05.11.2010
Dans le nord de la Colombie, des indigènes ont renoncé à leurs plats préférés, à base de tortue, pour sauver l’espèce en danger d’extinction, au risque de trahir leurs coutumes ancestrales…
Difficile pour les indigènes colombiens de renoncer à leur plat préféré. « C’est une lutte contre la culture de mes ancêtres. J’ai grandi en mangeant de la tortue et j’ai élevé mes enfants avec l’argent que j’obtenais en les chassant. Désormais, elles se font de plus en plus rares. Les filets reviennent vides. Il est temps de les sauvegarder pour nous sauver aussi », témoigne Olegario Choles.
Choles, âgé de 72 ans, est l’un des dirigeants de l’éthnie wayuu, composée de pêcheurs et de bergers présente au Venezuela et en Colombie, où elle peuple la péninsule de la Guajira, à l’extrême nord de l’Amérique du Sud, à plus de 1.000 km de Bogota.
Appuyé sur sa petite embarcation il évoque le sort de cette espèce en danger alors qu’une vingtaine d’enfants et de jeunes fêtent la « libération » de quelque 220 tortues de l’espèce Cayama ou « Carretta ».
Pour permettre aux jeunes reptiles d’atteindre la mer, il a fallu des mois de concertation avec les propriétaires de restaurants, cuisiniers et chasseurs de la région, afin de les convaincre de retirer de leurs menus la viande de tortue et les œufs, dont la consommation est en principe interdite par les conventions internationales.
Des bénévoles désignés par la communauté ont parcouru – moyennant trois gardes quotidiennes – les plages afin de veiller aux nids et de les protéger des prédateurs naturels tandis que d’autres rendaient visites aux restaurants et hôtels offrant de la soupe de tortue aux touristes pour tenter de les convaincre d’y renoncer.
Changer les coutumes, mission impossible?
Selon Lina Báez, spécialiste de l’environnement au sein de l’entreprise minière Cerrejón — pour sa part décriée par certaines ONG pour sa grande mine de charbon à ciel ouvert — qui sponsorise cette campagne, « les Wayuu se nourrissent avec les animaux de leur région, et changer leurs coutumes est une mission qui relève presque de l’impossible ».
Pour les convaincre, l’entreprise offre de verser aux chasseurs la moitié de la somme qu’ils auraient obtenue en vendant ce produit aux restaurants. Des fonds sont également consacrés à des programmes communautaires au profit notamment d’écoles ou de bibliothèques.
« Sur cent tortues seulement une arrive à atteindre l’âge de la reproduction, en raison des prédateurs de l’espèce animale et des hommes. La situation est si dramatique qu’il faut alerter les indigènes, pour qu’ils changent leurs coutumes », explique cette biologiste.
Pour y arriver, la campagne cible notamment les enfants wayuu, afin qu’ils poussent leurs aînés à y renoncer. En conséquence, « les anciens chasseurs et leurs enfants s’occupent d’assurer des endroits sûrs aux tortues pour la ponte, de protéger leurs oeufs et de libérer les nouveau-nés dans la mer », assure Maria Claudia Diazgranados, coordinatrice du programme marin de Conservation internationale, une ONG impliquée dans le projet.
Il faut cependant trouver des activités de substitution aux locaux, qui se servent non seulement de la viande mais aussi de la carapace des reptiles, pour fabriquer des objets artisanaux et des colliers.
Selon l’Union internationale pour la Conservation de nature (UICN), six des sept espèces de tortues marines identifiées sur terre sont en danger d’extinction.
Source : AFP
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