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Le bouddhisme vit un plein éveil en Chine

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Hang_Zhou79.jpgLe bus stationné devant le grand temple bouddhiste Hua Gong de Dalian n’attend plus que les derniers retardataires pour partir. L’ambiance est bon enfant et le soleil réchauffe les cœurs en ce printemps qui tarde à arriver dans ces lointains confins du nord de la Chine. Personne ne s’est engagé seul dans ce pèlerinage au mont Wai Bo Lao Mu, montagne sacrée du bouddhisme dans cette province froide du Liaoning, frontalière de la Corée du Nord.

À deux, trois ou quatre, les petits groupes se trouvent un siège où l’on dégustera plus tard petits pains vapeur, saucisses chinoises, poulet mariné, légumes séchés et fruits frais. Nourritures terrestres indispensables avant de se plonger, le lendemain, l’espace d’une journée, dans une longue marche nourrie de méditation, d’incantations et de prosternations. Auparavant, il faudra faire cinq bonnes heures de bus, s’installer dans un petit hôtel pour la nuit et repartir à l’aube vers la montagne sacrée.

Pas de chants religieux ni de prières durant le trajet pour la cinquantaine de Chinois qui ont pris deux jours de congé pour cette démarche spirituelle. « C’est intéressant de remarquer que l’année dernière il n’y avait pratiquement que des personnes âgées », explique Yan, 19 ans, pianiste talentueux au Conservatoire de Pékin, jeune fidèle convaincu qui va au temple chaque semaine, même si sa famille ne pratique pas.

Tout juste évoquera-t-il une grand-mère qui lui aurait parlé du Bouddha dans son enfance, mais on sent qu’il a découvert seul cet univers religieux et qu’il y trouve sérénité et réconfort.

« La religion existe pour moi, mais ce n’est pas elle qui dicte mon comportement, ce sont deux espaces bien séparés, analyse-t-il. Mais j’en ai besoin. » Après quelques heures à partager le même espace roulant et profitant des arrêts sur les aires d’autoroute, les langues se délient, on se présente, on parle, on partage sa nourriture, on rigole.

Près de la moitié des pèlerins vivent leur première expérience spirituelle, convaincus par un ou une amie, un collègue ou un cousin. « Je n’ai pas pris d’appareil photo », annonce d’emblée Xiao Xiaoxi, 25 ans, une jeune cadre d’une banque ayant fait des études en Écosse, accompagnée de deux copines athées mais curieuses.

« Ce n’est pas une escapade touristique dans les montagnes comme le font les Chinois pendant le week-end, dit-elle, j’ai quelque chose de fort et honnête à vivre. » Et ses deux amies d’acquiescer, l’une d’elle ajoutant que « si ces lieux bouddhistes existent depuis tant de siècles, c’est bien qu’il y ait quelque chose de particulier à vivre ».

Nombreux sont les pèlerins à n’avoir aucune notion du bouddhisme, de la philosophie et de la vie de Bouddha, de l’histoire du bouddhisme en Chine. C’est pourquoi l’agence de voyage sollicitée par le monastère Hua Gong de Dalian met à leur disposition une sorte de guide religieux qui, durant plus d’une heure et demie dans le bus, va délivrer un long discours sur l’esprit d’un tel pèlerinage, la façon de se comporter une fois entré dans le sanctuaire, la marche à suivre, les quatorze temples devant lesquels il va falloir s’arrêter et prier, à qui ils sont dédiés, le rituel, les prières, les postures physiques… Dans le bus, tout le monde boit les paroles du guide, le visage sérieux, déterminé à suivre à la lettre les exigences demandées, afin de voir ses vœux exaucés par le Bouddha.

Le cœur parfois lourd ou l’esprit perturbé par des soucis de la vie quotidienne, les pèlerins viennent avec des demandes spéciales. On vient à la rencontre des divinités du panthéon bouddhique afin de solliciter leur aide et leur soutien pour que soient allégés les fardeaux matériels et psychologiques.

À cet égard tout est prévu : le guide annonce son passage ce soir dans toutes les chambres de l’hôtel afin de préciser les vœux de chacun. Xi Yuan et sa sœur jumelle expliquent la procédure : « Vous allez cocher sur un petit imprimé ce que vous demandez à Bouddha », disent-elles.

Le soir, le guide distribue une petite fiche jaune recto verso où sont inscrites les demandes possibles : « relations avec votre patron, santé pour les parents, examens pour les enfants, protection pour ceux qui partent à l’étranger étudier, trouver un meilleur travail, être embauché… ».

Chacune de ces prestations correspond à un prix allant de 158 yuans (15 €) jusqu’à 2 000 yuans (180 €). Assis sur votre lit, le guide encaisse l’argent avant de vous laisser dormir. Lever à 4 heures du matin…

Le petit déjeuner à peine avalé alors que le soleil n’est pas levé, le petit groupe monte dans le bus pour quelques kilomètres jusqu’aux portes de la montagne sacrée où il va d’abord chercher les offrandes en encens au prorata de l’argent versé la veille au soir. Si certains ou certaines en sortent avec un lot de quelques bouquets de bâtonnets d’encens multicolores, d’autres en revanche ploient sous un fardeau d’immenses bâtons d’encens épais de cinq centimètres et de bougies énormes en forme de fleur de lotus…

Vêtu d’un costume tout neuf et de belles chaussures en cuir, le neveu de grand-mère Ma, le visage rougeaud mais souriant, pose fièrement devant le premier temple avec ses kilos d’encens de 2 500 yuans (250 €). « Je viens chaque année ici depuis une dizaine d’années », explique en riant la septuagénaire très alerte, risquant quelques mots en anglais : « Buddha is good », avant de revenir au mandarin.

« Je n’ai jamais cessé de prier, même dans les périodes les plus dures du maoïsme, notre âme chinoise vit dans le Bouddha et personne n’arrivera jamais à l’enlever… Tous les jeunes qui viennent ne sont pas privés de religion comme nous l’avons été, ils sont éduqués et peuvent comprendre la philosophie importante pour mieux vivre dans la vie. »

Loin de s’arrêter à la seule dimension financière de la démarche – « plus vous donnez au Bouddha, plus il vous le rendra », explique Xiao Xiao Xi –, chacun vit avec intensité son dialogue avec les divinités diverses des quatorze temples de la montagne sacrée, on s’agenouille, on se prosterne, on récite des prières. On brûle tout, afin que les volutes montant vers le ciel délivrent les messages.

Pour Yan le pianiste, bousculé par la vie, toujours prêt à faire les quatre cents coups : « Je me tourne vers Bouddha pour l’interroger sur mon futur, dit-il, et pour qu’il me vienne en aide. » Pour Mei Hua, qui va se marier bientôt, son petit ami près d’elle, ces deux journées ont été « réconfortantes ».

« Je veux apprendre le bouddhisme, afin d’avoir une vie équilibrée et stable, pour ne pas être seule devant les difficultés de la vie. La famille chinoise est unie et solidaire, mais, pour les jeunes aujourd’hui, la vie n’a jamais été aussi difficile, les défis à relever sont immenses. On ne peut plus compter sur le gouvernement comme nos parents par le passé, il nous faut une force supérieure et je l’ai trouvée au cœur de cette montagne sacrée. »


Source: La Croix




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