grosse ou trop moche, personne voudra de moi ?…

– C’est normal que tu t’inquiètes. Tu es un peu comme le voyageur qui doit passer d’une rive à l’autre. Il se demande quelle voie est la meilleure ? Et il s’inquiète de ce qui l’attend sur l’autre rive. A ton âge, on quitte les rives de l’enfance pour pénétrer sur celles de l’âge adulte…

– Et c’est le monde inconnu, vous avez vu ce qu’ils en ont fait de leur monde. Si c’est pour vivre comme eux.. Ici encore, c’est à peu près jouable, mais quand on voit dans les villes, en métropole… C’est bien pire qu’ici.

– Qu’est-ce qui te fait dire cela ?

– Je sais pas. Comme ça.

Et moi, et moi, et moi… Quel émoi !

thCAO6LS3L-2.jpgÉvidemment, Dachen qui ne supporte pas longtemps le silence arrive aussi. Pour être sûr que l’attention se portera sur lui, il fait un peu de provoc’

– Faut pas vous en faire tous les deux. Vous savez pas que j’ai manqué tomber.

-… Si c’est juste manqué.

– J’aurais pu au moins me tuer…

– Et comment ?

– J’sais pas, mais ça aurait pu…

Lama TeuTsé sent le moment venu.

– Vous voyez mes deux petits, tu permets Mimose que je t’appelle encore ma petite, c’est par affection. C’est curieux, vous ne marchiez pas ensemble, pourtant en quelques minutes, tous les deux, vous m’avez répondu plusieurs fois « j’sais pas ». D’après vous pourquoi ?

– J’sais pas !

Les trois éclatent de rire. Makimoko voudrait profiter aussi…

-J’ai peut être une idée. Si vous m’y autorisez tous les deux, je voudrais vous parler de l’ignorance. Je propose de nous assoir en rond et de vivre un bel instant de partage.

– Et si on arrive trop tard ?

– Vous croyez qu’on va arriver trop tard ?

– Je ne sais pas…

Ah Lama Teu Tsé, toujours un peu taquin pour calmer les esprits.

thCAZZ9Z3L.jpg– Eh bien, comment dis-tu déjà Dachen ? Ah oui « la version courte », je vais faire la version courte. Le titre serait Les Tenailles de l’ignorance.

Une seule goutte de poison peut tuer un homme

– Savez-vous que l’ignorance est un poison ?

– Ah bon ? Comme le produit qu’ils mettent sur les cannes ?

– Pire car il attaque notre esprit, le serre dans ses tenailles et pourrait le détruire. Vous le savez une seule goutte de poison peut suffire à tuer un homme.

– … Ou un lémurien.

– Je vous ai déjà raconté la vie du jeune Gautama, futur bouddha.

Ignorant tout de la misère du monde, il habitait un palais fermé dont son père avait fait verrouiller toutes les portes. Jamais il n’avait été confronté à la souffrance. Croyez-vous que son père avait raison de lui cacher les réalités de l’existence ?

– C’est pas pire que de tout nous dire. Nous les enfants, y’a des choses qu’on n’a ni envie de voir, ni besoin de savoir. Vous croyez que c’est vrai, on m’a dit qu’en France, y’a encore des gens qui détestent les Allemands ou les Arabes…

– Tout ça pour des guerres terminées y’a plus d’un demi siècle !

– C’est vrai et on peut craindre qu’il en sera de même au Tibet…

– Y’sont bêtes…

Il n’y a pas de méchant, il n’y a que des souffrants

(Lise Bourbeau)


thCAMYIP9S.jpg– Non, beaucoup de gens vivent ainsi tournés vers le passé. Attachés à leur souffrance passée ils se créent un présent de souffrance… Ces comportements n’ont rien à voir avec l’intelligence. Ils résultent de nos illusions, ce qu’on appelle en bouddhisme les phénomènes perturbateurs. Notre mental est empoisonné par les haines, ou les attachements. L’un entretien sa colère envers un nazi qui a tué son père. Une mère est emplie de colère car elle n’a jamais pu guérir d’avoir perdu son fils dans un accident de voiture. Quant au 3ème, il a peur des Roms car on lui a dit quand il était petit que « les Bohémiens volent les enfants ». Tous ces phénomènes sont comme un voile qui se dépose dans notre mental et nous plonge dans les ténèbres. C’est comme si leur conscience était à moitié endormie à cause d’un somnifère, ou comme s’ils étaient saouls : leur discernement est obscurci. On pourrait considérer qu’ils sont malades…

– Malade ? Oui, mais quoi faire ?

– Que ferais tu si l’un de nous était malade ?

– J’appellerais le docteur…

– Bravo Dachen, tu as tout à fait raison ; c’est pourquoi le bouddhisme conseille d’avoir un maître en qui on a confiance, il est notre meilleur médecin. Et son enseignement notre meilleur médicament.

– Nous on vous a…

– Quelle chance !

– Je ne suis qu’une punaise, comme dit Sa Sainteté, votre Maître, c’est le Bouddha. Lui seul peut vous montrer comment trouver la lumière capable d’éclairer les ténèbres.

– On m’a dit que dans certains pays, ils ne disent pas l’Eveillé mais l’Illuminé, c’est pour cela ?

– Oui tout à fait. Et malgré tout ce qu’il peut apporter, le Bouddha recommande aussi

Soyez votre propre lampe, votre île, votre propre lumière.




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