Mezzanine Est
billet collections 8,50 € plein tarif et 6 € tarif réduit
– du mardi 9 novembre 2010 au dimanche 9 janvier 2011
– commissariat : Stéphane Breton et Marc Petit
Dans les collines du Népal se trouvent des sociétés tribales, à l’origine ni bouddhistes, ni hindouistes : les plus connues sont les Magar, les Gurung, les Tamang, les Rai, les Limbu.
Depuis des siècles, elles utilisaient des masques, pour certains sans doute associés au chamanisme, qui subsiste de nos jours. Visages d’ancêtres, figures de personnages mythiques, démons et bouffons, ces masques sont le reflet de l’imprégnation du chamanisme et des croyances ancestrales dans la vie quotidienne et les rituels de ces sociétés tribales.
Gueule de bois
Qu’est ce que c’est ? – Une patate qui espère le couteau, la trogne rouée de coups d’un ivrogne, un crachat dans le creux de la main, un éclat de visage, un coup d’ œil qui nous porte un coup. Cette chose ressemble comme deux gouttes d’eau à une mauvaise rencontre. Nous sommes vus par quelqu’un que nous ne connaissons pas et qui se moque de nous. Je voudrais vous dire qui il est.
Une chose est sûre : il ne s’agit pas d’un visage, mais d’une gueule. Sur cette terre, nous dit ce masque, les humains sont équipés d’une gueule. C’est tout à leur honneur et c’est aussi pourquoi nous en sommes. Une gueule est une chose privée de forme – molle et dure à la fois, mais pas aux mêmes endroits. C’est dire beaucoup sur le fond de notre âme. Elle intéresse particulièrement ce masque, qu’il faut sans doute expliquer à la lumière du chamanisme tibétain ou népalais, qui se mêle parfois au bouddhisme tantrique et qui a donné en Sibérie certains masques de feuilles aussi fragile que celui-ci est increvable. Les masques – qui font taire le visage de celui qui les porte – chassent toutes sortes de maladies de l’âme et de la chair.
Nous savons peu de chose de ce masque, sinon qu’il vient du fond des âges et qu’il n’est pas souriant. Les deux vont ensemble. Sa grande ancienneté nous dit que sa grâce étrange avait du prix, celui de la force et de la persistance. L’ignorance et la mémoire menacent notre regard émoussé par l’habitude – l’ignorance de ce que l’on ne connaît pas encore, la mémoire de ce que l’on a déjà vu.
Pas vu et pas pris par les ethnologues, ce masque baigne dans l’inconnu ; on n’y trouve pas l’amabilité plastique et parfois réconfortante de l’ « art primitif » ni le conformisme éclairé des formes.
Stéphane Breton
Source : www.quaibranly.fr
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