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Religions, parlez-moi d’humour

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Les religions manquent-elles d’humour ? Existe-t-il un humour musulman, juif, chrétien, ou boud­dhiste ? Des spécialistes de chacune de ces grandes traditions se sont (sérieusement) penchés sur la question.


Illustration tirée de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les cathos sans jamais oser le demander de Guézou, Presses de la Renaissance
Illustration tirée de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les cathos sans jamais oser le demander de Guézou, Presses de la Renaissance



Même si chacun a en réserve des blagues sur le paradis ou des histoires juives, la religion est plus souvent présentée sous un visage austère que souriant. L’idée selon laquelle les religions se méfient du rire est notamment à l’origine du roman d’Umberto Eco, le Nom de la rose, où un moine bénédictin assassine ses semblables pour les empêcher de diffuser un texte d’Aristote sur le rire. L’humour, parce qu’il comporte une part d’irrévérencieux, flirte parfois avec le sacrilège, ce qui explique que toutes les traditions spirituelles se soient penchées sur la question avec plus ou moins de crispations et de peurs. Pourtant, le christianisme, l’islam, le judaïsme et le boud­dhisme recèlent des trésors d’humour.


[…]


« Chez les bouddhistes, l’humour est une forme de lâcher-prise »




Fabrice Midal, philosophe, fondateur de l’École occidentale de méditation.

« Dans le boud­dhisme, le sens de l’humour est une forme de résistance à l’institutionnalisation de la religion. Drugpa Kunley, l’une des figures les plus connues du monde tibétain, était un provocateur constant : il ne cessait de se moquer de l’institution. Un jour, il va dans un monastère où des moines confessent les attitudes qui ne sont pas dans la perspective de la voie. Un moment après, dans la cour, il saute sur des petits cailloux, par-dessus les grosses pierres. Quelqu’un lui demande : “Que faites-vous ?” Il répond : “Je fais comme vous, une grande histoire des petites fautes que j’ai faites et je fais semblant de ne pas regarder les grandes.” Par l’humour, il dénonce l’hypocrisie de la situation et permet de prendre de la hauteur. L’humour est très lié à la notion de vacuité. Ainsi, les bouddhistes n’adorent pas le Bouddha. Dans l’un des grands courants boud­dhistes, on répète tous les matins “Il n’y a pas de Bouddha”, et puisque le Bouddha n’est pas, il peut y avoir le Bouddha… Ils ne veulent pas rigidifier leur pensée et perdre la possi­bilité de voir les deux points de vue ensemble : c’est ça l’humour bouddhique de fond, ne pas croire en la dualité : d’un côté, le bien et, de l’autre, le mal. Cette pensée est déjà en rapport avec un certain sens de l’humour, elle est liée au fait que vous reconnaissez que la vérité vous échappe. Le sens de l’humour a beaucoup à voir avec le fait que vous n’ayez pas le dernier mot, que vous ne décidiez pas de la réalité. Ce lâcher-prise est au cœur de la méditation telle qu’elle se pratique dans le boud­dhisme et qui vise non pas à se détendre ou à devenir plus cool, comme on le croit souvent dans le monde occidental, mais à prendre conscience du fait qu’on ne peut pas tout dominer, tout maîtriser. La pratique de la méditation a beaucoup favorisé un sens de l’humour, et ce sont les courants boud­dhistes qui l’ont déployée, comme le tibétain et le zen, qui ont le plus ­développé le sens de l’humour. »



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