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Crise financière : « On doute de tout, on ne comprend plus ce qui se passe »

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La Voix du Nord – 13.08.2011

LA SEMAINE VUE PAR…Olivier REIGEN WANG-GENH


owg.jpgLe dalaï-lama est arrivé hier à Toulouse pour une visite pastorale de trois jours. Profitons de l’occasion pour prendre notre temps et réfléchir aux furieux événements de la semaine. En compagnie d’Olivier Reigen Wang-Genh, président de l’Union bouddhiste de France, que nous avons contacté dans son monastère de Weiterswiller, dans les Vosges du nord, en Alsace.


Le dalaï-lama en France


« Les déplacements du dalaï-lama en Occident attirent toujours des foules assez considérables. Ça vient de sa personnalité, de son charisme. C’est quelqu’un de vraiment exceptionnel. Le message qu’il délivre est celui de l’apaisement, et ce n’est pas si conventionnel que ça. Il ne vient pas juste apaiser momentanément nos esprits échauffés mais il va plus en profondeur, par des messages qui ont un sens et peuvent être mis en pratique au quotidien par tout un chacun. Son succès vient aussi du manque de perspective que connaissent beaucoup de gens en Occident. C’est un leader spirituel mondial. Mais il y a aussi beaucoup de monde quand le pape se déplace… Ce type de message correspond à un vrai besoin. Je le constate tous les jours. Nous sommes tellement dans l’instantané, l’émotivité, les passions, que nous nous saisissons d’un message qui touche le coeur des hommes. Et puis, le bouddhisme jouit d’un courant de sympathie en France, d’un a priori extrêmement favorable, sur fond d’histoire du Tibet. »


Émeutes en Angleterre


« C’est l’expression de la colère, une colère brute qui sort avant tout de la jeunesse et pas forcément de manière injustifiée. La colère a toujours sa justification mais c’est toujours un mauvais moyen. Le bouddhisme parle de trois poisons : l’ignorance (l’incompréhension de ce que nous sommes et de notre place dans ce monde), l’avidité (la soif jamais satisfaite, le « toujours plus ») et le troisième, c’est l’expression de l’insatisfaction permanente : la colère. L’immense majorité de nos actions est issue de ces trois états intérieurs. Dans ces situations, on dépasse le rationnel. On casse, on brûle. La colère prend sa source dans toutes ses peurs, ses incertitudes, ses conditions de vie… On se compare sans cesse aux autres. À l’intérieur même des villes, les inégalités sont tellement irréelles qu’on encourage le sentiment d’injustice. On ne change pas les causes et ça empire. On assistera de plus en plus à ces révoltes qui ont quand même leur sens. »


Crise financière


« Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est l’émotivité générale et ces mots qui tournent en boucle : peur, inquiétude, incertitude, panique, instabilité… Le côté instantané, en direct, la moindre rumeur donnée le matin qui vaut des excuses l’après-midi, tout cela fait des dégâts inconcevables.


Ces krachs quasi quotidiens entraînent un climat de fond très prégnant, qui correspond bien à l’état d’esprit en France et dans des pays comblés par rapport à d’autres. On doute de tout, on ne comprend plus ce qui se passe. Mais il me semble que c’est un jeu général. À chaque fois, il y a des gagnants et des perdants mais tout le monde veut toujours plus, vit en compétition permanente. C’est au coeur de toutes les politiques actuellement. Et à la fin, tout le monde est pris à son propre piège. Un jour, les États gagnent, un autre les banques, et une autre fois, les spéculateurs. Tout le système capitaliste est basé sur la spéculation. Dans le bouddhisme, on appelle ça l’interdépendance. Dans notre vie personnelle, rien ne résiste sans le reste, la famille, le travail… Au niveau d’un système, on retrouve les mêmes règles. Ce langage n’est pas spécifique au bouddhisme. Beaucoup de gens, avec leur bon sens, commencent à retrouver les réalités, sortir de l’interdépendance qui n’est pas viable à très long terme. »


La famine en Somalie


« C’est ce qui me bouleverse le plus actuellement car le reste, c’est de l’écume. On parle si peu de ce qui se passe en Somalie. C’est surréaliste. J’ai vu un sondage qui demandait si les gens étaient surpris du manque de mobilisation pour la famine en Afrique. La réponse était non à 73 %. Les gens ont-ils accepté le fait que nous ayons des problèmes de faim dans le monde et que certains paieront cash ? C’est comme si on se durcissait, comme si on cherchait à cacher ses émotions, les taire au profit d’émotions beaucoup plus dérisoires. »



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