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Sur les traces de la dent du Bouddha

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Le temple Sima Malaka, à Colombo
Le temple Sima Malaka, à Colombo

En basculant derrière les montagnes, le soleil nimbe les eaux du lac de Kandy d’un fard rose. Il est 19h et le temple de la Dent vient d’ouvrir ses portes pour le thewava – le rituel d’adoration – du soir. La foule, qui jusque-là marchait paisiblement dans les jardins du palais des anciens monarques de Ceylan, se presse vers les portails détecteurs de métaux sous l’oeil impavide des militaires armés. Même si la guerre civile qui opposait les rebelles séparatistes de l’Eelam tamoul au gouvernement central a pris fin il y a plusieurs mois, les mesures de sécurité sont dignes du Pentagone. C’est que le Dalada Maligawa, autrement dit le temple de la Dent, est le sanctuaire le plus sacré du bouddhisme. C’est le seul qui contienne une relique du Bouddha: sa canine gauche recueillie sur son bûcher funéraire. Après plusieurs tribulations, elle arriva au Sri Lanka au IIIe siècle. Les rois de Ceylan en firent le symbole qui légitimait leur pouvoir et, aujourd’hui encore, cette dent est intimement liée à l’identité nationale. Si un terroriste faisait exploser le temple de la Dent, tous les bouddhistes sri lankais, c’est-à-dire trois habitants de l’île sur quatre, considéreraient la chose comme une tragédie plus funeste que le tsunami qui a ravagé leurs côtes en décembre 2004.

Malgré les M16 qu’ils tiennent en bandoulière, les militaires sri lankais semblent plus débonnaires que menaçants. Ici, dans l’enceinte sacrée, tout comme aux postes de contrôle sur les routes, ils rendent sourire pour sourire, et ils prennent une pose plus avenante que martiale, lorsqu’on fait mine de les photographier. Ils ne sont pas les seuls. Pas besoin, dans ce pays, de demander la permission pour photographier les gens de la rue qui se prêtent à la séance photo avec une complaisance surprenante, jusque dans les situations intimes. Ainsi, les villageois, qui n’ont pas l’eau courante, se lavent dans les canaux qui quadrillent les régions de l’intérieur pour irriguer les rizières. Et femmes ou hommes, ils ne se formalisent pas le moins du monde lorsqu’on les immortalise pendant qu’ils font leurs ablutions, à moitié dévêtus. Alors que je m’en étonnais, un Sri Lankais m’a répondu: «Mais, monsieur, vous photographiez parce que vous êtes un touriste! Et nous sommes tellement contents que les touristes soient revenus! Après le tsunami et trois années de guerre, ça signifie que nos malheurs sont terminés.»

Au temple de la Dent, ces touristes augures de bonheur s’immergent dans la marée humaine qui défile lentement pour passer devant l’ouverture qui permet d’entrevoir bien fugitivement la châsse d’or qui contient la précieuse relique. Brandissant leurs Nikon, ils se pressent contre les matrones sri lankaises accompagnées de leur progéniture et ils marchent sur les pieds des pèlerins venus de toute l’Asie. Mais tout se déroule dans la bonne humeur.

En quelques jours, j’ai bouclé le parcours emprunté par la dent sacrée au fil de 17 siècles de pérégrinations au Sri Lanka. J’ai arpenté les allées d’Anuradhapura, qui fut la capitale de l’île pendant un millénaire et demi et abrita le réceptacle de la dent jusqu’au XIe siècle. Aujourd’hui, c’est une ville morte où les archéologues s’emploient à extirper les fondations des anciens temples et palais, sous l’égide de l’UNESCO. Mais une ville morte qui grouille de vie, parce que bonzes et pèlerins viennent se recueillir sous l’arbre Bô – ce banian qui a prospéré à partir d’une bouture de l’arbre sous lequel le Bouddha aurait expérimenté «l’éveil» – et prier dans les dagobas, ces stupas monumentaux qui sont les cathédrales du bouddhisme sri lankais. J’ai visité les ruines de l’ancien palais de Pollonaruwa où une nouvelle dynastie a déplacé la dent au Xe siècle. J’ai escaladé le rocher de Sigiriya, montagne en forme de tour où, dans une grotte nichée à mi-falaise, on admire les séduisantes «demoiselles de Sigiriya», fragments miraculeusement conservés d’une gigantesque fresque peinte il y a plus de 15 siècles. Dans les grottes de Dambulla, j’ai passé en revue les fresques et les alignements de statues du Bouddha. En arrivant à Kandy, cette ville enchâssée dans un cirque de montagnes, qui dégage tellement plus de charme que Colombo, j’ai bouclé «le triangle culturel», cette région du centre de l’île qui figure sur l’itinéraire obligé de tout touriste consciencieux.

Repères

Le Sri Lanka, «l’île sacrée», connu sous le nom de Ceylan jusqu’en 1978, a une superficie similaire à celle de l’Irlande. La capitale, Colombo, compte environ 2 millions d’habitants.

Décalage horaire:

10h30. Lorsqu’il est 8h du matin à Montréal, il est 18h30 à Colombo.

Y aller:

par Air Canada jusqu’à Paris ou Francfort, puis SriLankan Airlines (17 heures de vol en tout, 2 de plus au retour). L’agence Traditours de Laval y programme des groupes guidés en français pendant notre automne et notre hiver.

On y va pour:

– Kandy, au bord de son lac, que les habitants considèrent encore comme la véritable capitale de l’île, même si elle a perdu ce statut depuis que les Britanniques ont détrôné les rois de Ceylan au début du XIXe siècle.

– Le «triangle culturel», constitué d’une demi-douzaine de sites archéologiques, dont certains, comme le rocher de Sigiriya et les grottes de Dambulla, sont spectaculaires.

– La région montagneuse du centre avec ses paysages façonnés par les plantations de thé et les cultures maraîchères en terrasses.

– Les parcs nationaux, comme celui de Yala, où on observe les buffles d’eau, les crocodiles, les varans, les troupeaux d’éléphants sauvages et, avec un peu de chance, les léopards.

– Galle, ville fortifiée par les Hollandais, qui a conservé son charme colonial.

– Les longues plages de sable jaune, frangées de cocotiers.

– L’accueil incomparable des Sri Lankais. Je n’ai jamais vu ailleurs une telle ouverture désintéressée à l’égard des touristes.


Par André Désiront

Source: www.cyberpresse.ca




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